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N° 73mars 2019Le Chercheur d’OrSUPPLÉMENT À« La Nouvelle Abeille de Saint-Junien »n°1402 du jeudi 4 avril 2019. Ne peut être vendu séparément.La mouche verteau Grand Théâtre de Limoges Notre compatriote Daniel Depland a 29 ans lorsqu’il publie en 1973 son deuxième roman, La mouche verte. Le sujet, le long monologue d’une tenancière de bistrot qui s’exprime dans une langue émaillée de tournures originales et personnelles, lui fut inspiré à l’écoute de la patronne lors de ses fréquentes visites dans un établissement de Charente limousine. Publication de la Société des Vieilles Pierres pour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienÀsa sortie, le livre reçut un accueil très favorable de la critique : «un exercice vertigineux de mimétisme total» (La tribune de Genève), « une verve remarquable, un personnage monstrueusement vivant »(Bulletin critique du livre français). C’est quelques années plus tard que Jean-Pierre Laruy, directeur du Centre Théâtral du Limousin, s’empare du texte et en collaboration avec Daniel Depland adapte le roman pour en faire une pièce de théâtre portant le même titre et qu’il va mettre en scène. Le 21 avril 1981, la pièce est créée au Grand Théâtre de Limoges. La distribution est composée d’acteurs du théâtre, Monica Boucheix, Frédéric Cerdal, Christian Duc… Quant au rôle phare il fut confié à Dora Doll*, actrice parisienne connue pour ses nombreux rôles au cinéma. Bien que prenant ses racines dans la vie quotidienne d’un village limousin, la pièce n’aura pas le succès espéré, malgré l’extraordinaire prestation de Dora Doll. Terminons par la conclusion d’un article de Limousin Magazine, publié à la sortie de la pièce : « Dommage ! Elle eut mérité un public plus large et plus attentif ». Jean-Claude Ribette* Dora Doll (1922-2015) fut la première épouse de Raymond Pellegrin dont elle divorça en 1954. Après une liaison pendant deux ans avec Jean Gabin, elle épousa ensuite le chanteur François Deguelt.RARESsont les gravures anciennes de Saint-Junien, aussi est-il toujours agréable d’en découvrir une inédite. C’est le cas avec cette belle vue de l’École primaire supérieure (actuel Centre administratif), illustration d’un prospectus destiné aux familles désirant inscrire un fils dans cet établissement, ancêtre de notre lycée. A la différence des en-têtes commerciaux, le dessin est ici très objectif et vous pouvez reconnaître la façade imposante du bâtiment donnant sur la place Roche. De l’autre côté, la cour est cernée de constructions plus modestes. Enfin, à l’arrière-plan, deux maisons sont identifiables : à gauche, avec sa tour ronde, l’ancien hôtel Lamy de Montvallier (17e siècle), rue d’Arsonval; à droite, avec sa tourelle sur le toit, la demeure de l’architecte Vital Labrousse, place Lacôte. Frank BernardL’École primaire supérieure, vers 1890
Le Chercheur d’Or2 LE CHERCHEUR D’OR • N° 73 Imars 2019Senteur café… > Epicerie Blény, années 1930. Baptiste Déshoulières et Junien Debeaulieu près de la machine à torréfier. Collection particulière.> Annonce de l’épicerie Blény,L’Abeille de Saint-Junien, 7 avril 1928, p. 3 Dans les années cinquante, deux à trois fois par semaine, une senteur exotique embaumait la place Joseph Lasvergnas et les rues avoisinantes, masquant agréablement les effluves méphitiques venues d’une commune proche.ELLE s‘infiltrait jusque dans les salles de classe du vieux collège, fenêtres ouvertes, où une jeune lycéenne savait alors ce que faisait son grand-père… Installé sur le trottoir et sous les yeux des passants, Justin Blény officiait devant sa lourde machine à torréfier le café. Justin Blény et le café, c’était déjà une longue histoire, commencée dans les années vingt, quand il acquit, avec son épouse Marcelle Ganiand, le fonds de commerce de ses beaux-parents, une épicerie de denrées coloniales et mercerie « Au Sans Rival », située à l’angle de la rue Saler et du boulevard Victor Hugo. Le café était déjà torréfié sur place et Justin Blény va en faire la spécialité d’un commerce actif et réputé. Il s’appuie sur des offres pro-motionnelles alléchantes, publiées dans L’Abeille, et une réclame à la présentation insolite : imprimée à l’envers, elle attirait l’œil et l’attention d’une clientèle amateur d’un breuvage de qualité. Interrompue par la guerre, la torréfaction va reprendre en 1947 mais bientôt avec un produit qu’il a fallu adapter aux nouveaux modes de dégustation qu’impliquent les machines à café dans les bars ou chez les particuliers. C’est ce savoir-faire qu’il transmettra à ses successeurs, son fils et son gendre, pour que perdure la tradition d’un café frais et savoureux, promesse de digestion paisible et de convivialité… La torréfaction est un art délicat qui exige un savant dosage entre les différentes variétés de café utilisées et une surveillance attentive et constante pendant toute la durée de l’opération : 20 à 30 minutes. Elle exige aussi de la part du torréfacteur des qualités olfactives et gustatives afin de contrôler si le goût correspond à celui que demande la clientèle. Le café vert est importé par les ports de Bordeaux et du Havre, venant d’Afrique, d’Indochine, du Mexique, du Brésil… Justin Blény utilise cinq variétés dont deux de base bien connues : l’arabica pour le goût, le robusta pour sa teneur en caféine. Chaque variété est torréfiée à part dans une machine constituée d’un énorme cylindre rotatif chauffant avec des pales dans lequel les grains sont portés à une température de 240 degrés. La chaleur dégage de la vapeur d’eau, provoque de savantes modifications chimiques dans les différents composants des fèves, et leur brunissement. Le café perd alors jusqu’à 25 % de son poids. Les cafés torréfiés sont ensuite placés à chauddans un étouffoir fermé pour que leurs parfums se mélangent : cette alchimie va donner au produit fini tout son goût et son arôme. 80 kg sont ainsi torréfiés tous les 15 jours, étalés sur deux ou trois jours par semaine. Annette Bigaud
N°73LE CHERCHEUR D’OR • N° 73 I mars 2019 3Les métiers d’autrefois,le rétameur (famille Cuzol) « Peaux de lapins, peaux…» L’appel venait de l’entrée du village. Marie-Louise était alors descendue à la remise et avait pris les peaux des lapins mangés ces dernières semaines. Ces peaux avaient été soigneusement retournées, poil à l’intérieur, et tendues à l’aide d’une branche placée comme un ressort afin de les conserver.> Monsieur Cuzol, rétameur, vers 1950,photo tirée de Saint-Junien en Limousin, 1980. AUJOURD’HUIelles étaient correctement séchées et quand le marchand avait poussé sa carriole jusque devant chez elle, Marie-Louise avait pu discuter le prix et obtenir quelques sous de plus… Elles seraient revendues aux tanneurs, aux chapeliers, et les plus belles iraient aux fourreurs. La vie du village en hiver était ainsi agrémentée par le passage des colporteurs et artisans itiné-rants. Déjà, la semaine précédente, le village avait reçu la visite d’un marchand chargé d’une balle de mercerie pesant près de soixante livres ! Quel émerveillement quand il avait étalé mouchoirs de bap-tiste, bas et bonnets de laine, toile de Paris, tissu de coton, épingles, aiguilles, peignes … Deux semaines plus tôt, c’était la visite du rétameur. Depuis plu-sieurs années monsieur Cuzol, «le Cantalou», faisait du porte à porte, collectait couverts, louches, casseroles en fer blanc … Il allumait un brasero, activait le brasier avec un soufflet afin de faire fondre de l’étain dans un chaudron en fonte. Et après avoir dégraissé les objets avec une solution d’esprit-de-sel, les avoir brossés puis essuyés, à l’aide d’une longue pince il les plongeait un très court instant dans le bain en fusion. Une fine couche d’étain restait à la surface des ustensiles et les rendait brillants comme au premier jour. Le rétameur représentait dix artisans en un seul : outre redonner du brillant à la louche, il bouchait la fuite de la bassine rouillée, réparait la faïence et la porcelaine, changeait la baleine d’un parapluie, aiguisait couteaux et ciseaux… Bref il faisait du neuf avec du vieux. Nous sommes en 1869. Jean Cuzol, rétameur, vient de s’installer à Saint-Junien avec son épouse Jeanne Benoit et leurs deux enfants. Il sont nés dans le Cantal à la Gazelle, un village près de Ségur-les-Villas où ils vivaient de la terre auprès des leurs. Mais la montagne nourrit mal ses familles, surtout en hiver. Que faire dans ces vallées perdues de la haute-Auvergne alors que la mauvaise saison s’installe? Ainsi nombreux sont ceux qui partent sur les routes, émigrants saisonniers, pour gagner quelque argent. Partis en automne et générale-ment rentrés à Pâques, ils vont directement au devant des consommateurs des hameaux et villages, et obligés de consentir des crédits, ils sont contraints chaque année de mettre leurs pas dans ceux de l’année précédente. Lui aussi a tenté sa chance espérant peut-être revenir un jour définitivement au pays. Après plusieurs hivers passés sur les routes, il s’est fait une bonne clientèle à Saint-Junien et ses envi-rons, où les habitants l’ont toujours bien accueilli. Il quitte donc définiti-vement son Auvergne et emménage faubourg Saler puis, quelques mois plus tard, faubourg Pont-Levis. Deux enfants sont décédés depuis leur arrivée à Saint-Junien, aussi quand Jeanne est à nouveau enceinte elle termine sa grossesse dans sa famille à la Gazelle où elle accouche de Guillaume en 1875 et de Quentin en 1877. Dix ans plus tard, on retrouve autour de Jean, qui a maintenant 40 ans, et de Jeanne son épouse, Eugénie, Guillaume, Quentin, Pierre 7 ans, Marie Madeleine 3 ans, leurs enfants et Jacques Ventadour, lui aussi auvergnat et étameur, qui seconde Jean à l’atelier. Quand Jeanne décède en 1892, à l’âge de 46 ans, les enfants se groupent autour du père : Eugénie, maintenant institutrice, gère le foyer et s’occupe de Marie Hélène née seulement 2 ans auparavant; Guillaume, Quentin et Pierre sont maintenant à l’atelier. En 1897 toute la famille déménage et s’installe route de Saint-Brice. A son retour du service militaire, Quentin épouse Marie Princeau originaire de Saint-Brice. Le couple aura trois enfants René, André et Denise. Quand leur père s’éteint en 1909, Guillaume et Quentin reprennent le flambeau. Mais la Grande Guerre éclate, tous deux sont rappelés, l’atelier ferme. A leur libération Guillaume va travailler en usine, Quentin continue alors seul. C’est de lui dont les plus anciens Saint-Juniauds se souviennent, au milieu d’un petit atelier «capharnaüm», peu bavard mais attentif aux désirs de chaque cliente. Il continue ainsi jusqu’au début des années cinquante. Les enfants s’étant mariés avant la Seconde Guerre, Marie et Quentin vivent maintenant seuls. En 1953 Marie décède. Trois ans plus tard Quentin décède à son tour. Leur gendre Pierre Bertrand essaie alors de continuer le métier, mais le métier s’éteint, on ne répare plus, on jette et on achète du neuf. La société de consommation a fait son entrée ! Jean Mazaud
LE CHERCHEUR D’ORPublication de la Société des Vieilles PierresPour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienSociété des Vieilles Pierres : 18, rue Paul-Elluard • 87200 SAINT JUNIENLe supplément « Le Chercheur d’Or » est consultable en ligne à l’adresse :st-junien-vieilles-pierres.frLa version papier est disponible gratuitement aux archives municipales, à la médiathèque de Saint-Junien et à l’office du tourisme.N°ISSN 2117-8879 Pour tout renseignement : 05 55 02 30 69 – Courriel : socvp@orange.frEDITIONS L’ABEILLE B.I.P. SASDépôt légal à parution • ISSN 3441-4101 K • ARRONDISSEMENT DE ROCHECHOUART. Autorisé pour l’arrondissement judiciaire à publier les annonces judiciaires et légales en matière de procédure civile et de commerce, ainsi que les actes des sociétés. No CPPAP 0615 I 87943 • Tirage : 4.000 ex. Abonnement 2019 : 45 € • Prix du No 1,20 €Directeur de Publication et rédacteur en chef :François BUSSAC • Rédaction « Le Chercheur d’Or » : Franck Bernard et Société des Vieilles Pierres.Conception graphique : Studio four cat’S : Sébastien CATILLON. Impression : SAXOPRINT.Un ange disparaîtLes importants travaux menés sur la collégiale par la ville de Saint-Junien dès 2013 comportaient une mise aux normes du paratonnerre. L’opération sur le clocher ouest a nécessité l’enlèvement de la girouette qui le surmontait. ENLÈVEMENT certain, conservation douteuse, disparition à craindre. De timides investigations n’ont rien apporté sur le sort de cette girouette que les études sur l’église ont ignorée. Déjà en 1987, la réfection de la couverture du clocher avait causé la dépose de la croix et de la girouette. Cette dernière, sous la forme d’un ange, avait été observée et photographiée par le regretté Louis Bonnaud. Le 22 décembre 1987, dans une de ses communications si pertinentes à la Société archéologique et historique du Limousin (Bulletin CXV, 1988, p. 232-233), il en donnait la description suivante, que nous ne pouvons que reprendre. L’ange girouette dessine une silhouette plutôt rudimentaire, découpée dans une feuille de cuivre rouge épaisse de deux millimètres, aujourd’hui recouverte d’une belle patine vert-de-gris. Quoique de profil, l’ange aux mains jointes avec un long pouce, reconnaissable à ses ailes disproportionnées, est figuré avec les jambes écartées et les pieds en abduction externe. L’exagération des membres dénote la main maladroite qui a tracé les contours, mais offre une meilleure prise au vent, rendant la girouette plus sensible. Sur l’un des pieds, on lit, gravés dans le métal avec un composteur, le nom d’une ancienne entreprise de couverture de Limoges : MAON et la date 1932. L’excellent état de conservation de cette girouette paraît bien faire de cette date celle de son installation au sommet du clocher, où elle a vraisemblablement succédé à une autre plus ancienne en mauvais état. Et Louis Bonnaud précise les dimensions, hauteur :0,565m ; envergure totale : 0,720 m ; les pieds ensemble : 0,344 m. Ajoutons qu’un œil perce la tête, et que deux ferrures horizontales et deux manchons verticaux permettaient à la girouette de pivoter à la pointe de la croix. Les travaux de 1987 avaient aussi attiré l’attention d’un Saint-Juniaud friand de ce genre d’événements, notre ami Pierre Villoutreix. Après des photographies, il avait reporté le contour de la girouette sur un carton fort. Son obligeance et un nouveau découpage ont permis l’illustration de ce texte. Il reste à savoir si la girouette de l’entreprise Maon était une création ou une reprise d’après un exemplaire ancien. Car une girouette existait bien, au moins au XIXe siècle, mais les photographies de cette partie de l’édifice n’ont pas la netteté désirable. On en jugera par le cliché de Vital Granet, lors de la construction de la première halle en 1881. Le Cahier n°13 d’IMPACT l’a publié (décembre 2005, p.25) et un bel agrandissement est présenté aux archives municipales. L’aspect général est flou, mais peut rappeler l’ange et ses ailes déployées. Reverrons-nous ce modeste objet, qui laisse des questions sans réponse, ne serait-ce que sur son sort ? Il est vrai qu’un ange, quand il passe, le fait toujours en silence.