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n° 80janvier 2021Le Chercheur d’OrUne croix mystérieuse oubliée,perdue dans les broussaillesElle est là, plantée derrière des marronniers, oubliée dans une f riche entre la voie ferrée et la route de Saint-Brice. Dans les années 60, elle trônait là fièrement, « la Croix de Baroneau », au carrefour du chemin de Baroneau et de la route de Saint-Brice, non loin de la maison de la garde-barrière. Un écrivain saint-juniaud méconnu Pier re Hyppolite Lavayssière(1796-1879)Dans le précédent Chercheur d’Or (n°79), nous avons évoqué un roman historique paru en 1858, dont l’action se déroule à Saint-Junien en 1569. Revenons aujourd’hui sur son auteur, Pierre Hyppolite Lavayssière, qui fut principal du collège de notre ville durant quelques années.AUJOURD’HUI, plus de passage à niveau : un pont surplombe la voie du chemin de fer, le tracé de la route a été modif ié et le petit chemin qui montait à Baroneau n’existe plus. A cet endroit, un passage à niveau secondaire permettait l’accès à Baroneau ; en permanence fermé, il fallait actionner une petite tirette reliée à un fil pour en demander l’ouverture à la garde barrière, à 300 m de là.Refoulée du bord de route, la croix se retrouve maintenant entre les glissières de sécurité et la voie ferrée, dans une zone non entretenue où la végétation semble l’engloutir inexorablement. Elle est formée d’un socle monolithe en pierre blanche, à quatre faces, et d’une grande croix en ciment imitant un tronc de bouleau ou de merisier, pour une hauteur totale de 3,40 m. Sur la face ouest, on peut lire « SALUT O CROIX notre unique espérance » et plus bas, la date « 1896 » et trois lettres « M.B.C. ». C’est un bel exemple de croix de carrefour : avec l’érection de ce monument, on voulait affirmer sa foi au christianisme et protéger les siens.La propriété de Baroneau appartenait en 1896 à Marc Barbou des Courrières, imprimeur à Limoges, ce qui explique les trois lettres inscrites sur le socle. A cette époque, il fit de Baroneau un lieu de fêtes pour recevoir ses amis et l’appela le « Cabaret de la Pomme de Pin », reprenant le nom d’un célèbre cabaret fondé au XVe siècle à Paris. Un établissement qui avait reçu Rabelais, François Villon, Du Bellay, Ronsard, et autres Boileau et La Fontaine. Il fut longtemps le lieu de rassemblement des poètes, sous les règnes de Louis XIII et Louis XIV, mais il était f réquenté aussi par des grands seigneurs et des gentilshommes qui venaient y boire du mauvais vin et rencontrer des filles. Le Cabaret de la Pomme de Pin fut détruit en 1853. Sa renommée était grande et Barbou des Courrières a sans doute voulu perpétuer cette institution dans notre Limousin en invitant amis et intellectuels en ces lieux, si nous en croyons l’enseigne qu’il avait accrochée à l’entrée. Laissons là les fantômes des personnages plus ou moins illustres continuer à hanter Baroneau avec leurs déguisements extravagants, danser et déclamer un verre à la main. La propriété est redevenue calme, le petit chemin qui y montait a été détourné et la croix qui avait un rôle de guide et d’indicateur n’est plus au carrefour.Cette croix est en danger ! Perdue au milieu des broussailles, elle risque d’être détruite par la chute d’un arbre, ou même d’une branche. Elle mérite sans aucun doute d’être protégée et entretenue.Jean-René PascaudLAVAYSSIÈRE est né en 1796 à Fougères, en Bretagne, dans une famille d’artisans originaires du Cantal. Bachelier ès-lettres, il s’engage dans la voie de l’enseignement qui le conduit au collège d’Uzerche, où il est nommé professeur en 1820. Il passe ensuite par le collège de Guéret, l’école royale militaire de La Flèche et le collège de Laval, avant de devenir principal du collège de Craon (Mayenne) en 1831. Il y reste jusqu’en 1835 et sa nomination à la tête du collège de La Rochefoucauld. En 1844 enfin, il prend la direction du collège de Saint-Junien et c’est là qu’il termine sa carrière, en 1851.À partir des années 1850, et jusqu’à son décès en 1879, Lavayssière profite de sa retraite pour s’adonner à l’écriture, passion qui l’a saisi dès sa jeunesse. Dès 1821, il avait reçu une médaille d’or départementale pour un poème intitulé Hymne au soleil. Mais, vers 1840, il n’était pas parvenu à faire paraître un premier roman, malgré l’aide sollicitée auprès du grand poète Alf red de Musset.En revanche, durant les 25 dernières années de sa vie, Lavayssière publie plus d’une vingtaine d’ouvrages, tous chez Ardant-Frères à Limoges ; des œuvres pour l’éducation de la jeunesse, fortement teintées de morale chrétienne, qui se partagent entre aventures historiques et récits de voyages dans le monde. L’exotisme et les explorations géographiques sont, dans cette seconde moitié du XIXe siècle, à la une des journaux et des romans, comme ceux de Jules Verne. C’est là peut-être que Lavayssière, voyageur immobile, a puisé la documentation nécessaire à ses récits.Pierre Hyppolite Lavayssière n’a pas laissé son nom dans la littérature, pas même dans sa cité d’adoption. Mais il a transmis sa sensibilité artistique à sa fille Alexandrine-Jenny (1832-1918), excellente pianiste et fondatrice de l’Orphéon de Saint-Junien. Quant à son petit-f ils, Jean Teilliet (1870-1931), il est inutile de le présenter.Les romans de Pierre Hyppolite Lavayssière sont des livres anciens et introuvables ; mais 12 d’entre eux sont réédités par Hachette BNF dans une collection qui réimprime à la demande de tels ouvrages, à des prix raisonnables (de 10 à 30 €). Voir le catalogue dans : hachettebnf.f rFrank Bernard• Pierre le pâtre ou le comte de Kergus, 1857.• Une mission au Canada de 1751 à 1769, 1858.• Stations dans l’intérieur de l’Afrique : relations du capitaine Mauduit, naufragé dans le canal de Mozambique, 1860.• Le recteur de Kernic, 1863.• Episode du temps des croisades sous Saint Louis, 1863.• Les chasseurs d’éléphants en Nubie,1865.• Un missionnaire en Californie, 1868.• Voyages dans l’Inde moderne, 1869.• Journal du capitaine Kerlaic ou les naufragés du Goëland, 1869.• Voyages et aventures du capitaine Landren dans les Indes orientales, 1869.• La famille de l’émigré chez le tueur d’ours des Abruzzes, 1878.Quelques ouvrages de Pierre Hyppolite LAVAYSSIÈRE
10Le Chercheur d’Or n° 80 / Janvier 2021Pierre EBERHART (1936 : Lagny-sur-Marne – 2020 : Saint-Junien)NOTRE ami Pierre Eberhart, membre éminent de la Société des Vieilles Pierres, nous a quittés à la fin de l’année 2020, au bout de quatre mois d’une implacable maladie. Avec lui, c’est le meilleur connaisseur de l’histoire de notre cité qui disparaît.Pierre Eberhart est né et a vécu à Lagny-sur-Marne, mais il avait des racines à Saint-Junien, du côté maternel, dans la famille Ripet. C’est à Lagny qu’il fait carrière dans le domaine culturel, comme conservateur du musée et archiviste municipal. Durant trente années, il déploie une énergie extraordinaire au service du patrimoine et de l’histoire de sa région, engagement qui lui vaut d’être honoré, en 2006, du titre de Chevalier des Arts et Lettres.Parallèlement à ses activités en Seine-et-Marne Pierre Eberhart s’intéresse à Saint-Junien où il revient régulièrement. Comme à Lagny et avec le même esprit méthodique, il travaille sur l’histoire de la ville et de ses monuments. Il va s’attacher en particulier à la chapelle du cimetière dont il dirige le déblaiement et la fouille de la partie souterraine, durant les étés 1967, 1968 et 1969.Au début des années 2000, à l’heure de la retraite, il fait le choix de s’installer à Saint-Junien. Poursuivant un travail entrepris depuis plusieurs années, il rassemble une documentation exceptionnellesur notre ville, son histoire, ses activités, ses personnalités. Tout est annoté, inventorié, classé dans des dossiers thématiques qui s’alignent sur les rayonnages de son bureau.Esprit curieux, Pierre Eberhart était féru de littérature, de généalogie, de numismatique, de philatélie, de bibliophilie. L’étendue et la diversité de ses connaissances étaient étonnantes ; une érudition façonnée par un goût immodéré de la lecture et par la rigueur de sa pensée.Sa documentation et son érudition, Pierre Eberhart les a mises au service de la Société des Vieilles Pierres ; il est vite devenu l’âme de notre association, participant à toutes nos activités avec discrétion, guidant les recherches de chacun, donnant à nos travaux un caractère scientif ique, apportant à nos réunions son expérience, son bon sens et son humour. Sa disparition est une perte immense pour notre association et elle est durement ressentie par tous ceux qui l’ont côtoyé.Dernière escaleà Saint-JunienParmi les croix, stèles, colonnes et autres monuments funéraires, le cimetière de Saint-Junien présente deux tombes ornées d’un symbole plus étonnant, l’ancre marine.LE Limousin n’est pas connu pour être une terre de marins… d’ailleurs les marins préfèrent la mer ! Cependant notre région a vu naître un certain nombre d’hommes qui ont parcouru les océans. L’un d’eux, Duroy de Chaumareix, décédé à Bussière-Boffy en 1841, est tristement célèbre pour avoir commandé la f régate La Méduse – celle du Radeau. Les autres ont eu un destin moins dramatique, comme Louis Dussoubs, né à Saint-Junien en 1866, qui acheva une brillante carrière comme capitaine de f régate (voir sa biographie dans Le Chercheur d’Or n°69, mars 2018). Au cimetière de Saint-Junien, l’ancre marine signale la sépulture de deux marins pour leur dernier voyage. L’un est né dans notre cité, l’autre y est décédé. Jean-Félix Eugène Rigaud (1869-1938) est le f ils unique d’un ouvrier gantier parti fonder un magasin de gants à Toulon vers 1875. Est-ce la proximité du port militaire ou l’influence de son oncle Jean Léonard Thomas, chef mécanicien de la marine marchande, toujours est-il qu’il est attiré par la carrière maritime. Aussi, à sa sortie de l’école de médecine de Bordeaux, il s’engage dans la marine et est affecté comme médecin militaire au port de Rochefort, en 1889. C’est le début d’une carrière outre-mer qui va le mener au Tonkin, en Indochine, à Madagascar et à la Réunion. À partir de 1914, et jusqu’à une grave blessure en août 1918, il sert comme médecin major de division, auprès des soldats sur le f ront. Il est reçu officier de la Légion d’honneur en 1916 et promu commandeur en 1920. Il devient médecin général en 1925, quatre ans avant sa retraite. Il décède à l’hôpital du Val-de-Grâce en mars 1938 et est inhumé dans le caveau familial à Saint-Junien. Deux ancres de marine sculptées dans le calcaire de la stèle rappellent sa vocation maritime.Jean Rogue est né en 1832 à Angers et c’est son mariage en 1880 avec Françoise Eva Berthet, une jeune Saint-Juniaude, qui l’amène dans notre cité. À cette date il est premier commis aux vivres de la marine – une sorte d’intendant – à bord du Constantine, une corvette à voiles basée à Rochefort. C’est à peu près tout ce que l’on connaît de sa carrière. En 1887, il est retraité de la marine et vit à Saint-Junien ; il y décède le 29 novembre 1891. Sa sépulture est surmontée d’une croix de granite en forme d’ancre marine.L’ancre n’est pas seulement associée à la marine et aux voyages, et elle a sa place dans les cimetières. Elle est en effet un symbole chrétien de l’espérance et a servi de signe de reconnaissance aux premiers croyants persécutés dans l’empire romain. Enf in, elle signifie la fidélité et l’attachement aux personnes que l’on aime.Frank BernardPARUTIONJean-Claude FRÖLICHmembre de la Société des Vieilles Pierres, publie un nouvel ouvrageL’aventure des papetiers et papetières d’EvergnicourtAVENTURE industrielle et aventure humaine, c’est une histoire peu connue dont le souvenir a pratiquement disparu en Haute-Vienne et Charente Limousine qui est relatée dans cet ouvrage.A l’extrême fin du XIXe siècle, Jean-Baptiste Roudier, industriel de Saint-Junien, décide d’implanter en Picardie une nouvelle papeterie. Il recrute son personnel dans les usines de notre région et quarante familles vont accepter cette délocalisation.Cette étude à la fois historique et généalogique recense ces familles de pionniers et leur devenir à l’issue de la Grande Guerre.25 € + 4,50€ de portCOMMANDE ET CHÈQUE À ADRESSER À : Jean-Claude FRÖLICH26, rue de Gravigny91160 LONGJUMEAUAncres marines sur la sépulture du médecin général Jean Félix Rigaud.Stèle sur la tombe de Jean Rogue