N° 40décembre 2010Supplément à la Nouvelle Abeille de Saint-Junien N°1019 du 24 décembre 2010. Ne peut-être vendu séparément.Archives départementales de la Haute-Vienne, 1Fi 671.Sépultures dont le squelette repose sur une couche de charbons de bois.Cimetière médiévalLe Chercheur d’OrRetouR sur imagesCe t t et r è sv i e i l l em a i s o n de Saint-Junien a intrigué plus d’un spectateur lors de la projection de photographies anciennes que la Société des Vieilles Pierres a organisé le dimanche 21 novembre, au Ciné-Bourse, devant plus de cent personnes.Le cœur de notre vieille cité avait donc conservé, jusqu’à la veille du XXe siècle, au moins une de ses maisons médiévales à pans de bois et étages en encorbellement.Où se dressait-elle jusqu’en 1898, date de sa démolition ? A l’emplacement de notre actuelle salle des fêtes, dont la construction en 1899, avec celle des halles, provoqua le réaménagement de tout le quartier adossé au flanc sud de la collégiale.Pour prendre son cliché, le photographe G. Fleury avait planté son appareil en face du portail de l’église, l’objectif dirigé vers le bas de la place. Notre point de repère ? La maison à droite, avec sa belle enseigne de chapelier, qui a été conservée et que l’on reconnaît au fruit de sa façade (actuel salon de coiffure).Voila donc une des précieuses images d’un Saint-Junien disparu, que la Société des Vieilles Pierres s’est efforcée de faire revivre, le temps d’une projection.F. B.Rappel :le Dossier du Chercheur d’Or n°2, Saint-Junien et les Photographes, est en vente à la librairie « A propos », rue lucien-Dumas. ■ Jusqu’à la dernière minute, quasiment sous les roues des engins qui prenaient possession du chantier, les archéologues de l’INRAP ont exploré le sous-sol de la place Lénine. Et pourtant ils n’ont pu fouiller qu’une partie des 200 tombes repérées ! Car c’est un vaste cimetière médiéval qu’ils ont mis au jour, avec ses tombes bien conservées, délimitées par des pierres posées de champ et renfermant encore les squelettes des défunts. L’étude des ossements livrera sans doute de nombreuses données sur les caractères physiques des Saint-Juniauds de la fin du moyen-âge. Plus intéressant encore, certaines sépultures présentaient une curieuse particularité: le corps reposait sur une épaisse couche de charbon de bois ! Pourrait-il s’agir d’une pratique funéraire propre aux chanoines ! Il nous faudra attendre le rapport des archéologues pour en savoir plus sur cette question … et sur beaucoup d’autres. F. B.

Le Chercheur d’OrPage 2N°40Page 3Gantiers en Amérique(2)Le s Fr è r e s Li m o u s i nun blancc h e zl e sr o u g e s !Disparition DeLéon Vignerie en 1883A la différence d’Hippolyte Texier parti seul, c’est toute la famille Limousin qui quitte Saint-Junien pour les Etats-Unis, au début des années 1880.Eugène, FeRDinanD et CypRien sont les trois fils d’Elie Limousin, fabricant de gants à Saint-Junien de 1839 à 1876. La mégisserie et la ganterie familiales sont alors installées sur la Vienne, au pied de Saint-Amand, tout près de l’actuelle mégisserie Colombier. Peu après le décès de son père en 1876, Eugène tente l’aventure américaine et se fixe à Johnstown, état de New-York, où commencent à se concentrer les ganteries. Son frère Cyprien le rejoint à la fin de l’année 1880 puis, en mai 1881, sa mère et son frère Ferdinand émigrent à leur tour, après avoir vendu tous leurs biens à Saint-Junien. En 1890, un autre membre de la famille les rejoindra, Edouard Chauvaud, beau-frère de Ferdinand, gantier et saint-juniaud lui aussi.A Johnstown, les Limousin s’associent avec les frères Roucoulès, originaires de Millau, pour fonder une entreprise qui connaît une certaine prospérité. En témoignent deux vieilles photographies de leur mégisserie, à l’enseigne ROUCOULES & LIMOUSIN, LEATHER DRESSERS AND COLORERS, sur lesquelles on distingue un vaste bâtiment de bois à étages et un groupe de plus de cinquante ouvriers mégissiers.Cependant, au cours la décennie 1890, l’association avec Roucoulès est rompue et les frères Limousin eux-mêmes se séparent. Cyprien part en Californie, à San Francisco, où l’on trouve mention de sa manufacture de gants jusqu’en 1915. Ferdinand, veuf depuis 1890, rentre finalement à Saint-Junien vers 1898, avec son fils Louis et sa fille Clotilde. A son décès en 1906, ses enfants partent rejoindre leur oncle Cyprien en Californie. Clotilde et son mari, Albert Ranty, restent probablement dans la ganterie puisqu’on les retrouve à Gloversville en 1920. Ils finiront leur vie aux Etats-Unis.Louis Limousin, né américain en 1888, fera au contraire le choix de la France. Après des études à Berkeley de 1906 à 1912, il fait son service militaire puis la guerre en France. Il retournera en diverses occasions aux Etats-Unis mais, à partir de son mariage en 1920, il se fixe définitivement à Saint-Junien où il fonde une ganterie, avenue des casernes (actuelle avenue Jean-Jaurès). Il ne manque pas de mentionner sur l’en-tête de ses factures les noms de son grand-père et de son père, ainsi que l’usine de Johnstown. Une sorte d’hommage à la tradition gantière de sa famille et à son esprit d’entreprise.F. B.■ Ferdinand Limousin au milieu de ses ouvriers, vers 1892.■ La Mégisserie Limousin à Johnstown, New-York, vers 1892.■ Louis Limousin en 1912.■ Ferdinand Limousin.Nous sommes le dimanche 15 mai 1938, Charles Maurras est venu la veille présider à Limoges une conférence organisée par le Cercle Jacques Bainville. Georges Gaudy, notre écrivain saint-juniaud, est parvenu à persuader Charles Maurras de venir voir sa belle ville. A 8 h 30 du matin, une caravane de voitures suit la vallée de la Vienne par Aixe et Saint-Priest pour venir à Saint-Junien. Accueilli par Georges Gaudy, Maurras fait un tour sur les bords de la Glane, avant un vin d’honneur, offert par ses amis royalistes, qui rassemble environ 300 personnes.C’est dans son éditorial du lendemain, sous le titre « Promenade dans la patrie », que Charles Maurras raconte cette escapade. « Je viens de traverser, avec notre ami Georges Gaudy, la plus belle, la plus souriante, la plus riche des campagnes de la patrie. Notre ami m’a fait descendre la vallée de la Vienne depuis Limoges jusqu’à Saint-■ Une fois n’est pas coutume, Saint-Junien est élogieusement citée en première page de l’Action française, journal nationaliste et monarchiste de l’entre deux guerres !■ Charles Maurras, le jour de son élection à l’Académie française (9 juin 1938), avec Maurice Pujo, Henri Massis et Georges Gaudy (à droite).Jusqu’en 1871, Saint-Junien a conservé la tradition de faire annoncer les décès par un crieur public, ce que l’on appelait « sonner la huche ». Par la suite, et pendant encore un siècle, les décès ont été inscrits sur de petits panneaux fixés à certains coins de rue. Cependant la pratique du faire-part envoyé par la famille s’est largement diffusée dès le milieu du XIXe siècle, et d’abord parmi les catégories les plus aisées.†Voici un bel exemple de ces faire-part, parmi les plus anciens, précieusement conservé. Il a été imprimé après le décès de Léon VIGNERIE, le 18 janvier 1883, afin d’inviter ses amis à prier pour son âme. La famille Vignerie était en effet très pieuse et très charitable (Léontine Vignerie, fille de Léon, lèguera toute sa fortune à l’hôpital de Saint-Junien en 1954). Entre autres bienfaits, Léon Vignerie avait financé pendant 15 ans une école pour les ouvriers de son usine du Moulin-Pelgros. Il avait constitué sa fortune dans l’industrie du papier de paille. Exploitant d’abord l’usine du Dérot, il s’associe en 1865 avec les frères Louis et Camille Codet pour transformer le Moulin-Pelgros en papeterie. Sous la raison sociale Vignerie et Codet, celle-ci devient rapidement la plus importante du département. Le faire-part présente un grand intérêt car il est illustré du portrait de Léon Vignerie, le seul que l’on connaisse de lui. Antérieur à 1883, c’est aussi le plus ancien portrait photographique identifié d’un Saint-Juniaud. Junien. Saint-Junien la Rouge, disait-on autrefois : j’y ai vu des blancs par centaines. Mais avant de voir ces amis si charmants, ces amies si gracieuses, mes yeux ont baigné dans les délices du beau paysage limousin. La pluie (peut-être conduite et amenée par nous !) réjouissait le paysan sans ôter grand’chose à la splendeur ni au charme de ce noble coin aimé de Corot.La douce et lente rivière couleur d’ardoise, tantôt se répandait dans la gloire des prairies et des pâturages, tantôt se resserrait entre des remparts végétaux, falaises de verdure, parfois denses comme du roc. Ah ! Le doux pays ! Ah ! La nature exquise, amie de l’homme, et d’ailleurs assimilée à l’homme par un travail vingt fois séculaire ! […] »J.-C. F.

La face perdueRéalisé en colaboration avec la Société des Vieilles PierresPour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienSociété des Vieilles PierresRédaction : 18, Paul Eluard – 87200 SAINT JUNIENFrank Bernard – David Chaput – Pierre EberhartThierry Granet – Jean-René Pascaud.Le Chercheur d’OrLe Chercheur d’Orest consultable en ligne sur le site de l’OTSI de Saint-Junien à l’adresse :http://www.saint-junien-tourisme.frLa version papier est disponible aux archives municipales et à la médiathèque.Pour tous renseignement : Tél. 05 55 02 30 69 – Courriel : socvp@orange.frLe manusCRit,rédigé en 1461 par le chanoine Jean Courtois, était protégé par une reliure en bois revêtue de feuilles d’ivoire décorées formant un diptyque. Un diptyque consulaire, car il portait l’effigie de Flavius Félix, consul pour l’empire d’occident en 428, assassiné en 430.Ce manuscrit est encore vu au milieu du XVIIIe siècle par l’abbé Joseph Nadaud. A la Révolution, l’inventaire du 29 juillet 1790 ne le mentionne pas. Est-il déjà enlevé voire dépecé? Quelques années après, la plaque supérieure est en possession de Jacques Christine Roulhac de Rochebrune, propriétaire du Châtelard, qui l’envoie en 1807 au ministre de l’Intérieur. Celui-ci le dépose dans les collections publiques, et depuis le précieux ivoire est toujours resté au Cabinet des Médailles et Antiques de Ainsi que Le Chercheur d’Or l’a rappelé dans son numéro 38 de juin 2010, il existait dans le trésor du chapitre de Saint-Junien une Vie de saint Rorice II, évêque de Limoges au VIe siècle, et inhumé près du tombeau de Saint-Junien.la Bibliothèque nationale de France. Le Chercheur d’Or en a donné une belle illustration qui dispense de toute nouvelle description. Précisons que la plaque mesure 24,3 cm de hauteur et 13,6 cm de largeur.Il est impossible de savoir si Roulhac de Rochebrune conservait la totalité du diptyque, et le sort de la deuxième plaque est ignoré. Heureusement, une reproduction des deux ivoires figure dans les « Annales de l’ordre de saint Benoît … », ouvrage de dom Jean Mabillon, paru en six volumes in-folio à Paris, en 1703 – 1739. Au tome III, la page 203 en donne une représentation gravée. La plaque disparue montre le consul revêtu d’une sorte de tunique, tenant le décret impérial de sa nomination. Dom Mabillon n’est jamais venu à Saint-Junien, et il a probablement dû connaître le diptyque par son confrère dom Claude Estiennot de la Serre. En effet, celui-ci est sur place vers 1675 – 1680, occupé à une copie de la Chronique d’Etienne Maleu, copie maintenant à la Bibliothèque nationale de France.Ce genre de diptyque était offert par le consul lui-même, qui ne manquait pas de produire tous ses titres. L’inscription latine abrégée qui les rapporte peut se traduire ainsi: (De la part de) Flavius Félix, personnage clarissime, comte et maître des deux milices, patrice et consul ordinaire.P. E.Qui n’a pas rêvé de découvrir, au tréfonds d’une vieille demeure de Saint-Junien, une œuvre peinte par Corot au cours de ses séjours sur les bords de la Glane ? Un tableau ou une esquisse, voire un simple croquis, comme en a tant griffonné le vieux maître dès qu’il était dans la nature. Un petit bout de toile ou de papier, donné à ses hôtes et amis, les frères Roche, ou oublié sur une table d’auberge.Ce n’est pas cela, malheureusement, que le hasard nous a révélé récemment, mais plus simplement la copie d’une toile de Corot, par un artiste saint-juniaud, Edmond Boulanger (1882-1975). Nous avons déjà évoqué la vie de cet amateur, original et passionné (Le Chercheur d’or n°22, juin 2006). Sa touche bien sûr n’est pas celle du maître français du paysage, mais il ne s’agissait pas pour lui d’imiter Corot (qui a été tant copié), seulement de s’amuser, de peindre « à la manière de ». Le résultat n’est pas sans charme.F. B