N° 53mars 2014Le Chercheur d’OrSupplément à la« Nouvelle Abeille de Saint-Junien »n° 1169 du 29 mars 2014. Ne peut être vendu séparément.Un échafaudage rudimentaire et une simple échelle en 1904, contre un échafaudage intégral et un monte-charge électrique en 2014. Insécurité totale contre sécurité maximale : le progrès est passé par là !Jean Bourgoin dans son livre « Les Antitout » nous décrit un instant émouvant du travail de ces ouvriers en 1904 sur le chantier:« Un jour, alors que je passais sur la place du marché un peu en 110 ans110 ans séparent ces deux photos. La première date de 1904, année d’ostensions comme le montre le mai dressé sur le parvis. La seconde est d’actualité. flâneur, pendant que mes peaux étaient à l’humide dans ma grande nappe enroulée, en regardant l’heure à la grande horloge, je remarquai un échafaudage sur la façade de l’église. Une longue échelle était dressée vers le plancher suspendu à des câbles, où deux maçons travaillaient, truelle en mains. Sur l’échelle, montait péniblement un homme âgé. L’oiseau des maçons (auge que l’on portait sur les épaules) plein de mortier, sur ses épaules recouvertes d’un sac, me cachait sa tête.Je remarquai que son corps ployait sous l’effort, de droite et de gauche, lui donnant un aspect rampant le long de son échelle à laquelle il semblait s’agripper des pieds et des mains. Et je le voyais se mouvoir, serpenter, de plus en plus lentement au fur et à mesure qu’il se rapprochait de l’échafaudage.Je m’étais arrêté, particulièrement intéressé par le porteur de mortier, par l’effort que me paraissait faire celui qu’on appelle le goujat. Lorsqu’il eut atteint l’échafaudage, après une dernière torsion du corps pour quitter l’échelle, et que ‘l’oiseau’ qu’il portait eut cessé de me le cacher, je reconnus mon père. »En 1904, les gantiers, les mégissiers, les papetiers sont en grève. Le père Bourgoin, lui-même mégissier, doit travailler sur des chantiers ponctuels pour pouvoir vivre. Son fils est surpris de le trouver là, à son âge, à trimer pour gagner les quatre sous qui lui manquent.Jean-RenéPascaud.

Le Chercheur d’OrPage 2On ne peut pas ne pas remarquer la devanture de la boucherie Margouttaud (Margoutaud pour l’état civil), rue Lucien Dumas, qui a gardé son aspect des années 1930. C’est là que sont nés deux frères jumeaux le 24 août 1892, Emile Pierre et Jean Audoin, fils de Audoin Margoutaud (1856-1902), boucher, et de Marie Tisseuil décédée en 1919, mariés à Saint-Junien le 28 janvier 1885. Les déclarants à la naissance des garçons sont leurs oncles Jean Margoutaud et Emile Tisseuil, eux aussi bouchers.Outre les garçons jumeaux, deux filles composent la famille : Marguerite née le 8 janvier 1886 (décédée en 1969, épouse de Paul Valladeau) et Marie Françoise née le 30 juin 1887 (décédée en 1973, épouse d’André Dumont tué en 1918). Les jumeaux figurent en 285e et 286e places sur les plaques de la collégiale.Ces fins athlètes vont se passionner pour ce nouveau sport qu’est le rugby. Tous deux évoluent au poste de trois-quarts-aile pendant les saisons 1911, 1912 et 1913 dans l’équipe de l’USSJ (Union Sportive de Saint-Junien). Ils ont pour capitaine de l’équipe un certain Camille Ménieux Plaques commémoratives de la collégiale de Saint-JunienQui sont-ils, que sait-on d’eux ? qui sera lieutenant au 63e, héros de cette guerre, et promu ultérieurement au grade de Commandeur de la Légion d’honneur. La guerre va mettre fin à leurs exploits sportifs. Recrutés à Magnac-Laval, les deux frères sont affectés au 63e RI de Limoges, matricule n° 4500 pour Pierre, n° 4501 pour Audoin.On les retrouve sur les champs de bataille de la région de Reims (Jonchery, Saint-Hilaire-le-Grand, Mourmelon), puis le 3 avril 1915 près de Regniéville (actuellement Regniéville–Thiaucourt département de la Meurthe-et-Moselle). L’objectif de cette bataille est de faire une brèche dans les tranchées allemandes. Pendant 2 jours et 2 nuits, les combats sont incessants. Les pertes sont estimées à 15 officiers et 500 hommes. C’est là que tombe Audoin, le 5 avril.Pierre, alors caporal, est cité ce même jour à l’ordre du régiment avec le motif suivant : « Le 5 avril, a fait partager son entrain et sa belle humeur à son escouade qu’il portait en avant, sous un feu violent d’infanterie et d’artillerie ». Décoré de la Croix de guerre, il passe sergent peu après. Malheureusement il suivra son frère dans la mort six mois plus tard, le 24 septembre 1915, au cours de l’offensive générale de la 45e brigade à Roclincourt, où le 63e est en tête des vagues d’assaut et subira des pertes élevées.Les actes de décès des deux frères ont été dressés par Léopold Lisiack, officier de détail du 63e d’infanterie, officier de l’état civil, sur déclaration de divers témoins soldats du 63e. Ils sont retranscrits en date du 26 février 1918 pour Audoin et du 30 mars 1918 pour Pierre. Les obsèques d’Audoin Margoutaud ont lieu le lundi 10 juillet 1922, au moment du rapatriement des restes. A ce jour, nous n’avons pas trouvé trace du rapatriement du corps de Pierre.Jean-Claude Frölich.2 – Les jumeaux du 63e RI : les frères Margoutaud, espoirs du rugby.Pierre et Audoin Margoutaud avec leurs parents devant la boucherie familiale, en 1911. Fonds Charles Arambourou, coll. André Chêne, Archives municipales de Châtellerault, droits réservés.Equipe de rugby de l’USSJ, saison 1911-1912.DEboUt, 3e à partir de la gauche, Pierre Margoutaud ; ASSiS, le plus à droite, Audoin Margoutaud. Devanture de l’ancienne boucherie Margouttaud, rue Lucien-Dumas.

N°53Page 3L’index du Chercheur d’OrPour retrouver les articles et les sujets publiésdans les numéros 1 à 50 du Chercheur d’OrEn vente3 €, auprès deLa Société des Vieilles PierresÉmergence d’un romancier en l’an 1 du XXe siècle : Louis CODETUn intrigant ouvrage de bibliophilie, dont un exemplaire est conservé à la Bibliothèque nationale de France ayant pour titre Figures de Paris : ceux qu’on rencontre ; celles qu’on frôle (Paris, Bibliophiles indépendants, 1901, illustrations de Victor Mignot) a mis à l’épreuve notre curiosité de Saint-Juniauds de fraîche date.Sauf erreur, il n’en existe que peu d’exemplaires, puisqu’il a joui d’un faible tirage, 218 se répartissant ainsi : 200 sur velin Hollande pour les souscripteurs ; 16 sur velin Hollande également pour les différents collaborateurs, enfin 2 sur « Japon à la forme » pour contenir les dessins originaux. Nous devons cette réalisation à l’initiative d’Octave Uzanne, homme de lettres, bibliophile, éditeur et journaliste français (1851-1931), l’un de ces « observateurs des mœurs françaises et du cœur humain ». Ainsi vingt portraits et profils professionnels sont évoqués sous forme de courtes nouvelles et constituent la matière principale et unique de cette œuvre.Au hasard de nos lectures, nous y avons trouvé le nom du jeune Louis Codet (1876-1914), dont une rue de Saint-Junien porte le nom, celui d’une vieille famille multiséculaire en cet endroit. Il a pris place en tant qu’auteur – il pourrait paraître anachronique de le qualifier déjà d’écrivain ! – aux côtés de Maurice Beaubourg qui traite des terrassiers, de Franc-Nohain qui dresse le tableau du nostalgique et héroïque invalide, d’Alfred Jarry évoquant le Camelot, ou encore de Charles-Louis Philippe qui aura, lui, consacré son talent au Garde de Paris, le fameux Cipal (abréviation de « Municipal »). Bien d’autres personnalités des lettres s’essaieront donc à cet exercice de style, associées au projet d’Uzanne. Pour ce qui est du jeune Saint-Juniaud de cœur et de souche, Louis Codet, qui n’a pas encore fait ses preuves de romancier, a décrit (pages 105 à 109) un métier au nom peu explicite : les Coltineurs. Ce qui le frappe, ce sont leurs chapeaux de « feutre enfariné », immenses et blancs, démesurés, faisant de chacun d’eux un « mousquetaire de la farine » qu’il oppose au « moine du charbon » (le charbonnier a la tête protégée par un sac rigide retombant sur le dos), ou encore aux « portefaix du marché aux poissons » et autres porteurs des Halles. Ethnographe sensible et imaginatif, il lui semble que ces Coltineurs, alias Chapeaux, « ainsi qu’ils se nomment » eux-mêmes, transportent sur leurs coltins « les trésors d’un Vieux de la Montagne ». Peut-être le jeune nouvelliste inaugure-t-il ainsi son œuvre romanesque, trop tôt interrompue par la folie guerrière qui s’est abattue sur l’Europe en ce début de XXe siècle.Enfin, une question mériterait d’être envisagée : le jeune Codet aurait-il choisi de dresser ce portrait en écho au premier ouvrage de J. et J. Tharaud, Le Coltineur débile paru trois ans auparavant, à Paris, aux éditions Georges Bellais (pseudonyme de Charles Péguy), en 1898 ? En quelque sorte, un trait d’union original entre ces hommes de lettres tirant leurs origines de Saint-Junien…Michèle Gardré-Valière et Michel Valière.Pour accéder à cet ouvrage, suivre ce lien via le moteur de recherche Google :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6520970q.r=%22affaire+dreyfus%22.langFRLe Chercheur d’Or sur internet (http://gantier.jimdo.com) vient de mettre en ligne trois excellentes vidéos entièrement réalisées par Guy Ribette, membre de La Société des Vieilles Pierres: la collégiale, la chapelle Notre-Dame-du-Pont et la chapelle Sainte-Madeleine du cimetière.

Publication de la Société des Vieilles PierresPour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienSociété des Vieilles PierresRédaction :Frank BERNARDN°ISSN 2117-8879• Imprimerie LAPREL – LIMOGES.Le Chercheur d’OrLe Chercheur d’Orest consultable en ligne à l’adresse : http://gantier.jimdo.com/La version papier est disponible gratuitement aux archives municipales, à la médiathèque de Saint-Junien et à l’office du tourisme.Pour tout renseignement : Tél. 05 55 02 30 69 – Courriel : socvp@orange.frDevant la cour du 3, boulevard de la République, a été placé en 2003 l’un des panneaux jalonnant la permenada historique et touristique à travers Saint-Junien. Il s’intitule Tour de Bœuf, en rapport avec les vestiges des fortifications qui subsistent à proximité. Qu’en est-il vraiment et à quoi correspond cette dénomination? COMME toujours, il faut se reporter à l’Etat topographique… de 1655, dû au chanoine Jean Collin, conservé aux Archives municipales. C’est aux planches 39 et 40 qu’est figuré le côté ouest de notre rue Rorice-Rigaud, avec, en arrière-plan, la tour de beuf, appartenant aux Murailles de la ville.Sur la planche 39, la partie basse de la rue Rorice-Rigaud commence à gauche par le Jardin de François Mazieras, que longe une ruete qui va aux murailles. Cette ruette, qui doit être la rue Camélinat, n’est pas détaillée. Le rempart la fermait entre les actuels numéros 1 et 3. De nos jours, la rue Camélinat ne comporte qu’une construction ancienne, au numéro 5 (XVIe siècle).Si l’on remonte la rue Rorice-Rigaud, une allée s’ouvre entre deux maisons, menant à la tour de beuf, dessinée en élévation. Sous l’allée et la maison de droite, le chanoine Collin a précisé: « Ces deux maisons furent jadis le pressoir de l’abaye de beuil acquis par le chapitre » de Saint-Junien.Fondée vers 1120, à Veyrac, l’abbaye de Beuil, ou Bœuil, a disparu à la Révolution. Parmi ses possessions à Aixe-sur-Vienne, Saint-Victurnien et Saint-Junien, se distinguent surtout des vignes, accompagnées de pressoirs. La tour de BeuiLOn vient de voir l’emplacement de celui de Saint-Junien, le treuilh de beufz, selon le parler limousin, dont l’existence est prouvée en 1474-1476.Ce pressoir donnait donc sur la rue Rorice-Rigaud, alors rue de la Tour de Merlande. Après sa démolition, un passage conduisait à la tour, passage que le chanoine Collin montre sur sa planche 39. Il semble qu’il ait été quelquefois confondu avec la rue Camélinat, si l’on se reporte à la planche 40, avec un nouveau croquis de la tour de beuf.Suivant certaines interprétations celle-ci devient une porte à l’extrémité ouest de la rue Camélinat. Nous aurions là deux entrées de ville bien proches avec la porte Saler, au bas de la rue de ce nom (Jean-Jacques-Rousseau). Il y a confusion quelque part, puisque localisée ailleurs, la tour de beuf laisse l’autre tour sans appellation.Cette situation nous paraît inexacte, ainsi que la désignation moderne Tour de Bœuf, qui est à proscrire. Il s’agit de la tour de Beuil ou de Beuf, suivant la prononciation locale.Le pressoir, qui comportait un puits, n’était pas la seule propriété de l’abbaye de Beuil en ville. Différentes maisons lui appartenaient, peut-être vouées à un usage commercial, par exemple la vente du vin produit par les vignobles des bords de la Vienne. Quelques-unes s’élèvent près de la collégiale ou de la porte de la Voie-du-Pont. Elles sont citées en 1474-1476, mais on en ignore tout.Pierre Eberhart.Etat topographique… planche 39, Archives municipales de Saint-Junien.La tour de beuil, boulevard de la République.+Pour en savoirIrène AUBRÉE, « Le terrier de l’abbaye cistercienne de bœuil », bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, 131, 2003, p. 191-