N° 62juin 2016Le Chercheur d’OrSupplément à « La Nouvelle Abeille de Saint-Junien »n° 1273 du vendredi 17 juin 2016. Ne peut être vendu séparément.Saint Fiacre, statue en bois,XVIIe siècle, origine inconnue.Un saint des ostensions, Fiacre patron des jardiniersLe deuxième dimanche de mai, les Amis des Fleurs ont accueilli sur la place Lacôte jardiniers amateurs ou professionnels. Et le prochain cortège des ostensions comprendra le patron de ces jardiniers, saint Fiacre.Les données historiques sur le personnage sont des plus minces, enrichies par des légendes tardives. Né en Irlande, il appartient à cette vague d’évangélisateurs venus sur le continent au VIIe siècle. Lui se fixe dans la région parisienne, protégé par un évêque de Meaux, saint Faron. Ce dernier lui concède un domaine, origine de l’actuel village de Saint-Fiacre, en Seine-et-Marne. Un petit monastère s’y élève, dédié à la Vierge, transformé plus tard en simple prieuré. Pour subvenir aux besoins de ceux qui s’adressent à lui, son fondateur cultive des légumes, d’où la protection que lui demandent les jardiniers.Populaire en France, le culte de saint Fiacre se répand surtout en Bretagne, Normandie, Champagne, Bourgogne et dans la région parisienne, où il est le patron de la Brie. Le Limousin apparaît en parent pauvre, tant pour ce culte que pour les représentations qu’il suscite. En Haute-Vienne, seules deux paroisses étaient sous sa titulature : Saint-Martinet, aujourd’hui réunie à Mailhac, et la Bretagne, à Saint-Junien. Encore s’agit-il d’un patronage partagé, avec saint Martin à Saint-Martinet, et sainte Madeleine à la Bretagne.Si la Bretagne est possédée par les chanoines de Saint-Junien depuis le milieu du XIIe siècle, on ignore sous l’invocation de quel saint son église était alors placée. Une visite des lieux, en 1719, montre le mauvais état de l’édifice et la présence de « deux autels, qui sont au milieu de l’église, qui sont les deux autels des patrons de ladite église ».En 1745, Pierre Pouillot se dit curé se Saint-Fiacre de la Bretagne, quand il résigne ses fonctions en faveur d’Etienne Mazaud. Celui-ci, déclarant ses revenus et charges en 1751, commence par expliquer : « Le titulaire de la paroisse, selon ce que l’on m’a assuré, est saint Fiacre, dont on célèbre la fête dans la paroisse le trente du mois d’août ». Dans son Pouillé, en 1775, l’abbé Joseph Nadaud place bien l’église de la Bretagne avec saint Fiacre et sainte Madeleine.On ne sait si son autel comportait une représentation sculptée ou peinte du saint. Représentations et reliquaires sont d’ailleurs assez rares dans le département. Revêtu d’un costume de moine, son attribut traditionnel est toujours une bêche, en référence à ses activités agricoles, souvent accompagnée d’un livre, ouvert ou fermé.Mais la dévotion à saint Fiacre n’a pas dû connaître beaucoup d’importance à Saint-Junien. De 1701 à 1792, aucun garçon de la ville ne reçoit ce prénom. La présence de saint Fiacre dans le cortège des ostensions vise plus à y introduire un saint de l’époque mérovingienne, parmi d’autres, qu’à rappeler un ancien culte local. Apparu pour la première fois au cortège du 12 juin 1932, saint Fiacre est personnifié par Jacques Raynaud, avec un ange porte-banderole, Jacqueline Poret. Le 18 juin 1939, c’est à Jacques Réjasse et Thérèse Soury de remplir ces rôles. De 1946 à 1967, les programmes ne mentionnent pas de saint Fiacre. Le 23 juin 1974, la tradition est reprise, maintenue sans interruption, puisque cette année, saint Fiacre défilera, précédé par ses petits jardiniers.Pierre EberhartSaint Fiacre et ses petits jardiniers, 25 juin 1995, photo P. E.

Le Chercheur d’Or2 Le chercheur d’Or • N° 62 Ijuin 2016Carnet de notes de Pierre Gingeot.Plaques commémoratives de la collégiale de Saint-JunienQui sont-ils, que sait-on d’eux ? 10. L’adjudant Gingeot, auteur d’un carnet de campagne Pierre-Augustin-Junien Gingeot, 199e de la liste, est né le 21 avril 1893 au lieu-dit l’Abattoir, de Pierre Jules Gingeot, ouvreur, préposé à l’abattoir puis préposé d’octroi, et de Marie-Noëmie Gaudy Lingère. Ses parents sont issus d’une ancienne famille de Saint-Junien. Mariés le 26 octobre 1889, Pierre Jules et Marie-Noëmie auront cinq enfants.Pierre Gingeot est de la classe 1913, n° 846 au recrutement de Magnac-Laval. Pour l’époque, il est de grande taille (1,71 m) et dispose d’une bonne instruction (niveau certificat d’études). Tapissier de profession, il demeure à Paris au moment d’effectuer son service militaire. Il prend alors un engagement pour trois ans au 104e RI. Lorsqu’éclate la guerre, il est au fort de Montrouge, dans le 3e bataillon, 10e compagnie. Le 8 août, ce 3e bataillon embarque à Paris pour la Belgique et la « bataille des frontières ». Le 22 août, c’est le combat d’Ethe où sa compagnie est décimée sous le feu de l’ennemi. C’est alors la retraite et le retour sur Paris, avant de prendre à Gagny les fameux taxis pour être acheminé à Nanteuil-le-Haudouin, pour la bataille de la Marne. Après la Marne, le régiment repart vers le nord, direction la Somme. C’est au cours de cette remontée vers la Somme, le 22 septembre 1914, que Pierre Gingeot est nommé sergent. Après la Somme et les tranchées de Dancourt et Popincourt, c’est la Champagne qui l’attend. En mars 1915, pendant la longue période d’attaques et de contre-attaques de la première bataille de Champagne, le 3e bataillon et sa 10e compagnie sont en première ligne entre Perthes-les-Hurlus et Tahure. Pierre Gingeot est promu adjudant le 16 juillet 1916 puis le régiment est envoyé dans la zone de Verdun. A la mi-septembre, ordre est donné au 104e de porter la première ligne entre le point 1599 et l’ouvrage de Thiaumont. Pendant plusieurs jours d’affilée cette progression se fait à la grenade. Le 18 septembre, Pierre Gingeot, à la tête de sa section, est mortellement blessé. Nous reproduisons ci-après l’article de L’Abeille du 11 no-vembre 1916 faisant part de la mort de Pierre Gingeot. Nous avons appris avec peine la mort de M. Pierre Gingeot adjudant au …e d’infanterie, fils de notre sympathique dépositaire. M. Pierre Gingeot avait été cité deux fois à l’ordre de sa division pour sa belle conduite : Le 1er janvier 1916, au …e d’infanterie « Excellent sous-officier, très brave et énergique, s’acquitte avec courage et conscience de ses fonctions de demi-section. A rempli avec le même zèle, en des circonstances difficiles, celles de chef de section et s’en est fort bien acquitté. En campagne depuis le 7 août 1914. Le 9 octobre 1916 : sur le front depuis le début de la campagne, sous-officier modèle ayant un sentiment très élevé de son devoir, s’est vaillamment conduit au cours de toutes les opérations auxquelles il a pris part. A été mortellement blessé le 18 septembre 1916 à son poste. L’adjudant Gingeot est tombé près de Verdun atteint mortellement à la tête de sa section par un éclat d’obus. Nous prions notre ami Gingeot et sa famille en pleurs d’agréer nos condoléances bien sincères. » Son acte de décès est retranscrit à Saint-Junien le 10 février 1917. Son corps est rapatrié par le convoi arrivé en gare de Limoges le 17 juin 1922. Il est inhumé dans le vieux cimetière le 20 juin dans la tombe de ses grands-parents. Il est porté dans le registre des inhumations sous le nom et l’orthographe Jingeot Junien. Pendant la guerre, il a rédigé huit petits carnets de notes dont certains ont été versés aux Archives Nationales, en 2014, lors de la Grande Collecte organisée à l’initiative de la Bibliothèque Nationale de France. Jean-Claude FrölichPierre Gingeot. Collection J.-P. Palard.

N°62Le chercheur d’Or • N° 62 I juin 2016 3Parmi les personnalités natives de Saint-Junien, Roger Janicot (1903-1989) est sans aucun doute l’une des plus discrètes. Il est pourtant l’un des trois polytechniciens que notre ville a donnés et sa carrière scientifique fut des plus brillantes.Les ostensions et Prosper Mérimée mis à l’honneurDepuis 2013, les ostensions limousines sont inscrites sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO. En cette année ostensionnaire et en écho à cette reconnaissance internationale prestigieuse, la Municipalité de Saint-Junien a décidé de célébrer son patrimoine. C’est ainsi qu’en avril dernier furent inaugurés le jardin Prosper Mérimée et une statue représentant un suisse garde du tombeau de saint Junien, œuvre de la sculptrice Diane Poitras. La ville a voulu rendre hommage à cette reconnaissance internationale en faisant ériger une statue représentant le symbole des ostensions de Saint-Junien retenu par l’UNESCO comme image des fêtes septennales limousines. Cette statue en terre cuite est installée au pied de la collégiale dans le petit jardin contiguë à l’église longeant la rue Marcel-Paul. Pour l’occasion, ce jardin a pris le nom de Prosper Mérimée (1803-1870). C’est grâce à cet académicien, auteur de romans célèbres comme Colomba ou Carmen, nommé Inspecteur Général des Monuments Historiques, que l’église collégiale de Saint-Junien fut inscrite sur la première liste des Monuments Historiques de France en 1840. C’est au cours de son tour de France que Prosper Mérimée de passage à Saint-Junien en juin 1837 fut frappé par la qualité et l’importance de l’église collégiale et qu’il jugea qu’elle devait être classée au titre des Monuments Historiques.Thierry GRANETNé le 6 février 1903, Roger Janicot est le dernier de cinq garçons*. Il suit les cours de l’école primaire de Saint-Junien où l’instituteur a beau jeu de le stimuler en lui disant : « Vous ne valez pas vos quatre frères » ! Ce sombre jugement ne l’empêchera pas d’être reçu en 1924 au concours de l’Ecole polytechnique.D’abord lieutenant d’artillerie, il est détaché en 1930 au service géographique de l’armée, en raison de son goût pour la topographie. Il se spécialise alors dans la mise au point des instruments destinés à une discipline scientifique naissante, la photogrammétrie. Ingénieur-géographe, il est nommé en 1943 chef du service de photogrammétrie au sein de l’IGN, institut géographique national, nouvellement créé. Il en deviendra le directeur-adjoint en 1957. Durant sa carrière, il dirige la réalisation de la carte de France au 1 : 20.000, enseigne à l’Ecole Nationale des Sciences Géographiques et effectue de nombreuses missions en Afrique.En 1955, l’UNESCO lance une grande campagne de sauvetage des monuments de la Nubie égyptienne, menacés par la construction du barrage d’Assouan sur le Nil. La grande égyptologue Christiane Desroches-Noblecourt fait alors appel aux spécialistes français de la photogrammétrie pour effectuer les relevés d’une extrême précision destinés à permettre le démontage, le déplacement et le remontage des temples d’Abou-Simbel. Roger Janicot fait partie de la première mission de savants français qui participent à cette extraordinaire prouesse technique.Frank BernardInauguration du mardi 12 avril en présence de Diane Poitras, Pierre Allard et Gilles Bernard.Roger Janicot, polytechnicien et pionnier de la photogrammétrieRoger Janicot en uniforme de polytechnicien,1924 * Dans son numéro 59, Le Chercheur d’Or a évoqué son frère Raymond, mort pour la France le 5 août 1918.

Le supplément « Le Chercheur d’Or » est consultable en ligne à l’adresse : http://gantier.jimdo.com/La version papier est disponible gratuitement aux archives municipales, à la médiathèque de Saint-Junien et à l’office du tourisme.Pour tout renseignement : 05 55 02 30 69 – Courriel : socvp@orange.frEDITIONS L’ABEILLE B.I.P. SASdépôt légal à parution • ISSN 3441-4101 K • ArrONdISSeMeNT de rOchechOuArT. Autorisé pour l’arrondissement judiciaire à publier les annonces judiciaires et légales en matière de procédure civile et de commerce, ainsi que les actes des sociétés. No cPPAP 0615 I 87943 Tirage : 4.000 ex. Abonnement 2016 : 45  • Prix du No 1,20 Directeur de Publication : François BuSSAc • Rédactrice en chef : Anne chATeNeT • Rédactrice : LouisecArPeNTIer • Rédaction « Le Chercheur d’Or » : Franck Bernard et Société des Vieilles Pierres.Conception graphique : Studio four cat’S : Sébastien cATILLON. Impression :rOTO centre • 45770 SArAN/Graphicolor • 87000 LIMOGeS.Les Récollets s’installent à saint-Amand en 1598 L’installation des Récollets à Saint-Junien est due au père Mathurin Marsaud, prédicateur de Guyenne.ELLe fut conclue le 27 mai 1598, hors des murs de la ville sur les bords de la Vienne, près de l’église Saint-Amand-le-Vigen bâtie à la fin du XIe siècle. Le chapitre de Saint-Junien accepta que l’église, ainsi que les masures et les jardins de l’ancien ermitage de Saint-Amand, soient affectés aux Récollets, mais à des conditions très précises : les Récollets pourraient y faire le service divin, les offices habituels et cinq processions mais ils devraient y laisser prêcher un ecclésiastique de la collégiale et ne pourraient pas prétendre toucher aux revenus de l’ancienne cure. Le premier juillet 1598, l’évêque de Limoges en visite à Saint-Junien donna son consentement pour l’établissement officiel des Récollets. Cinq prêtres et un frère s’installeront donc dans ces lieux et les reliques de saint Amand, détenues par les chanoines, seront confiées au couvent des Récollets. Le 26 octobre 1636, c’est une foule immense qui les accompagne de la collégiale à Saint-Amand. Mais cet ermitage est en très mauvais état et trop exigu pour un bon fonctionnement. Il est décidé d’en faire construire un nouveau, au sommet de la falaise. Martial de Montjon, conseiller au Parlement de Bordeaux, en pose la première pierre le 28 avril 1637 et le 10 septembre 1640 on fait la bénédiction des bâtiments. Quant à la nouvelle église, « bâtie sur les voûtes de l’ancienne », elle ne fut achevée que le 24 août 1647. Il y eut grande affluence à cette occasion « où l’on communia dix mille personnes ». Malgré ces nouvelles conditions dans des bâtiments neufs, les Récollets étaient belliqueux et leurs rapports avec les prêtres du chapitre se détériorèrent pour des litiges portant sur des inhumations. Ainsi, le 26 août 1657, une procession du chapitre se rendant à l’église Saint-Amand fut attaquée par deux Récollets accompagnés de gens armés. Ils se ruèrent sur la procession à coups de poings et d’épée. Cette agression se reproduisit au mois de septembre suivant. Cette fois-ci, les gens du chapitre répliquèrent manuellement (sic) : « On se battit comme il faut ». Les échauffourées ne s’arrêtèrent pas là. Le lundi de Pâques de l’année suivante, quand la procession du chapitre revint à Saint-Amand, les Récollets refusèrent de sonner les cloches, de laisser chanter les chanoines dans le chœur de l’église, de leur fournir des sièges, des calices et des ornements, leur refusant même l’accès à l’autel et à la chaire. Ils montèrent ensuite sur le plancher du dôme pour taper des pieds, faisant grand bruit de sorte que l’on n’entende pas l’office, ni la prédication. Cette même scène se reproduisit le 27 mai suivant. Ces querelles entre religieux cessèrent par une transaction du 14 juillet 1659 devant le Parlement de Bordeaux. Il y est dit que le chapitre ne pourrait empêcher les Récollets d’ensevelir dans l’église de Saint-Amand ni d’y faire l’office, mais que le chapitre y serait appelé pour ceux qui le demanderaient par testament. D’autre part, le chapitre fut maintenu dans ses droits de prendre un quart sur tous les luminaires et offrandes des sépultures et de faire à Saint-Amand les processions. Ainsi, le comportement des Récollets rentra dans l’ordre et ils restèrent à Saint-Amand jusqu’à la Révolution. Jean-René Pascaud