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N° 72janvier 2019Le Chercheur d’OrSUPPLÉMENT À« La Nouvelle Abeille de Saint-Junien »n°1390 du jeudi 10 janvier2019. Ne peut être vendu séparément.Des gants pour le MaréchalLe 4 novembre dernier, l’hôtel des ventes de Caen dispersait un ensemble d’objets concernant la gendarmerie française. Au numéro 420 du catalogue figurait « une paire de gants à crispins, de grande tenue, portée par le personnel officier et non officier de la Garde personnelle » du maréchal Pétain (1941-1944). Or il se trouve que ces gants ont été fabriqués à Saint-Junien.Publication de la Société des Vieilles Pierres pour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienEN juillet 1940, le maréchal Pétain devenu chef de l’État français s’installe à Vichy avec son gouvernement. Dans la ville thermale dont les grands hôtels sont réquisitionnés, se mettent en place peu à peu une administration centrale et un protocole autour du Maréchal. La Garde républicaine démilitarisée ne pouvant plus assurer le service des honneurs et des escortes, une garde personnelle du chef de l’État est créée, en octobre 1940. Rattachée à la gendarmerie, cette unité d’élite formée de 5 pelotons à pied et d’un peloton motocycliste compte environ 300 hommes. Dans leur tenue de campagne – veston de cuir, casque des unités de char et culotte de cheval – comme dans leur tenue d’honneur – manteau long de drap noir – les gardes sont équipés de gants blancs à large manchette.Au début de 1941, les fabricants mégissiers, teinturiers et gantiers de Saint-Junien décident d’offrir au Maréchal les gants nécessaires pour l’équipement de sa garde. Le 25 avril, leur délégation est reçue à l’hôtel du Parc, à Vichy, résidence de Pétain ; conduite par Martial Desselas, elle se compose de Léonard Braud, Jean Lagarde, Pierre Nicot, Camille Lasvergnas, Georges Bourdeau, Pol Desselas et Marcel Braud. Les cartons contenant les 240 paires de gants sont déposés au rez-de-chaussée de l’hôtel, mais Léonard Braud porte 4 paires de gants destinées au Maréchal. Celui-ci reçoit en personne la délégation de Saint-Junien, se laisse photographier, prononce quelques mots de remerciement et annonce son prochain voyage en Limousin*.La garde personnelle de Pétain n’a mené aucune opération policière durant l’occupation et certains de ses membres ont rejoint la Résistance dès 1943, ce qui leur a valu arrestation, torture et déportation. Une partie au moins des gants offerts en 1941 avaient été fabriqués par les établissements Braud (le Gant Deslys), car c’est le nom de cette maison qui est tamponné à l’intérieur de la paire mise en vente. Celle-ci est finalement revenue à Saint-Junien, grâce à l’amitié et à un heureux concours de circonstances. Nul doute qu’elle ne prenne place un jour dans la Cité du cuir… si jamais la POL parvient à mener à bien cet ambitieux projet.Frank Bernard* Le 19 juin 1941, Pétain est à Saint-Junien où il est acclamé par une grande partie de la population.> Gants à manchette, en agneau blanc, de la garde du maréchal Pétain. Collection particulière.> Le maréchal Pétain et sa garde personnelle, à Vichy, vers 1942.
Le Chercheur d’Or2 LE CHERCHEUR D’OR • N° 72 I janvier 2019De 1949 à 1953 au cours complémentaire de Saint-Junien1er octobre 1949 : le cours complémentaire, rattaché à l’école primaire de filles de Saint-Junien, doit accueillir 49 nouvelles élèves ayant réussi, en juin ou en septembre, leur examen d’entrée en classe de 6e. Un effectif encore jamais atteint ! ELLES entament un cursus scolaire de quatre années qui doit les mener jusqu’à la classe de 3e et à l’obtention du Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC). Elles pourront ensuite préparer les concours d’entrée dans la fonction publique, notamment celui de l’Ecole normale d’institutrices, un certificat d’aptitude professionnelle de secrétariat ou poursuivre leurs études jusqu’au baccalauréat et au-delà.Leurs parents sont ouvriers, artisans, commerçants, employés de maison. Tous – surtout les mères – attendent de l’école qu’elle permette à leurs filles d’acquérir une qualification en vue d’un métier stable, gage d’indépendance financière et de promotion sociale. Au fil des ans, leur effectif s’est amenuisé : redoublements (un retard mais pas un échec), réorientation vers l’enseignement professionnel ou la vie active. Au terme de leurs études et de > Cours complémentaire, classe de 3e, 1952-1953, coll. particulière.leurs choix, elles seront enseignantes pour la plupart, infirmières, agents d’exploitation ou cadres dans les PTT et le Trésor public, secrétaires dans le secteur privé. Une seule d’entre elles reprendra le beau métier de ses parents : fleuriste.Nées au temps du Front Populaire, elles ont connu, comme toutes celles de cette génération, la guerre et la reconstruction avec leurs restrictions et leurs sacrifices. Classes creuses, elles vont devoir assurer les charges du baby-boom, des personnes âgées mais aussi les pensions des mutilés et des veuves de guerre. Motivées, elles seront bénévoles, aujourd’hui encore, dans des associations caritatives, sportives, culturelles ou très impliquées dans l’engagement municipal, mutualiste ou syndical. Elles ont ainsi largement contribué à l’essor du pays et des Trente Glorieuses…Quelques-unes nous ont déjà quittés. Que cet hommage leur soit rendu…Les reconnaissez-vous ?Annette BigaudJustin Gaillard, un gantier bienfaiteur de sa villeSi la plupart des habitants de Saint-Junien sont familiers du faubourg Gaillard, cette artère en forte pente qui mène à la gare, peu d’entre eux connaissent celui qui lui a donné son nom.PIERRE Augustin Gaillard, dit Justin, est né le 28 août 1851 dans une maison de ce même faubourg qui s’appelait alors la Voie-du-Pont. Son père est tisserand, mais c’est le métier de gantier qu’apprend le garçon car la ganterie, qui connaît un bel essor dans les années 1860, attire un grand nombre de jeunes hommes. En mars 1873, il épouse à Saint-Junien Léontine Noël, âgée de 17 ans, fille d’un marchand drapier.Peu après le mariage, le jeune couple part s’installer à Amiens, où il reprend le magasin « Au Camélia » situé au 125 de la rue des Trois-Cailloux, la plus commerçante de la cité picarde. La boutique, fondée vers 1860 par la famille Rigaud, vend des gants venus des fabriques de Saint-Junien et des gants sur mesure, coupés sur place par Justin. Depuis 1850 en effet, c’est devenu une spécialité des gantiers de Saint-Junien d’ouvrir des commerces de gants dans les grandes villes de France. Durant une décennie, l’entreprise connaît la prospérité mais Justin disparaît subitement le 16 mai 1885, à l’âge de 34 ans. Sans enfant, il lègue par testament une grande partie de ses biens à sa commune natale, au profit des pauvres. En reconnaissance, le conseil municipal du 7 juin 1885 donne son nom à la rue où il est né. Le magasin d’Amiens dont la mise en vente est publiée par L’Abeille est racheté par un autre gantier natif de Saint-Junien, Junien Vergniaud, qui le transmettra à son fils Joseph au début du XXe siècle.Frank Bernard> Portrait de Justin Gaillard, par Vital Granet, coll. municipale.
N°72LE CHERCHEUR D’OR • N° 72 I janvier 2019 3Les pérégrinations d’un ermite limousin Une statue de bois, sculptée dans une seule pièce de chêne massif et représentant un ermite « dont la figure est noyée dans une barbe inculte et dont le vêtement est fait de poils de bête et de feuillage » (Albert de Laborderie) a été reconnue comme étant « la plus singulière, la plus naturaliste et la plus expressive de toutes les statuettes de la région » (Franck Delage).LA première mention de la statue de l’ermite date du 18 décembre 1928. Lors d’une séance de la Société Archéologique et Historique du Limousin, une photographie « d’une très ancienne statue en bois appartenant à l’église d’Oradour-sur-Glane » est présentée, envoyée par un certain Eugène Bonnet. En 1934, elle a été déposée à la collégiale de Saint-Junien où elle est signalée par Albert de Laborderie1 et photographiée par Paul Lafontan pour le Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin. Dans le catalogue de l’exposition du Musée Municipal de Limoges de 1956, « Sculptures gothiques du Haut-Limousin et de la Marche », Louis Bonnaud et Jean Perrier confirment cette information en disant qu’elle avait été prêtée durant quelques années à la collégiale de Saint-Junien. Nous n’en connaissons pas les circons-tances. Ne serait-ce pas à l’occasion d’ostensions ?Elle réintégrera par la suite son église d’origine d’Oradour-sur-Glane où elle se trouve encore le 10 juin 1944, lors de l’incendie meurtrier commis par les SS de la division « Das Reich ». C’est également ce que confirme Franck Delage en 1949 mais il pense que la statue n’a pas pu résister à l’incendie de l’église. C’est aussi l’avis de l’abbé Brisset qui en détient une photo dont il fait don à la Société estimant que « cette statue peut représenter saint Amand, l’ermite de la forêt de Comodoliac ». Peu de temps après, le chanoine Pacaud, vicaire général du diocèse de Limoges, va les démentir en signalant que, contraire-ment à leur avis, « la statue en bois, figurant un ermite barbu, qu’on avait cru détruite dans l’incendie barbare d’Oradour-sur-Glane, n’a pas été consumée par les flammes. Elle ne porte qu’une très légère trace du sinistre et vient d’être replacée dans l’église de Saint-Junien ». En 1953, elle figure à l’Exposition d’Art religieux de Limoges. Trois ans plus tard, elle est à nouveau présentée dans une exposition qui se tient au Musée Municipal de Limoges : « Sculptures gothiques du Haut-Limousin et de la Marche ». Grâce à Louis Bonnaud et Jean Perrier, dans un catalogue commenté et illustré, nous avons à la fois une ébauche d’historique de la statue et un descriptif complet. Nous apprenons qu’elle est conservée dans le presbytère de l’église de Saint-Junien et qu’elle a fait l’objet d’une restauration devant son « état très vermoulu » qui a « nécessité un traitement spécial en 1951 ».A cette occasion, la statue va recevoir une identité imaginée par les auteurs et assimilée à l’ermite Victurnien selon laquelle « les feuilles des essences typiquement limousines qui couvrent le misérable costume sont conformes à la légende selon laquelle saint Victurnien était vêtu de feuillage. »Elle reparaît en 1991 dans une nouvelle exposition organisée à Cussac ayant pour thème : « Les saints limousins et marchois des églises de la Haute Vienne ». Là encore un catalogue très soigné nous délivre une autre image de la statue de l’ermite Victurnien, mais nous apprenons qu’elle est conservée par le Musée Municipal de Limoges depuis 1956 et qu’elle a été classée parmi les Monuments Historiques le 21 mai 1957.En 1993, a lieu à Paris au Musée du Palais du Luxembourg, une exposition : « Légende dorée du Limousin, les saints de la Haute Vienne »2. Le catalogue est d’une très belle facture, les textes, écrits par des historiens d’art, font référence par leur grande précision. La statue de l’ermite Victurnien y figure en bonne place. On y trouve sous la plume de Colette Chabrely, la meilleure description qui a été faite de la sculpture.La statue de l’ermite sera par la suite en 2004, déposée dans la nouvelle église d’Oradour-sur-Glane. Adossée en applique à un pilier de la nef, elle a donc, après de nombreux voyages, retrouvé sa paroisse d’origine, à quelque distance seulement du lieu où tout avait été fait pour qu’elle disparaisse. Le vénérable ermite, quelle que soit son identité réelle, et bien malin qui pourrait la trouver, démontre que la pérennité des choses dépasse bien souvent celle des êtres et par son témoignage nous enjoint de préserver la mémoire des temps passés.Michel Moreau1 Albert de Laborderie, L’Excursion archéologique, Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin, T. LXXVI, deuxième livraison, 1936, p 64.2 Les saints de la Haute-Vienne, Cahiers du Patrimoine, n°36, Limoges, Culture et patrimoine en Limousin, 1993, p 172.> Photo de la statue publiée dans « Sculptures gothiques du Haut-Limousin et de la Marche », 1956.
LE CHERCHEUR D’ORPublication de la Société des Vieilles PierresPour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienSociété des Vieilles Pierres : 18, rue Paul-Elluard • 87200 SAINT JUNIENLe supplément « Le Chercheur d’Or » est consultable en ligne à l’adresse : st-junien-vieilles-pierres.frLa version papier est disponible gratuitement aux archives municipales, à la médiathèque de Saint-Junien et à l’office du tourisme.N°ISSN 2117-8879 Pour tout renseignement : 05 55 02 30 69 – Courriel : socvp@orange.frEDITIONS L’ABEILLE B.I.P. SASDépôt légal à parution • ISSN 3441-4101 K • ARRONDISSEMENT DE ROCHECHOUART. Autorisé pour l’arrondissement judiciaire à publier les annonces judiciaires et légales en matière de procédure civile et de commerce, ainsi que les actes des sociétés. No CPPAP 0615 I 87943 • Tirage : 4.000 ex. Abonnement 2019 : 45 € • Prix du No 1,20 €Directeur de Publication :François BUSSAC • Rédactrice en chef : Louise CARPENTIER • Rédaction « Le Chercheur d’Or » : Franck Bernard et Société des Vieilles Pierres.Conception graphique : Studio four cat’S : Sébastien CATILLON. Impression : SAXOPRINT.La guerre en reliefDes amis lecteurs du Chercheur d’Or nous ont prêté une centaine de photographies de la Grande Guerre conservées précieusement dans leur famille, à Saint-Junien, depuis près d’un siècle. Ce sont des vues en stéréoscopie, un procédé ancêtre de la 3D qui a connu un grand succès au début du XXe siècle.DOSSIER DU CHERCHEUR D’OR N°10Quelques figures de Saint-JunienXVIIIe-XXe siècles 84 pages, 15 eEn vente à La maison de la Presse, rue Lucien-Dumas.DE format 4,5 x 4,3 cm, tirées par deux sur plaques de verre, ces photos doivent être visionnées avec un appareil binoculaire pour bénéficier de la vue stéréoscopique. L’effet est saisissant car il donne l’illusion du relief : les images du champ de bataille, des tranchées ou des villages détruits, deviennent spectaculaires. Dès la fin de la guerre, profitant de la levée de la censure, plusieurs éditeurs ont commercialisé ces vues avec un certain succès. Visionnées dans le cercle familial de manière un peu rituelle, ces images partagées étaient une sorte d’outil pédagogique. Aussi les a-t-on soigneusement conservées, de génération en génération.La plupart de ces milliers de clichés proviennent des services photographiques des armées, mais certains sont dus à des soldats assez fortunés pour disposer d’un appareil photo stéréo ; dans tous les cas, l’intérêt documentaire de ces images est évident. Mais leur diffusion commerciale répondait surtout au désir du public de « voir la guerre ». Car les civils n’ont pas su ce qui se passait vraiment sur le front, et ne pouvaient imaginer la réalité de « l’enfer des tranchées ». Regarder ces vues faisait partie du culte du souvenir, si prégnant dans la France des années vingt, en mémoire des martyrs et des héros de la guerre. Des images qu’on a souvent préférées aux récits des Poilus eux-mêmes, car ceux-ci n’ont guère été entendus alors, et il faudra attendre la fin du siècle pour que l’on s’intéresse à leur témoignage, lettres, journaux, mémoires. Un des mérites de la commémoration du Centenaire de la Grande Guerre qui s’achève maintenant, aura été de recenser et recueillir, avec sa « grande collecte », les témoignages du conflit conservés encore dans les familles, des plus courants aux plus intimes. Sans doute la dernière occasion !Frank Bernard> Vues stéréoscopiques sur plaque de verre. Les blessés, attaqu