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N° 76décembre 2019Le Chercheur d’OrSUPPLÉMENT À« La Nouvelle Abeille de Saint-Junien »n° 1435 du jeudi 26 décembre 2019. Ne peut être vendu séparément.Un peintre de la Glane, RapsomanikisD’origine grecque, né à Corfou en 1885, Jean Rapsomanikis vient étudier les beaux-arts en France au tout début du XXe siècle. À Paris, il rencontre et épouse une jeune femme originaire de Saint-Junien, Suzanne Montazeaud, qui va l’amener en Limousin, au début de sa carrière.Publication de la Société des Vieilles Pierres pour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienENTRE 1911 et 1913, le jeune couple vient séjourner à plusieurs reprises à Saint-Junien, dans la famille de Suzanne. Madame Montazeaud, sa mère, veuve depuis 1893, tient alors un cabinet d’assurances, boulevard de la République, qui sera repris par son fils Albert jusqu’à la fin des années 1950.À Saint-Junien, le jeune artiste qu’est Jean Rapsomanikis est forcément attiré par la vallée de la Glane où le souvenir du grand Corot a été ravivé, depuis 1904, par Jean Teilliet. Les promeneurs y viennent en nombre le dimanche, parcourant le site Corot entre le rocher au médaillon, le « salon de Corot »et le chalet. Les artistes, quant à eux, aiment à y travailler pour tenter de retrouver l’inspiration du grand maître, dans les eaux et les rochers de la Glane.Durant ses séjours, Rapsomanikis peint les bords de Glane dans une série de toiles qu’il expose, en juillet 1913, dans les vitrines de la librairie Villoutreix, rue Lucien-Dumas. Certaines ont-elles été achetées par des habitants de Saint-Junien ? Nous l’ignorons. En tout cas, aucune n’est localisée de nos jours.Ses promenades dans la vallée de la Glane conduisent parfois Rapsomanikis jusqu’au village des Essarts, dans la maison de campagne de la famille Ménieux, amie des Montazeaud. Quelques photos prises alors nous montrent un jeune homme distingué, portant les cheveux longs comme beaucoup d’artistes de cette époque.A la veille de la guerre, Rapsomanikis connaît le succès, avec des expositions à Marseille ou Barcelone. Il vit quelque temps à Athènes où il dessine des caricatures pour les journaux et participe à la décoration du théâtre royal. A partir de 1915, il s’installe en Espagne où sa carrière va prendre un nouveau tournant ; il se consacre au dessin, devenant un des pionniers de la bande dessinée espagnole. Il publie dans les premiers magazines du genre en Espagne, comme TBO ou Algo. Les nombreuses planches conservées, publiées sous son nom ou sous des pseudonymes comme Dasley ou Rapsos, révèlent son extraordinaire talent de dessinateur. Rapsomanikis dessine et continue aussi de peindre des paysages et des portraits, jusqu’à son décès en 1937, à Saint-Sébastien. Frank Bernard» Saint-Junien, mai 1911 : Rapsomanikis, à gauche, en famille sur les bords de la Glane. Coll. privée.» Paysage, huile sur toile, Rapsomanikis. Coll. privée
Le Chercheur d’Or2 LE CHERCHEUR D’OR • N° 76 I décembre 2019Marie-Catherine Raynaud, prisonnière civile des Allemands en 1914C’est une histoire assez peu connue qui méritera d’être racontée un jour : celle des papetiers de la vallée de la Vienne qui à la fin du 19e siècle sont allés s’établir sur les bords de l’Aisne à Evergnicourt. Environ 40 familles et près de 200 personnes ont accepté de s’expatrier et sont parties travailler dans une papeterie qui existe toujours. Malheureusement, 15 ans après leur installation, la guerre de 1914 a mis fin à cette colonie limousino-charentaise en Picardie. Exode, décès à la guerre, occupation, prisonniers civils ont été le lot de ces pionniers. Parmi eux, Catherine Marie Raynaud a eu une jeunesse tourmentée.MARIE-CATHERINE Raynaud est fille de l’un des premiers couples venus s’installer à Evergnicourt en 1898. Son père Léonard Raynaud et sa mère Jeanne Délias, initialement cultivateurs à Saint-Junien, se sont reconvertis en ouvriers papetiers. Troisième enfant du couple, elle naît le 1er mai 1898 à l’usine de Saillat appartenant à la papeterie Labrousse. Elle a à peine 6 mois lorsque ses parents acceptent de partir pour Evergnicourt, espérant y trouver une vie meilleure.À Evergnicourt la famille est installée dans une cité nouvellement créée pour ces ouvriers. Deux petits frères vont naître avant que Léonard Raynaud ne décède vers 1906. C’est désormais Jeanne Délias qui est chef de famille et la vie est aussi dure qu’en Limousin. Catherine Marie Raynaud va devoir aller travailler ; c’est à Reims, à environ 25 km d’Evergnicourt, qu’elle est employée de maison dans une famille d’industriels lorsque survient la guerre de 1914. Une partie des habitants, dont sa mère, va prendre la route de l’exode avant l’arrivée des troupes allemandes.Christiane Douart, fille de Marie-Catherine, a rapporté les confidences qui lui avaient été faites par sa mère *.« À la déclaration de guerre en août 1914, elle a voulu rejoindre sa mère – son père étant décédé – à Evergnicourt. Hélas à son arrivée le dernier train dans lequel se trouvait ma grand-mère était parti. Quand les Allemands sont arrivés (les boches comme on disait alors), maman s’est donc trouvée prisonnière parmi la population, avec les deux sœurs de mon père … Les jeunes filles ont été regroupées dans une maison tout en travaillant obligatoirement à l’usine. Maman a été le plus souvent à la blanchisserie et les sœurs de mon père aux ateliers de couture. Elles n’ont jamais été maltraitées.Maman a passé ainsi toute la guerre sans nouvelle de sa famille. À son retour à Saint-Junien elle a appris tout de go : ta grand-mère est morte, ton frère est tué (ses deux frères avaient fait partie du corps expéditionnaire en Orient, mais le corps de l’un d’eux est resté là-bas et l’autre a été commis boucher rue Lucien-Dumas) et ta mère est remariée… ». En effet, la grand-mère Catherine Bigaud est décédée à Saint-Junien le 11 février 1916 et Jeanne Délias s’est bien remariée à Saint-Junien le 6 janvier 1917, avec François Andrieux (son acte de mariage l’indique demeurant à Evergnicourt et résidant à Saint-Junien rue des Binlaudes). Son frère est décédé à Sirkovo-Rosoman en Serbie. Il est inscrit sur le monument aux morts d’Evergnicourt. Son autre frère, après avoir été boucher à Saint-Junien s’est établi à Barbézieux (Charente).Après son mariage à Saint-Junien le 18 décembre 1920, avec Maurice Auguste Douart, mécanicien ajusteur, le couple restera en région parisienne avant de revenir à Saint-Junien où Marie-Catherine est décédée le 17 juillet 1970.Jean-Claude Frölich* Témoignage recueilli par une équipe de l’association Familles rurales de Saint-Junien, lors des manifestations liées au centenaire de la guerre.Nous recherchonstous renseignementssur cette périodeauprès des descendantsdes couples saint-juniauds, haut-viennois et charentaisayant participéà cette aventuredans l’Aisneentre 1898 et 1914.» Marie-Catherine Raynaud (collection particulière).» 1916, atelier de couture sous surveillance allemande. Marie-Catherine Raynaud est marquée d’une croix. (Collection particulière).
N°76LE CHERCHEUR D’OR • N° 76 I décembre 2019 3Une pierre mystérieuse… sans mystère» Dessin d’un linteau sculpté de l’ancienne église Saint-Micheldu Dorat, abbé Texier.Recueil des inscriptionsdu Limousin.SIGNALÉ à diverses reprises, ce vestige a été pris, le plus souvent, pour une inscription funéraire. En 2005, on y voyait encore une « tombe mérovingienne ». Deux ans plus tard, il a bénéficié d’une étude et d’une identification par Jean Perrier dans le bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin.Selon Léon Rigaud, la pierre a été trouvée en 1906, lors d’un abaissement du sol devant l’église dans le nivellement par rapport à la nouvelle salle des fêtes, avec d’autres pierres tombales en dos d’âne, qui sont maintenant derrière la chapelle du cimetière.Son origine ainsi déterminée, ce morceau de granit constitue en fait l’extrémité de droite d’un linteau en bâtière. Il faut oublier sa position verticale actuelle, et le basculer d’un quart de tour sur sa plus petite dimension. Tel qu’il subsiste, sa hauteur à gauche est de 0,90 m pour une épaisseur de 0,82 et une largeur au sommet de 0,34.Le décor de cette pierre, creusée à fond de cuve, est assez simple, limité par des bords chanfreinés. Une torsade sculptée garnit l’extrémité supérieure. Les chanfreins ont reçu une inscription réduite à peu de choses aujourd’hui. Àgauche, on distingue …IENTIB…, qu’il » Dessin de Léon Rigaud.Archives de la Haute-Vienne,fonds Rigaud, 9 F 87L’observateur curieux ne peut manquer de l’apercevoir à l’extérieur de la collégiale de Saint-Junien, à l’angle du croisillon sud. C’est un fragment qui se découvre aisément de la rue, fiché à l’extrémité est du jardin Prosper-Mérimée.faut compléter en REGREDIENTIBUS, et placer dans une formule latine à traduire par Paix à ceux qui entrent et à ceux qui sortent. À droite, quelques lettres AA … SV et un M isolé au centre, ne permettent aucune interprétation.Ce n’est donc pas le fragment d’une tombe mérovingienne, mais celui d’un linteau de porte à dater de la fin du XIe ou du début du XIIe siècle, époque du chantier de la collégiale. Quant à la porte, celle d’un édifice religieux, il convient de la situer dans les bâtiments disparus avoisinant l’édifice.Des linteaux de ce genre, décorés et inscrits, sont visibles à la collégiale et au Carmel du Dorat, à l’église de Tersannes. Plus modestes, deux existent toujours dans l’église martyre d’Oradour-sur-Glane.Pour Saint-Junien, remercions les acteurs ignorés d’une sauvegarde qui a transmis cet humble témoignage de notre histoire.Pierre Eberhart
LE CHERCHEUR D’ORPublication de la Société des Vieilles PierresPour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienSociété des Vieilles Pierres : 18, rue Paul-Elluard • 87200 SAINT JUNIENLe supplément « Le Chercheur d’Or » est consultable en ligne à l’adresse : st-junien-vieilles-pierres.frLa version papier est disponible gratuitement aux archives municipales, à la médiathèque de Saint-Junien et à l’office du tourisme.N°ISSN 2117-8879 Pour tout renseignement : 05 55 02 30 69 – Courriel : socvp@orange.frÉDITIONS L’ABEILLE B.I.P. SASDépôt légal à parution • ISSN 3441-4101 K • ARRONDISSEMENT DE ROCHECHOUART. Autorisé pour l’arrondissement judiciaire à publier les annonces judiciaires et légales en matière de procédure civile et de commerce, ainsi que les actes des sociétés. No CPPAP 0615 I 87943 • Tirage : 4.000 ex. Abonnement 2019 : 45 € • Prix du No 1,20 €Directeur de Publication et rédacteur en chef :François BUSSAC • Rédaction « Le Chercheur d’Or » :Franck Bernard et Société des Vieilles Pierres.Conception graphique : Studio four cat’S : Sébastien CATILLON. Impression :SAXOPRINT.Un établissement de renomau début du siècle dernier,l’hôtel du CommerceL’hôtel Papon est repris par la famille Laudouze en 1904. L’établissement accompagne les Saint-Juniauds dans leur vie, on s’y rassemble autour de sa bonne table pour célébrer baptêmes, mariages, naissances… ON y accueille surtout les voyageurs de passage, essentiellement des professionnels venus à Saint-Junien pour le commerce et ses industries du cuir et du papier.L’hôtel jouit d’une bonne réputation quant à la qualité de la réception, de ses services et de ses mets gastronomiques, comme en atteste le menu servi le 25 juin 1907. Pierre Laudouze a le sens du commerce, tout est à disposition pour ses clients, le téléphone dans toutes les chambres, les voitures; il va même, pour attirer la clientèle, mettre au dos de sa correspondance un petit résumé des atouts de la ville et ses environs. Ainsi Pierre Laudouze fait voyager les charmes de Saint-Junien en espérant que cela donne envie à certains de venir découvrir ce coin du Limousin… en séjournant à l’hôtel du Commerce !Pierre Laudouze décède en 1917, et madame Laudouze assurera seule la poursuite de l’établissement. Le 25 septembre 1926, elle donne une réception pour sa retraite, entourée entre autres de Pierre Mouveroux, doyen de ses clients, et de Émile Longaygue, devenu président des ostensions l’année précédente. L’Abeille de Saint-Junien du 27 octobre 1926 relate l’événement, car c’est bien une « institution » qui part. L’article, intitulé « Soirée d’Adieu », énumère les prises de paroles, les hommages rendus à madame Laudouze, les chants entonnés, les musiques jouées et le « vieux barde limousin » Max Dussoubz qui récite l’une de ses poésies. Il restitue l’ambiance festive et joyeuse en concluant : Une vingtaine de musiciens de l’excellente société l’Espérance voulurent bien venir gracieusement donner une aubade au café du Commerce à l’occasion du départ définitif de madame Laudouze. Après plusieurs morceaux d’ensemble très applaudis, M. Martial Mériguet, en artiste consommé, donna une fantaisie sur le Barbier de Séville.Le lendemain, à 11 h 30, précédé par des lanternes vénitiennes, un groupe d’une vingtaine d’amis accompagna madame Laudouze à sa nouvelle demeure, qui fut inaugurée la coupe à la main. Quant à l’hôtel du Commerce, une autre famille prenait la suite, la famille Dessagne.Olivier Granet