n° 81avril 2021Le Chercheur d’OrPremières banques de Saint-Junien Parmi les signes de la prospérité économique de Saint-Junienau XIXe siècle, l’un des plus discrets est le développement des activités bancaires.Cependant, le hasard nous a permis de retrouver un rare témoignage de la première banque de notre cité. Louis Moreau (1888-1944)« L’âme de la résistance dans la région d’Etampes »Le nom de cet enfant de Saint-Junien fi gurant sur le monument des déportés du champ de foire est aussi bien connu en Essonne où quelques voies et écoles primaires portent son nom.C’EST une belle plaque de cuivre, de forme ovale (28 x 17,5 cm) sur laquelle est gravé :CAISSE D’ESCOMPTEde St-JunienDUVOISIN-MAZORIE& CieJean Alf red Duvoisin-Mazorie, né en 1828 à Saint-Germain-de-Confolens, est caissier de banque à La Rochefoucauld quand il épouse à Saint-Junien, en février 1857, Marie Célina Lamy, fi lle d’un négociant aisé de la ville. C’est sans doute cette union qui lui permet, dès la même année, d’ouvrir un comptoir d’escompte dans notre cité, sous la raison Duvoisin-Mazorie et compagnie.L’escompte est une activité bancaire qui ne nécessite pas de gros capitaux ; l’escompteur rachète un effet de commerce avant son échéance et se charge d’en récupérer le montant auprès du débiteur. Le créancier est ainsi payé sans attendre, mais il verse une remise à l’escompteur. Beaucoup d’industriels et de commerçants ont recours à ce moyen pour disposer de suffi samment de trésorerie, surtout dans les premiers temps de leur activité.Jusqu’au milieu du XIXe siècle, à l’exception de Limoges, le Limousin est sous-équipé en établissements bancaires ; il est vrai que par habitude les entrepreneurs ont peu recours au crédit. L’installation d’un premier escompteur à Saint-Junien est à mettre en relation avec l’essor industriel de la ville durant les décennies 1850 et 1860. Il se crée alors de nombreuses fabriques de gants, mégisseries, papeteries de paille, fabriques de porcelaine et poterie… autant de clients pour la banque. Jean Alf red Duvoisin-Mazorie va exercer à Saint-Junien durant près de quarante ans, dans sa maison du faubourg Pont-Levis (avenue Barbusse).Deux autres escompteurs s’établissent à Saint-Junien vers 1865, Jean Louis Gibouin et Germain Faye. Du premier, venu lui aussi de La Rochefoucauld, nous connaissons un inventaire de 1870 qui révèle parmi ses clients plusieurs gantiers et mégissiers de Saint-Junien. À la différence de Duvoisin-Mazorie tous les deux abandonnent la banque au bout de quelques années, pour se diriger vers l’industrie. En relation avec le milieu des entrepreneurs, ils ont vu les perspectives qu’off raient la papeterie de paille, alors en plein essor. En 1872, le premier transforme le Moulin-Brice en fabrique de papier et vers 1878 le second devient propriétaire de l’usine du Maureix à Saint-Martin-Terressus.Enfi n, en juillet 1868 est ouverte la Caisse d’Epargne de Saint-Junien,destinée à recueillir les économies des familles modestes. Mais n’étant autorisée alors à proposer ni prêts ni crédits, elle n’a pas la même fonction que les banques. Nous reviendrons prochainement sur l’histoire de la Caisse d’Epargne de Saint-Junien.Plaque en cuivre Duvoisin-Mazorie. Collecti on privée.Germain FAYE (1839-1928). Collecti on privée.JOSEPHAlix Gabriel Louis Moreau naît à Saint-Junien le 21 septembre 1888 rue de la Liberté (rue Gabriel-Péri) de Maurice Gabriel Moreau, fabricant de gants et de Marie Rose Amélie Vincent. C’est un bon élève et à la sortie de l’école primaire supérieure de Saint-Junien, il réussit en 1905 le concours de l’école normale d’instituteurs. Son premier poste est à Saint-Germain-les-Belles. Après son service militaire, il revient à Saint-Junien mais en 1913 il obtient une mutation et un poste en région parisienne.Parti aux armées en août 1914, il passe sergent dans les rangs du 2e régiment mixte de zouaves et tirailleurs. Le 6 oc-tobre 1915, lors de la prise de la tranchée de Lübeck au nord de Souain en Champagne, il est blessé par balle au poignet gauche. Il perd l’usage de cette main et est réformé en août 1916 ; il reçoit la médaille militaire et la croix de guerre avec palme. Louis Moreau reprend alors son poste à Bagnolet avant d’être muté à quelques kilomètres de là dans le XXe arrondissement de Paris. Il y épouse en 1926 une couturière, veuve de guerre, Céline Vautier.Après 13 années d’enseignement, il prépare et réussit le certifi cat d’aptitude à l’Inspection de l’Enseignement Primaire. Devenu jeune inspecteur, c’est à Murat et Aurillac qu’il exerce cette fonction avant de revenir à Limoges. Il retrouve certains de ses anciens condisciples de l’école normale, cette fois pour les évaluer et les conseiller. Son inspecteur d’académie dit de lui : « c’est un entraîneur qui a le sens de l’organisation ; il juge bien, sait donner et faire accepter les conseils nécessaires ».En 1938, il quitte le Limousin pour Etampes dans l’académie de Versailles. Fonctionnaire dévoué et apprécié, on ne sait pas vraiment à quel moment ce patriote entre en résistance contre l’occupant. Sa fonction d’inspecteur lui donne l’occasion de faire bon nombre de déplacements et d’avoir de nombreux contacts dans l’enseignement, secteur où il recrute beaucoup de résistants. Son allure tranquille et son abord chaleureux lui facilitent la tâche. Son adjoint dira de lui plus tard :« Petit de taille, d’apparence f rêle, les yeux très doux, sans rien d’un guerrier : c’est un homme !Tous ceux qui l’ont approché l’ont aimé, gosses, instituteurs, habitants d’Etampes ».Dès juillet 1942, il semble déjà faire partie du comité directeur du mouvement Libération-Nord de la région parisienne. En 1943, il est chargé d’organiser le secteur d’Etampes. Sous le pseudonyme Vincent (nom de sa mère), avec ses amis il se spécialise dans les tâches de renseignement, la réception d’armes parachutées et la diffusion de tracts. Sa fi che matricule précise qu’à partir du 1er mai 1944 il est intégré au réseau « Sussex » en tant que chargé de mission de 1re classe, correspondant au grade de capitaine. Tous les renseignements recueillis aboutiront au succès du bombardement allié dans la nuit du 9 au 10 juin 1944 sur Etampes, qui a détruit l’important nœud ferroviaire de la région.Peu de temps après le débarquement, le 28 juin 1944, il est arrêté par la Gestapo, torturé avenue Foch, interné à Fresnes. Le 17 août, sous le numéro 81470, il est déporté à Buchenwald. Arrivé très affaibli, il décède le 28 septembre 1944. Gaston Palewski, directeur du cabinet du général de Gaulle, remettra la Médaille de la Résistance à différentes personnalités de la région dont madame Moreau, ainsi qu’à son mari à titre posthume.C’est en 1947 que le nom de Louis Moreau sera donné à plusieurs écoles du département de l’Essonne, à Etampes bien sûr mais aussi à La Ferté-Alais, Massy et Morangis.Jean-Claude FrölichLouis Moreau : dessin au crayon extrait de « Ma peti te patrie, histoire de la région d’Etampes ».École Louis-Moreau à Morangis (Essone).

Pierres énigmatiques Quelques blocs de granit finement taillés, disposés sur la pelouse d’une maison à Fontchabrier, ont retenu notre attention lors d’une promenade dans la campagne proche de Saint-Junien. Apparemment les vestiges d’une belle construction ancienne, qui reste à identifier.Archives municipales, au service de notre histoire Les archives ne sont pas ce que beaucoup imaginent, un lieu secret réservé à quelques érudits, amateurs de vieux papiers poussiéreux et illisibles. Nationales, départementales ou municipales, les archives sont des services publics ouverts à tous, équipés de moyens de conservation modernes et off rant à chacun la possibilité de se cultiver, d’assouvir une passion ou simplement sa curiosité.LAplupart de ces pierres sont de simples éléments d’encadrement de portes ou de fenêtres, mais quelques-unes se révèlent beaucoup plus intéressantes. C’est le cas en particulier de deux blocs jumeaux, de section hexagonale, hauts de 45 cm et s’élargissant vers le bas. Les arêtes verticales séparant chaque pan de l’hexagone sont soulignées par un mince cordon qui se divise en deux à trente centimètres du sommet. Un travail de qualité, proche de la sculpture, pour ce qui semble être des supports de colonne ou de pilier.Un troisième bloc, haut de 40 cm, avait sans doute la même fonction, mais dans une forme très différente : si la base est aussi hexagonale, la section devient ensuite circulaire pour s’achever sur un abaque supérieur très abimé, mais qui devait être lui aussi circulaire. Une autre pierre, comprenant une moulure arrondie ou « boudin », correspond à un décor semblable à ceux des portails de nos églises limousines. Le dernier bloc, de plus grandes dimensions (70 x 42 x 24 cm), est difficile à identifier, mais semble avoir été taillé pour une fonction précise.L’ensemble de ces éléments d’architecture a été récupéré lors de la démolition d’une grange ancienne, il y a une trentaine d’années. Les trois premiers blocs y servaient de supports à des piliers en bois, mais de toute évidence il s’agissait de réemploi car leur qualité ne correspond en rien à la modestie d’une grange. Celle-ci avait donc été édifiée ou transformée avec des éléments récupérés dans la démolition d’un bel édifice.Cela ne doit pas nous étonner. L’idée de sauvegarder le patrimoine historique est récente : durant des siècles on a démoli sans scrupule les bâtiments en mauvais état, démodés ou sans usage (maisons, couvents, châteaux…) quelle que soit leur ancienneté, leur valeur historique ou architecturale.Mais destruction ne signifie pas disparition complète, car on prenait soin de récupérer tout ce qui pouvait être valorisé : ainsi, charpentes et pierres servaient à une nouvelle construction et il est déjà arrivé qu’on retrouve de beaux éléments sculptés remployés dans de modestes édifices.Ainsi en 1996, 18 chapiteaux de l’abbaye Saint-Martial de Limoges ont été retirés d’une grange proche du château de la Bastide où ils servaient de supports à des poutres.Se pose alors la question du bâtiment d’origine des pierres de Fontchabrier. Plusieurs édifices religieux de Saint-Junien ont été détruits, au moins partiellement, LES archives municipales de Saint-Junien accueillent le public le mercredi et le vendredi, de 13 h 30 à 17 h 1 5, au centre administratif Martial-Pascaud. À l’arrière de la salle de lecture, des milliers de documents sont conservés, sur un kilomètre de rayonnages mobiles, à l’abri de la lumière, dans une atmosphère à température et humidité constantes. Des manuscrits, des registres, des imprimés, des journaux, des plans, des photographies… qui tous ont un lien direct avec notre commune.Des documents qui vous permettront de trouver des informations sur votre famille, votre maison, votre quartier, et plus largement sur l’histoire de Saint-Junien, ses monuments, ses activités économiques, culturelles et sportives. Alors n’hésitez pas à vous lancer dans l’enquête historique ! Sur place, vous serez guidé pour vous repérer dans la diversité des documents qui permettent de mieux connaître la vie d’autrefois.Sachez aussi que bon nombre de documents sont numérisés et mis en ligne sur le site de la commune (http://www.saint-junien.f r/decouvrir/service-archives-municipales/) et sur celui des archives départementales.Mais vous pouvez aussi contribuer à enrichir les fonds des archives municipales en déposant vous-même des documents. Car vous possédez peut-être, sans le savoir, des pièces précieuses pour les historiens : papiers de famille ou d’entreprise, journal ou correspondance d’un aïeul, album photo hérité d’une lointaine cousine, vieux registre de comptes, plan d’architecte, collection d’images publicitaires, diplôme militaire, cahiers scolaires… autant d’objets ignorés ou jugés sans intérêt et qui, le plus souvent, ne survivent pas au grand « nettoyage » qui accompagne une succession, la vente d’une maison ou un déménagement.Sauvez-les de la destruction en les donnant ou en les déposant (vous en restez alors propriétaire) aux archives municipales. Même s’il s’agit simplement de quelques pièces, n’hésitez pas à les soumettre à l’avis du service des archives : si elles sont dignes d’intérêt, elles seront intégrées dans la série des fonds privés. Si c’est un ensemble important et cohérent, elles formeront un nouveau fonds, comme ce fut le cas pour le fonds Dupuy (voir Le Chercheur d’Or n°77, mars 2020) ou plus récemment pour le fonds Jean Savary et le fonds Georges Gaudy déposés par les familles.Frank Bernard