N° 34Juin 2009Le Chercheur d’OrPublication de la Société des Vieilies PierresPour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienPORTRAIT D’UN MÉDAILLÉ DE L’EMPIRETrès rares sont les portraits de Saint-Jimiauds d’avant le temps de la photographie. En voici un, debelle facture, dont le personnage arbore fièrement lamédaille de chevalier de la Légion d’honneur, aurevers d’un costume qui permet de dater le tableaude la première moitié du XIXe siècle. L’identificationdu personnage n’est pas assurée; il semble qu’il s’agisse de Jacques-Junien BEYNAUD, né à Saint-Junien le 14 décembre 1787 et décédé rue haut-Saint-Pierre (rue Ronce Rigaud), le 19 décembre 1845.Ancien officier de cavalerie, il fait partie de ces générations de jeunes Français qui ont parcouru l’Europedans les armées de la Révolution puis de l’Empire.C’est l’occasion pour nous d’annoncer la sortie enjuin de notre premier Dossier du Chercheur d’Or.qui leur est consacré sous le titre:AUX ARMES CITOYENS^ Les Saint-Juniattdssoldats de la Révolution et de l’Empire. fbCollection JO Sî-JunienOSTENSIONS FAMILIALESLes Ostensions offrent à la vue et à la vénérationdes fidèles les précieuses reliques de nos saints,sorties du tombeau de Junien.Mais le culte des reliques a pris d’autres formes,plus intimes, comme en témoigne le curieux objet retrouvé dans un grenier de la famille Aréna.n s’agit d’im reliquaire domestique (13,8 x 11,5cm), qui a fait l’objet d’un remontage à la fin duXIX® ou au début du XX® siècle. D. contient desreliques des saints André, Anne, Félicité etIgnace, sous forme de minuscules fragmentsd’ossements (souvent tirés des catacombes). Ilétait destiné à être suspendu.Ces reliquaires, destinés à la dévotion privée,apparaissent surtout au XVin® siècle et étaientconfectionnés par des religieuses (surtout descarmélites) et décorés d’images pieuses et derubans de papier ondulés à lisières dorées appelées « paperoUes ». Ce genre de production sevendait dans toute la France. Pierre Boulanger

Page 2.Lè Chercheur d’OrÛN’AU TEMPS DES FUMISTES…Dans la série des commercesdisparus, nous publions idxme très belle carte photo, trèsanimée, datant des années1920, des établissements P.Caland, fumiste et chauffagiste installé 11 boulevard dela République. Etabli en 1906ou 1907 comme fumiste, lesprécieux annuaires de l’époque nous apprennent que Caland devient fumiste, chauffagiste et électricien associé en1924 à im certain Gibier.On le retrouve associé à Barje-ron à partir de 1936 et pendant la durée de la secondeguerre mondiale, toujours au11 Boulevard de la République. Au début des années 1950, seul Barjeron apparaît comme chauffagiste, P. Caland a dû à la fin desannées 1940 prendre une retraite bien méritée puisqu’il a occupé ce morceau de boulevard pendant quasiment toute la première moitié du XX ® siècle.La spécialité de la maison Caland était les chauffages modernes « en tout genre », comme le précise lapublicité publiée par les almanach – annuaires de Saint-Junien et des environs, mais la maison affichaitégalement une compétence pour tous travaux de tôlerie et construction de cheminées d’usine en briqueou en tôle. Saint-Junien possédait nombre de cheminées sur les bords de Vienne et de Glane; il serait intéressant de savoir si Caland est le constructeur de certains d’entre elles qui malheureusement sont envoie de disparition aujourd’hui.La maison du 11 boulevard de la République n’a guère changé. Construite fin XDC e- début XX e siècle,son architecture aux proportions plaisantes fait apparaître une porte cochère au centre de la façade et depart et d’autre, un magasin à devanture de bois. Un magasin pour le chauffage et im pour l’électricité.On remarque im arbre devant la devanture, c’est notable car ils ont tendance à disparaître des artères deSaint-Junien à chaque fois qu’un aménagement urbain est réalisé, c’est bien dommage. TG« LO COCHO » OU LA TAILLE DU BOULANGERWLa carte de crédit de ma grand-mère.Quand le boulanger cornait pour signaler son arrivée avec sa trompe, ma grand-mère décrochait de saporte im morceau de bois plat suspendu à un clou. Elle prenait son pain et tendait au boulanger sa planchette qu’il emboîtait dans ime autre.Ces deux morceaux de bois s’enclenchaient parfaitement. Sur le dos de cet assemblage le boulanger faisait au couteau une encoche correspondant au pain laissé à ma grand-mère et chacun reprenait sa partie.A cette époque – nous sommes entre 1955 et 1960 – le boulanger ne passait qu’une ou deux fois parsem^e, et on ne payait le pain qu’à la fin du mois. Cet instrument appelé taille du boulanger, « cocho »en Limousin, était donc l’ancêtre de notre carte bancaire à débit différé.Le nom de « cocho » en patois vient de coche ou encoche. « Lo cocho » était en bois blanc, bois tendrecomme le peuplier, d’une trentaine de centimètres de long, de 5 à 6 cm de large et de 2 cm d’épaisseurenviron.De fabrication fadle, elle pouvait être faite par le boulanger lui-même ou par im menuisier. On coupait laN »34Page 31L’AGNEAU DU PONT NOTRE – DAMELe pont Notre – Dame réserve ime petite surprise aucurieux, sinon à l’imprudent, qui s’aventure sur son trottoirouest. Sur le parapet du refuge, au-dessus de la troisièmearche, est scellée une sculpture en granit représentant immouton. Elle n’a rien à voir avec le pont, où on l’a mise àrme époque inconnue.Certains l’identifient comme ime roue dentée, engrenaged’on ne sait quelle machine, d’autres comme l’œuvre de gitans de passage au début du XIX siècle. Qu’en est-il exactement?Tout d’abord, il s’agit d’une clef de voûte, élément centralqui assure la solidité de ce genre de construction. Elle doitappartenir à un édifice assez important et de qualité, et ellecomporte le départ de huit branches d’ogives moulurées.Son décor figure l’Agneau divin nimbé, tourné à gauche,devant ime croix ornée de perles. Ce symbole du Cfuist esttrès fréquent, et il apparaît au début de la religion chrétienne. On le retrouve à travers les âges avec plus ou moinsde modifications. Ici, il pose sa patte antérieure gauche surle Livre saint fermé. L’Agneau est à rapprocher de saintJean-Baptiste, patron des mégissiers, honoré à Saint-Junien.La clef de voûte du pont Notre-Dame, qui s’inscrit dans im rectangle de 0,68 m sur 0,73 m, est généralement datée du XIV ^ siècle. Elle est censée provenir de l’ancienne chapelle épiscopale, jadis contre leflanc sud de la collégiale. Après différentes utilisations profanes depuis la Révolution, cette chapelle aété démolie en 1875. Elle remontait à 1190, mais notre sculpture est plus récente, alorsA défaut d’ime origine précise, difficile à déterminer, rapportons ce que notre ami Pierre ViUoutreix abien voulu nous apprendre, d’après les souvenirs de son père Marcel ViUoutreix.Les matériaux de la démolition de 1875 avaient remblayé la rive gauche de la Vienne, près du moulinGady, aujourd’hui disparu. La sculpture ayant retenu l’attention des frères Boulesteix, ceux-ci l’auraientmise de côté, avant que Léon Rigaud, soucieux du patrimoine local, la fasse transférer à sa place actueUe.Léon Rigaud, né en 1870, n’a pu susciter ce sauvetage que plus tard. La clef de voûte s’aperçoit sur lescartes postales d’il y a cent ans.Après tout, l’Agneau du pont Notre-Dame peut bien garder ses mystères. PEpl^chette dans son épaisseur en prenant soin de conserver un talon à une extrémité et, d’un trait descie dans la largeur, on séparait les deux parties. Le nom de ma grand-mère figurait sur les deux parties. ^^ forme des ta^es et l’angulation du trait de scie en faisaient des instruments tous différents les unsdes autres; ainsi nous ne pouvions pas marier Pierre avec Paul.Le boulanger accrochait dans sa voiture les tailles des clients à servir à chacune de ses tournées.A la ^ du mois, la facture de ma grand-mère était faite en comptant le nombre de coches ainsi reconstituées sur les deux parties de la taille assemblées. Un coup de râpe ou de scie effaçait les encoches, et ma grand-mère repartait pour un nouveau mois, et ceci jusqu’à ce que la dimension de « sococho » nécessite son renouvellement.Les coches se faisaient en fonction du pain pris, malheureusement le code ne nous est pas connu.Les pains les plus courants étaient le pain de deux (2 livres) tordu ou platle pain de quatre (4 livres), mêlée ou tourtele pain de méture pain de seigle pour tremper la soupe. JRP

Publication de la Société des l’ieil/es PierresPour la promotion dapatrimoine dupays de Saint-JunienREDACTION 1 Fbg Liebknecht 87200 SAiNT-JUNIENFrank Bernard / David Chaput / Pierre Eberhart /Eric Fougeras/ Thierry Granet/Jean-René PascaudSociété des Vieilles PierresSiège social: mairie de Saint-JunienSOLIDARITE SAINT- JUNIAUDEDANS LA GRANDE GUERREJournée du 75 – 1915Comme partout en France, l’enthousiasme est grand en août 14à Saint-Junien, et comme partout en France on est persuadéque la victoire sera rapide, donc la guerre courte.Les premiers blessés arrivés en gare de Saint-Junien sont d’ailleurs inondésde victuailles, vin, tabac et l’on se bouscule à un tel point pour saluer leshéros que les médecins s’en alarment et demandent au maire d’intervenirpour calmer les esprits. Un commerçant de la ville va jusqu’à publier dansl’Abeille de Saint-Junien un communiqué annonçant 20% de remise duranttoute la durée des hostilités… La petite histoire ne dit pas si ses stocksétaient conséquents IPetit à petit le calme se fait et l’on comprend que non, la guerre ne sera pascourte. Les morts et les blessés de plus en plus nombreux en attestent, lesdifficultés d’approvisionnement en denrées de toutes sortes, l’arrivée deréfugiés, puis du 15^ d’artillerie en repli dans notre ville, le chômage, tousces événements laissent augurer une période longue et difficile à vivre.Pourtant la solidarité continue d’être un fait avéré, même pour les gens lesplus modestes. Ainsi voit- on spontanément les cantonniers, les policiers etle commissaire, les agents de la poste et de la gare, des ouvriers gantiers,papetiers ou mégissiers demander un prélèvement modique sur leur salaireau profit des blessés ou des réfugiés (une quotité renouvelable pour certainstant que durera le conflit). Les dons en nature affluent dans les locaux rfiu-nicipaux (tabac, vêtements, ustensiles …).Pour l’argent liquide, on organisera régulièrement durant les quatre années deguerre des concerts, du théâtre, des séances de cinéma ou des matchs de« football-rugby » avec les voisins limougeauds ou les soldats du 15’^ d’artillerie et les quelques sportifs du cru disponibles. Les quêtes de la messe et notamment la « messe des artilleurs » sont versées également pour la bonne cause. Aun niveau plus officiel la vente d’insignes à intervalles réguliers est un fait tellement courant que ces petits objets en tissu, carton ou métal (médailles) ontsouvent traversé le temps, et qu’on en retrouve dans nos fonds de tiroirs encorede nos jours.La mairie coordonne généralement les commandes, via la préfecture, de cespetits insignes, et en confie la gestion à des notables de la ville ou à des« dames de charité », qui en assurent la vente et reversent les bénéfices à lamunicipalité. Il y aura durant la guerre 14/18 un assez grand nombre de cesventes. Nous avons retrouvé la trace de quelques-unes d’entre elles dans lesarchives de la ville.Dès le mois de décembre 1914, une vente de petits drapeaux belges auprofit des réfugiés de ce pays, gérée par le comité de secours aux blessés etJean Teilliet, rapporte 1947.50 F. En février 1915, l’Etat décide la mise envente d’insignes du 75 (le fameux canon français), 1000 d’entre eux sontenvoyés au sous préfet, mais Saint-Junien en demande 3000 !Le maire récidive en mars 1915 en demandant 4000 insignes de la«journée française » : il n’en recevra que la moitié. En mars 1916 c’est lajournée du Limousin qui se profile, en avril la journée du poilu (épingles etbroches), que les gens achètent sur ticket avant même réception des objets(ce qui obligera le maire à réclamer ces derniers qui n’arrivent pas !).Octobre 1916, journée des orphelins de guerre, où près de mille objets devant être vendus par des fillettes, sont encore commandés …Dès lors il n’est pas étonnant, au vu du nombre de ventes réalisées, detrouver ces insignes dans nos maisons, et même s’ils n’ont pas un caractère« local », ils ont marqué à leur manière une période difficile de notre His-Joumées du LimousinJournée du poilu -1915toire. DC