N° 42juin 2011Supplément à la« Nouvelle Abeille de Saint-Junien »n° 1043 du 18 juin 2011. Ne peut-être vendu séparément.Le Chercheur d’Or1931-2011Saint-Juniencélèbre Jean TeillietPhotographie de Jean Teilliet, vers 1900, coll. J.-C. A.couvent du Verbe Incarné à Saint-Junien. Comme si, après cet accomplissement, il pouvait tirer sa révérence l’esprit en paix et se reposer du sommeil des justes, pour l’éternité.1931 allait être l’année de la consécration et l’aboutissement de la vie d’un homme passionné. L’inauguration du musée qu’il avait imaginé pour sa ville fut l’occasion de fêtes régionalistes grandioses qui se déroulèrent sur plusieurs jours. Ce fut une réussite totale et le couronnement d’une vie, mais Teilliet était usé et c’est auprès de son épouse et de sa chère Suzanne Léger qu’il rendit son dernier soupir. A 61 ans, fatigué d’une vie oùtoute son énergie aura été déployée pour la sauvegarde du patrimoine limousin auquel il rendit le plus bel hommage en lui dédiant le musée de Saint-Junien qu’avant lui, son père avait imaginé. Les funérailles de Jean Teilliet furent monumentales, à l’image de l’émotion que son décès avait suscitée et de la reconnaissance que chacun voulait témoigner au grand homme. Le cercueil fut placé sur un char à bœufs somptueusement décoré de fougères et de bruyères arrachées aux landes limousines si chères au cœur du peintre. Le cortège fut suivi par des centaines de personnes dans un recueillement impressionnant. Et c’est au son de la vielle de Suzanne Léger qui joua la berceuse que lui chantait sa mère que Jean Teilliet fut inhumé dans la chapelle familiale du cimetière de Saint-Junien.Virginie Kollman a très justement écrit à propos de l’enterrement de Teilliet, dans le remarquable catalogue réalisé à l’occasion de l’exposition des œuvres du peintre en 1991 : « Cette berceuse, jouée par son élève, boucle le cycle de sa vie en même temps qu’elle assure la continuation d’un savoir musical. Par cette cérémonie funèbre, presque théâtrale, il peint son dernier tableau affirmant ainsi jusque dans la mort sa limousinité profonde. »T. G.C’est à l’automne, saison si particulière en Limousin et que la palette du peintre a su si superbement rendre, que Jean Teilliet s’éteignit au terme d’une année aussi riche qu’éreintante pour sa santé déjà fragile.Quelques semaines avant sa mort le 23 octobre 1931, Teilliet avait été le chef d’orchestre de la grande œuvre de sa vie, l’inauguration en août, du musée municipal, dans les locaux de l’ancien

Le Chercheur d’OrPage 2N°42Page 3■Le cortège régionaliste : Alsaciens et Landais descendant la rueLucien-Dumas.L’inauguration du musée Jean Teillet,15 et 16 août 1931Il y a 80 ansLe muséede Saint-JunienMais ces journées de fête sont surtout l’occasion de rendre hommage à Jean Teilliet, comme si les Saint-Juniauds avaient pressenti qu’il était urgent de témoigner leur admiration et leur reconnaissance à leur « grand homme ». Tout chez lui impose le respect : sa stature d’athlète, amoindrie cependant par les ans, sa silhouette d’artiste avec le feutre à large bord et la lavallière, son éducation raffinée, et surtout sa renommée de peintre qui a longuement fréquenté les milieux artistiques parisiens et qui expose encore chaque année dans la capitale. Par-dessus tout cela, on lui sait gré d’avoir gardé intact son attachement à sa petite patrie : il a tant fait pour Saint-Junien ! Pour les Ostensions, pour la collégiale et maintenant pour ce musée auquel il vient de consacrer plusieurs mois de sa vie. Il sera donc le président d’honneur des fêtes d’inauguration du « musée municipal Jean Teilliet » et un grand banquet lui sera dédié. Toute la ville s’est mobilisée pour donner le plus de faste possible aux cérémonies : Joseph Lasvergnas apporte le soutien total de la municipalité, et la souscription des habitants a réuni plus de 10.000 francs. Le programme s’inspire des grandes fêtes musicales de 1930 (voir Chercheur d’Or n°39) avec retraite aux flambeaux, bal, course cycliste, banquet, défilés, concerts de l’Avenir, de l’Espérance et de l’Etoile bleue, concours de voitures d’enfants et de bicyclettes fleuries. Cependant, le comité d’orga-nisation « s’est souvenu que Jean Teilliet n’est pas seulement un homme de bien et un artiste généreux, mais encore un des précurseurs du régionalisme français ». Aussi a-t-on décidé que les fêtes auraient un caractère régionaliste et a-t-on invité des groupes folkloriques à venir se produire. Quatre sociétés représentant quatre provinces, Bretagne, Alsace, Landes et Limousin (Les Veilleurs de Saint-Germain), vont défiler en costume dans les rues puis danser sur une vaste estrade dressée sur le champ de foire, au son des instruments anciens. Malgré les caprices du ciel, le spectacle se poursuit tard dans la nuit devant un nombreux public. Le lendemain matin, Bretons et Limousin se rendent sur les bords de la Glane pour saluer Corot, au pied du médaillon fixé aux rochers, vingt sept ans plus tôt, à l’initiative de Jean Teilliet. Ces trois jours de fête furent donc une sorte d’apothéose pour Jean Teilliet qui dut souffrir de tant d’honneurs, lui « le plus modeste des artistes » selon Georges Gaudy. Leur succès augurait d’un bel avenir pour le musée de Saint-Junien, mais les événements Les grandes fêtes d’août 1931 ont pour but de célébrer la création d’un musée à Saint-Junien, une fondation désirée depuis plus d’un siècle mais qui a échoué à quatre reprises (voir article suivant). Enfin, en 1931, la persévérance de Jean Teilliet permet de doter la ville d’un musée, considéré alors comme indispensable dans une cité de l’importance de Saint-Junien.allaient en décider autrement. Privé de son animateur par le décès de Jean Teilliet quelques mois plus tard puis déménagé en 1939 pour loger de nombreux réfugiés, il est finalement fermé en 1953 et ses collections sont dispersées. Le musée disparu, la rue du musée est rebaptisée rue Jean Teilliet en 1961, bien modeste hommage à celui qui a offert le seul musée qui ait jamais existé à Saint-Junien.F. B.Le projet n’eut pas de suite jusqu’en 1849 quand Pierre Séverin Teilliet, le père de Jean, alors médecin à Saint-Junien, offrit à la commune un musée constitué d’une collection d’histoire naturelle. Bien qu’acceptant l’offre, le projet fut reporté sine die faute de place pour l’accueillir.Il y a 80 ansLe musée de Saint-JunienSaint-Junien – Musée MunicipalFondé par Jean TeillietIntérieur LimousinsC’est en 1927 que Jean Teilliet a relancé l’idée de la création d’un musée à Saint-Junien et qu’il a tout mis en œuvre pour voir aboutir son projet. La tache fut rude et ardue. Teilliet le savait car il connaissait les vicissitudes que connut ce projet depuis 1794 où les premières collections en vue de la création d’un musée furent réunies. Les premières salles du musée avaient été ouvertes dès 1929, comme pour « tester » l’adhésion du public qui ne se démentit jamais. Le succès de ces premières journées avait conforté Jean Teilliet dans son idée qu’un musée à Saint-Junien était devenu nécessaire parce que la seconde ville du département se devait d’en avoir un, et qu’un musée, conçu par lui, pouvait concourir à la maintenance de la culture limousine qui lui était si chère. (Suite page 4.)

Réalisé en colaboration avec la Société des Vieilles PierresPour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienSociété des Vieilles PierresRédaction : 18, Paul Eluard – 87200 SAINT JUNIENFrank Bernard – David Chaput – Pierre EberhartThierry Granet – Jean-René Pascaud.• Imprimerie LAPREL – LIMOGES.Le Chercheur d’OrLe Chercheur d’Orest consultable en ligne sur le site de l’OTSI de Saint-Junien à l’adresse :http://www.saint-junien-tourisme.frLa version papier est disponible aux archives municipales et à la médiathèque.Pour tout renseignement : Tél. 05 55 02 30 69 – Courriel : socvp@orange.frEn 1891, Vital Granet, érudit local, offre ses collections à la ville sous réserve de la création d’un musée, mais ses collections disparaissent dans l’incendie de sa maison en 1900. Jean Teilliet entre en scène et relance l’idée d’un musée municipal dès 1907. C’est vingt ans plus tard, en 1927 qu’il s’attachera à mener à bien la création du musée. Dans une lettre envoyée à Joseph Lasvergnas, maire de Saint-Junien, Teilliet écrit : « Croyez, Monsieur le maire et messieurs les conseillers municipaux, qu’en proposant la création de ce musée, c’est dans le but d’être très utile à ma chère ville natale de Saint-Junien ainsi qu’à tous mes concitoyens : je m’y emploierai de mon mieux et j’espère que ce sera pour le bien et la satisfaction générale. »Teilliet voulait ce musée pour en faire une espèce de « reliquaire » destiné à conserver la culture limousine. Après la guerre de 14 -18 et le traumatisme résultant du premier conflit mondial, le peintre avait pris conscience que le monde avait basculé dans une ère nouvelle et que le XXe siècle ne ressemblerait pas aux précédents, annihilant même jusqu’aux derniers vestiges d’un temps où l’homme vivait en phase avec son environnement naturel. C’est donc une démarche ethnographique qu’il faut voir dans le travail de Teilliet.Sa frénésie de collationner tous les témoins du temps passé pour les préserver n’apparaît ainsi que comme l’ur-gence qu’il res-sentait à protéger ce patrimoine. Jean Teilliet fut d’une moder-nité surprenante dans cette en-treprise. S’étant allié les services du journal local, « L’Abeille de Saint-Junien », ilIl y a 80 ansLe musée de Saint-JunienSaint-Junien – Musée MunicipalFondé par Jean TeillietPortraits anciensSaint-Junien – Musée MunicipalFondé par Jean Teilliet« Le Pardon », d’Ernest DuboisSaint-Junien – Musée MunicipalFondé par Jean TeillietSalle Ernest Dubois(Suite de la page 3.)de son père qui offrit sans succès ses collections quelques 70 ans auparavant. Enfin, le clou, l’innovation du musée de Saint-Junien qui était d’offrir une salle régionaliste consacrée à la reconstitution d’un intérieur limousin. Le reliquaire des traditions perdues, l’âme du musée. Grâce aux dons venus de toute la région, Teilliet reconstitua l’habitat limousin idéalisé par la vision de l’artiste, comme l’image du Limousin intemporel et en voie de disparition. Là est la modernité et la clairvoyance de Teilliet : interpeller les visiteurs en leur montrant ce qu’ils sont, d’où ils viennent pour les mettre en garde contre la disparition de leur monde afin qu’ils ne perdent leur identité dans un monde uniformisé.T. G.s’assurait une large diffusion de ses idées, jusque dans les campagnes les plus reculées. Il fit appel à tous pour participer à la collecte d’objets du quotidien ou d’habits traditionnels, s’assurant ainsi de l’adhésion du plus grand nombre. La démarche de Jean Teilliet fut d’une extraordinaire modernité, sinon visionnaire. Le musée fut conçuautour de trois axes essentiels à ses yeux : ethnographi-que, pédagogique et artistique.Le musée comportait des salles de peintures et de sculptures d’artis-tes dont certains furent des prix de Rome ou primés dans les grands salons parisiens. A cet égard Teilliet avait fait « jouer » ses réseaux artis-tiques parisiens. C’est ainsi que des œuvres d’Henri Coutheillas, Alfred Boucher, Eugène Alluaud, Charles Bichet ou encore Suzanne léger et Louis Codet s’accumulèrent pour former la collection du musée. La première salle ouverte au public fut la salle baptisée Henri Coutheillas, l’ami de Teilliet auteur du médaillon de Corot inauguré en 1904, décédé prématuré-ment en 1926. Ces salles baptisées du nom d’un artiste célébré voisinaient avec les salles d’histoire naturelle. Un musée est un lieu d’apprentissa-ge et, sans doute, Teilliet avait en mé-moire la démarche