N° 45mars 2012Supplément à la« Nouvelle Abeille de Saint-Junien »n° 1078 du 31 mars 2012. Ne peut-être vendu séparément.Le Chercheur d’OrVisiteurROGER LANZAC est devenu célèbre, au début des années 1960, grâce au « Jeu des mille francs » qu’il animait chaque jour à la radio. A partir de 1965, sa voix grave et sa prestance font son succès dans la présentation de « La piste aux étoiles », la plus populaire des émissions de l’ORTF. A cette époque d’essor de la télévision, il devient une des grandes vedettes de ce qu’on n’appelle pas encore le PAF, le paysage audiovisuel français.Aussi, c’est avec les plus grands égards que l’animateur est accueilli à Saint-Junien et invité à visiter la ganterie Codet & Teilliet, une des maisons les plus renommées de la ville. Un reportage photographique de Raymond Picaud le suit à travers les ateliers où lui sont montrées les différentes étapes de la fabrication. Le voici, sur une de ces belles photos, assis au milieu des gantières, écoutant avec attention les explications de Jacques Costantini, le directeur de la maison Codet & Teilliet. Nous ignorons les circonstances exactes de la venue de Roger Lanzac à Saint-Junien. D’autres personnalités ont visité nos fabriques de gants, mais malheureusement sans laisser de souvenirs photographiques.F. B.■Roger Lanzac au cours de la visite de la ganterie Codet & Teilliet, vers 1965, cliché Raymond Picaud, collection particulière.DANS LES ANNÉES TRENTE, la publicité de la ganterie Codet & Teilliet met en avant l’ancienneté et la tradition de la maison: un écusson figurant des forces, ancêtres du ciseau du coupeur, évoque l’antique corporation des gantiers, et la mention Anno 1700 indique la date de fondation de la fabrique. Mais comment les dirigeants de Codet & Teilliet peuvent-ils se dire « gantiers depuis 1700 » ?Depuis 1925 et le décès de Jacques Teilliet (frère du peintre Jean Teilliet), la raison sociale de l’entreprise est devenue « Les successeurs de P. Codet & Teilliet »*.Les fondateurs en 1894, Pierre Codet et Jacques Teilliet, avaient racheté la ganterie de Albert Rougier-Labergerie. Celui-ci avait lui-même pris la suite de la maison L. Dumas et Quichaud que ses dirigeants, Lucien-Dumas et François Raymond, lui avaient cédée en 1877 pour se consacrer, avec le succès que l’on sait, à la mégisserie industrielle (L. Dumas & Raymond). Lucien-Dumas, quant à lui, avait succédé à son beau-père, Jean-Baptiste Quichaud, à la tête de l’entreprise familiale, en 1871. La fabrique de Jean-Baptiste Quichaud était l’héritière d’une longue lignée de maîtres gantiers dont le premier fut Pierre Quichaud, qui s’établit en 1698, deux ans après son mariage avec Marguerite Petit, fille d’un marchand-gantier. Voila comment la ganterie Codet & Teilliet, au bout de cette longue succession d’entreprises, pouvait revendiquer en 1930 plus de deux siècles d’existence.F. B.* Lionel Legrand n’entrera dans la société qu’en 1941.Généalogie d’entreprise■Détail d’une publicité (revue GANTERIE, 1947).de marque

Le Chercheur d’OrPage 2Dordet, passé et avenir? Les lecteurs des plus anciens numéros du Chercheur d’Or se souviennent peut-être de la chronique intitulée « De mou-lins en usines » que nous avions consacrée à l’histoire des sites industriels de la Glane et de la Vienne à Saint-Junien. L’actualité nous incite à reprendre cette chronique pour évoquer l’usine Dordet, devenue COFPA puis … Albany. Originaire de la Creuse, Emile Dordet arrive à Saint-Junien en 1878 et reprend peu après une fabrique de feutre installée dans l’un des anciens moulins des Seil-les, sur la Vienne (sans doute l’usine Chabanne et Giboin). L’industrie textile renaît alors à Saint-Junien en se spéciali-sant dans la fabrication des feutres pour papeterie, activité pour laquelle Emile Dordet dépose en août 1880 deux bre-vets d’invention. Son entreprise connaît une expansion régulière (12 ouvriers vers 1890), gênée cependant par l’exigüité du site des Seil-les; elle est en effet prise en tenaille en-tre la voie ferrée et la mégisserie Desse-las qui connaît une extension spectaculaire entre 1890 et 1900 (photo). Le haut bâtiment de pierre et la cheminée enco-re visibles de nos jours sont édifiés en 1912, à la suite d’un grand incendie qui a ravagé l’usine en juillet 1911 . Après la première guerre mondiale, Joseph Dordet, ingénieur de l’école centrale des arts et manufactures, succède à son père et modernise fortement l’entreprise. Avec plus de 150 ouvriers en 1940, elle devient une des toute premières en France dans son sec-teur. A partir de 1946, une troisième génération arrive aux affaires avec les trois fils de Jo-seph Dordet, Jean-Marie, Pierre et Jacques. L’entreprise investit régulièrement et se mo-dernise: ainsi, avec l’arrivée des fibres syn-thétiques (Nylon-Tergal), elle se dote d’un laboratoire de recherches chimiques et texti-les. En 1964, Dordet et Cie compte 250 em-ployés très qualifiés et possède un outillage performant. Mais c’est le temps de la concentration qui voit le fabricant de Saint-Junien fusion-ner avec trois feutriers charentais ( Régnier, Debouchaud et Weller) pour former la société COFPA (Compagnie des Feutres pour papete-rie). C’en est fini de l’entreprise familiale; la COFPA connaît alors trente années de bouleversements, ponctuées de crises et de rachats, marquées aussi par l’adaptation à de nouvelles productions et, en 2004, par la transplantation sur un nouveau site. Avec Desselas, Depland, Dumas-Raymond et tant d’autres, Dordet-COFPA s’inscrit dans un siècle et demi d’histoire industrielle à Saint-Junien, une histoire brillante faite de tradition et d’inventions, de pros-périté et de conflits, de fortunes et de misère. Un enracinement qui est a joué un certain rôle lors de la crise récente. Suffira-t-il à maintenir l’en-treprise sur notre territoire? FB Lettre à en-tête de la manufacture E. Dordet, 1889 (arch. communales de St-Junien) Vue d’ensemble du site industriel des Seilles en 1956. A gauche, la mégisserie Desselas, à droite et au fond l’usine Dordet. Photo Lapie, coll. BJ. Groupe d’ouvrières de l’usine Dordet, années soixante. (collection particulière) ORIGINAIREde la Creuse, Emile Dordet arrive à Saint-Junien en 1878 et reprend peu après une fabrique de feutre installée dans l’un des anciens moulins des Seilles, sur la Vienne (sans doute l’usine Chabanne et Giboin). L’industrie textile renaît alors à Saint-Junien en se spécialisant dans la fabrication des feutres pour papeterie, activité pour laquelle Emile Dordet dépose en août 1880 deux brevets d’invention.Son entreprise connaît une expansion régulière (12 ouvriers vers 1890), gênée cependant par l’exigüité du site des Seilles; elle est en effet prise en tenaille entre la voie ferrée et la mégisserie Desselas qui connaît une extension spectaculaire entre 1890 et 1900 (photo). Le haut bâtiment de pierre et la cheminée encore visibles de nos jours sont édifiés en 1912, à la suite d’un grand incendie qui a ravagé l’usine en juillet 1911 . Les lecteurs des plus anciens numéros du « Chercheur d’Or »se souviennent peut-être de la chronique intitulée « De moulins en usines » que nous avions consacrée à l’histoire des sites industriels de la Glane et de la Vienne à Saint-Junien. L’actualité nous incite à reprendre cette chronique pour évoquer l’usine Dordet, devenue COFPA puis… Albany.Après la première guerre mondiale, Joseph Dordet, ingénieur de l’école centrale des arts et manufactures, succède à son père et modernise fortement l’entreprise. Avec plus de 150 ouvriers en 1940, elle devient une des toute premières en France dans son secteur.A partir de 1946, une troisième génération arrive aux affaires avec les trois fils de Joseph Dordet, Jean-Marie, Pierre et Jacques. L’entreprise investit régulièrement et se modernise: ainsi, avec l’arrivée des fibres synthétiques (Nylon-Tergal), elle se dote d’un laboratoire de recherches chimiques et textiles. En 1964, Dordet et Cie compte 250 employés très qualifiés et possède un outillage performant.Mais c’est le temps de la concentration qui voit le fabricant de Saint-Junien fusionner avec trois feutriers charentais (Régnier, Debouchaud et Weller) pour former la société COFPA (Compagnie des Feutres pour papeterie). C’en est fini de l’entreprise familiale; la COFPA connaît alors trente années de bouleversements, ponctuées de crises et de rachats, marquées aussi par l’adaptation à de nouvelles productions et, en 2004, par la transplantation sur un nouveau site.Avec Desselas, Depland, Dumas-Raymond et tant d’autres, Dordet-COFPA s’inscrit dans un siècle et demi d’histoire industrielle à Saint-Junien, une histoire brillante faite de tradition et d’inventions, de prospérité et de conflits, de fortunes et de misère. Un enracinement qui a joué un certain rôle lors de la crise récente. Suffira-t-il à maintenir l’entreprise sur notre territoire?F. B.DORDETpassé et avenir ?■Lettre à en-tête de la manufacture E. Dordet, 1889 (arch. communales de Saint-Junien).■ Vue d’ensemble du site industriel des Seilles en 1956. A gauche, la mégisserie Desselas, à droite et au fond l’usine Dordet. Photo Lapie, coll. BJ.■ Groupe d’ouvrières de l’usine Dordet, années cinquante. (collection particulière)

N°45Page 3Un Saint-Juniaud héros du siège de Paris en 1871passé et avenir ?PIERRE-ANTOINE-JUSTINDEFFUAS est né à Saint-Junien le 8 août 1823. Il est le second d’une famille de 7 enfants nés de Joseph Deffuas, marchand cirier, puis ultérieurement directeur principal de la compagnie d’assurance contre l’incendie, et de dame Jeanne Forestier, tous deux demeurant place du marché. Cette famille aisée lui permet de faire quelques études puis de s’engager à 20 ans dans l’armée, où il franchira les grades successifs. C’est au 5e léger qu’il débute sa carrière militaire, mais il le quitte rapidement pour entrer au 2e Régiment étranger, basé à Sidi bel Abbès. Il effectue la plus grande partie de sa carrière en Algérie, puis il participe aux différents conflits du Second Empire en Europe. C’est d’abord en Crimée, au sein de la célèbre « Brigade étrangère » où il est lieutenant, qu’il participe à la bataille de l’Alma (20 septembre 1854). C’est ensuite le siège de Sébastopol, prémices de la guerre de tranchées, en janvier 1855. Le Souvenir* qui a consacré un article élogieux à P.-A.-J. Deffuas raconte cette anecdote : « Pendant le rude hiver 1854-1855, couché dans sa tente, dévoré par le fièvre, pouvant à peine parler, Deffuas avait refusé de laisser un autre officier prendre son tour de service, et quittait son lit pour aller à la tranchée ». On le retrouve ensuite pendant la campagne d’Italie. Il est à Magenta (4 juin 1859) et c’est au lendemain de la grande bataille de Solférino, qu’il est fait chevalier de la Légion d’honneur le 25 juin 1859.De retour de ces campagnes, il épouse à Paris XVIIe, en 1860, Luce Nathalie Fouquet, une jeune parisienne de 19 ans. Après ce mariage, il quitte la Légion étrangère pour une affectation au 1er régiment d’infanterie de ligne. Vient ensuite la guerre de 1870-1871 et le siège de Paris, ville où il demeure alors, 12, rue Dautencourt. Il est affecté comme capitaine au 124e Régiment d’Infanterie et participe à la bataille de Champigny en novembre et décembre 1870. Le 19 janvier 1871 ont lieu les derniers et violents combats de Buzenval où il fait preuve de grande bravoure, mais qui lui seront fatals. La notice publiée dans le Souvenir* raconte ainsi la fin de P.-A.-J. Deffuas : « On sait trop l’histoire de cette funeste journée. Comme tant d’autres, Deffuas paya de sa vie l’honneur d’avoir participé à ce dernier effort. Il tomba atteint d’un coup de feu à l’épaule droite. Les ambulances regorgeaient de blessés, dont l’évacuation se faisait avec une déplorable lenteur. Un parent du capitaine apprit que celui-ci avait été frappé et se mit à sa recherche. Après bien des courses infructueuses, il trouva le malheureux étendu sur de la paille, dans un sous-sol aux avant-postes. Transporté à l’hôpital, Deffuas y succomba le 6 février. Le 7, un décret du gouvernement de la Défense nationale l’élevait au grade d’officier de la Légion d’honneur. La croix fut déposée sur son lit de mort ; c’était pour un soldat la plus belle oraison funèbre. »C’est très vraisemblablement son frère qui est parti à sa recherche parmi les blessés. En effet, le 25 janvier 1871, un message expédié par pigeon voyageur de Saint-Junien à Paris, 8, rue Neuve des Martyrs (adresse de Théophile Deffuas), envoyé par Jeanne Forestier au nom de sa petite fille Nathalie, demande des nouvelles. Il est ainsi libellé : « tous santé continue parfaite – recevons lettres – dire à mère écrire – Nathalie ». En 1872, après l’achat d’une concession par son épouse, la dépouille de P.A.J. Deffuas sera restituée à la famille et transférée au cimetière de Montmartre à Paris. La croix d’officier sera remise à sa veuve le 28 mai 1872. Son diplôme de la Légion d’Honneur est toujours resté aux Archives Nationales. J.-C. F.* Souvenir consacré aux anciens élèves du lycée morts pendant la guerre de 1870-1871, Limoges, imprimerie Chatras, publication de l’Association des anciens élèves et des fonctionnaires du Lycée de Limoges.A Saint-Junien, la place de l’église porte depuis 1884 le nom de Théophile Deffuas, un bienfaiteur qui a légué sa fortune à sa ville natale au bénéfice des écoles et de l’hôpital. Mais on ignore sans doute que le frère aîné de ce Théophile est un héros de la défense de Paris pendant la guerre de 1870-1871.Pierre-Antoine-Justin(1823-1871)DEFFUAS■SÉPULTURE DEFFUAS – FOUQUET au cimetière de Montmartre. Sur la plaque au pied de la croix figure l’inscription : Pierre-Antoine-Justin DEFFUASCapitaine au 124e régiment de marcheOfficier de la légion d’honneurBlessé à Montretout le 19 janvier 1871Décédé le 6 février 1871, à l’âge de 47 ans.

■Menu illustré du dîner des excursionnistes à l’hôtel de France, le 1er juin 1886 (coll. AT). On reconnaît, autour de la collégiale, quelques maisons anciennes de la ville, le dolmen de Chez-Moutaud, le tombeau de saint Junien et au loin la silhouette de Saint-Amand.Réalisé en colaboration avec la Société des Vieilles PierresPour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienSociété des Vieilles PierresRédaction :18, Paul Eluard – 87200 SAINT JUNIENFrank BERNARD – David CHAPUT – Pierre EBERHARTThierry GRANET – Jean-René PASCAUD.• Imprimerie LAPREL – LIMOGES.Le Chercheur d’OrLe Chercheur d’Orest consultable en ligne à l’adresse : http://gantier.jimdo.com/La version papier est disponible aux archives municipales et à la médiathèque.N° ISSN 2117-8879Pour tout renseignement : Tél. 05 55 02 30 69 – Courriel : socvp@orange.frHommagemunicipal■Diplôme de conseiller municipal, 1925, 52 x 40 cm, coll. particulièreLe document que nous présentons ici est un diplôme décerné en 1925 à François Delage qui venait d’être élu conseiller municipal de Saint-Junien sur la liste de Joseph Lasvergnas. Ce dernier entamait son deuxième mandat avec une équipe quelque peu renouvelée, faisant ainsi entrer au conseil municipal des personnalités nouvelles. POUR marquer l’accession des plus humbles aux affaires de la commune, fonction qui était réservée jusque là aux notables, la municipalité Lasvergnas eut la volonté de distribuer des diplômes aux élus du peuple. François Delage habitait à Beaulieu et faisait l’unanimité de ses concitoyens quant à ses qualités humaines et son aptitude à se mettre au service d’autrui.Les premiers touristes à Saint-Junien furent, à la fin du XIXe siècle, les membres des sociétés savantes qui vinrent en excursion sur les bords de la Glane et de la Vienne. En 1886, 1890 et 1895, Saint-Junien accueille successivement les membres de la Société Gay-Lussac de Limoges, ceux du congrès national de l’APAS (Association pour l’avancement des sciences) et enfin ceux de la Société archéologique et historique du Limousin pour le congrès du cinquantenaire (photo parue dans le « Dossier du Chercheur d’Or n°2 », juin 2010, p. 25).Saint-Junien au menuLe 1er juin 1886, dès leur arrivée à la gare à 13 heures, les « aimables excursionnistes » s’engagent à pied dans un copieux programme proposant la visite des principaux sites naturels, historiques et économiques de la cité. Après la chapelle Notre-Dame, ces messieurs se rendent à la mégisserie du goth (guidés par Lucien Dumas, industriel et maire) puis à la scierie mécanique Labrousse et à Saint-Amand, chez madame Depland. Ils poursuivent par la vallée de la Glane, avec l’usine de sacs à papier Lanoaille Les allégories représentées sur ce document sont représentatives de la IIIe République triomphante. La guerre de 14-18 est toute proche, le mot PAX au centre de la composition le rappelle. Cette célébration de la paix est encadrée par les symboles de la force, de la loi et du pouvoir suprême du suffrage universel. Le tableau en arrière-plan, représentant une scène de labour, couronne le tout pour un avenir prometteur.Ces documents sont devenus rares, ils marquent pourtant, et c’est là leur intérêt, la haute considération qu’on se faisait des fonctions électives au service de la population.T. G.(Bas-Moulin), le Moulin-Brice et le chalet Corot. Pressés par l’orage qui « les force à quitter la campagne » ils rentrent à Saint-Junien pour visiter la collégiale et la ganterie Rigaud-Lavergne. A 18 heures, il est temps de passer à table à l’hôtel de France, pour un copieux repas (onze plats sans les desserts) dont le menu est présenté sur un carton joliment illustré (document). Le banquet s’achève par les discours, ponctués de toasts, du président de la société Gay-Lussac, du maire Lucien Dumas et du docteur de Font-Réaulx. A 20 heures tout le monde est sur le quai de la gare pour le retour vers Limoges.