N° 50Juillet 2013Le Chercheur d’OrSupplément à la « Nouvelle Abeille de Saint-Junien »n° 1138 du 6 juillet 2013. Ne peut-être vendu séparément.Au dos du calendrier, les arguments publicitaires peuvent nous surprendre : « qualité, fraîcheur et préparation irréprochables de tous les médicaments » ; pharmacie « la mieux approvisionnée, celle qui vend le meilleur marché » ; « supériorité reconnue de tous les produits ». Au premier rang de ceux-ci apparaît la célèbre et redoutable huile de foie de morue, disponible aussi en crème ou émulsion « aussi agréable que le lait ». Le pharmacien est Jules Ferraud, inventeur d’un « onguent de saint Junien » (voir Chercheur d’or n° 36), qui s’est installé au 23 de la rue Saler (rue Jean-Jacques-Rousseau) en 1895. Au début des années 1940, à plus de 70 ans, il est encore derrière son comptoir, preuve supplémentaire des vertus de ses médicaments.F. B. Bonne année et bonne santé !Au temps où ils préparaient encore certains remèdes, les pharmaciens pouvaient faire la publicité de leurs médicaments et de leur officine. Ainsi, en janvier 1901, la Pharmacie Moderne offre-t-elle à ses clients, en guise de réclame, un calendrier de poche en carton découpé, plié en trois et soigneusement décoré.Dans cet esprit, nous présentons ici une série de petites plaques de porcelaine. Elles sont la plupart du temps ovales, mais on trouve quelques exemplaires rectangulaires, similaires dans leurs dimensions (approximativement 10 cm sur 6). Elles constituaient la signature des constructeurs de monuments funéraires.Ainsi, en déambulant dans le cimetière, le visiteur attentif et curieux pourra remarquer que les caveaux érigés à partir des années 1910 sont tous « signés ». C’est l’époque où le ciment et le béton se sont généralisés, permettant ainsi la duplication de monuments stéréotypés que les clients pouvaient choisir sur catalogue. Grâce à ces petites plaques de Signatures de porcelaineLes 15 et 16 juin 2013 ont vu l’organisation des journées du patrimoine de pays, autrefois appelé « petit patrimoine ». Cette année, le thème était « le patrimoine rond » : meules, roues, moulin, oculus, œil de bœuf… étaient particulièrement à l’honneur. porcelaine fixées sur le devant du monument, le fabricant apposait sa signature et assurait aussi sa publicité. La plupart des noms qu’on relève sur ces plaques ont aujourd’hui disparu ; il s’agissait d’entrepreneurs locaux, des entreprises familiales implantées à Saint-Junien et dont certaines existaient encore il n’y a pas si longtemps.Ces témoignages de l’artisanat local sont en voie de disparition: collés sur le devant du monument, les intempéries ont peu à peu raison de leur scellement et on retrouve parfois à terre les témoins de ce fragile passé.T. G. 1901

Le Chercheur d’OrPage 2Cent cinquante soldats russes ont séjourné à Saint-Junien de novembre 1944 à août 1945. Les Saint-Juniauds de l’époque – époque troublée s’il en est – n’ont pas su qui étaient vraiment ces hommes parqués dans les baraquements de bois qui existaient alors près du Châtelard.des Russes au ChâtelardPour eux, c’était des « Russes blancs », par analogie avec les Russes partisans du Tsar exilés en France depuis la Révolution d’octobre 1917. La municipalité de Saint-Junien n’a pas éclairci leur situation en les présentant comme des soldats de l’Armée Rouge ; c’est à ce titre qu’elle les invite, en novembre 1944, à célébrer l’anniversaire de la Révolution d’octobre à la Bourse du Travail ! Ni blancs ni rouges, mais ballottés par les soubresauts de l’histoire, ces Russes ont connu un destin tragique.« L’unité russe du Châtelard » ne représente qu’une infime partie des soldats de l’Est présents en France en 1944, puisqu’on estime leur nombre à 100 000. Russes, mais aussi Ukrainiens, Géorgiens, Arméniens, Tatars ou Tchéchènes, ils ont été enrôlés, de force pour la plupart, dans la Wehrmacht. Très sévèrement encadrés par des officiers allemands, ils servent quelque temps sur le front russe, mais à partir de 1943 ils sont expédiés à l’ouest par Hitler qui doute de leur loyauté. Certains participent en France à des opérations de répression, souvent féroces, mais en 1944 la plupart cherchent à passer du côté de la Résistance et des Alliés. A la Libération, le gouvernement provisoire du général de Gaulle se retrouve avec des milliers de transfuges sur le territoire national. Aucun ne souhaite retourner en URSS, mais la raison d’Etat va prévaloir et la France les livre à Staline qui, malgré ses promesses, les fera disparaître dans ses goulags. Les informations sur la vie des Russes à Saint-Junien sont rares et il serait intéressant de recueillir des témoignages (nous faisons appel aux lecteurs du Chercheur d’Or). Le camp du Châtelard est placé sous l’autorité d’un officier soviétique attaché à la mission du rapatriement en URSS, le capitaine Philipp (sans doute un pseudonyme). La discipline y est extrêmement sévère, ce qui n’empêche pas de violentes bagarres entre Russes, souvent provoquées par l’alcool. L’un d’entre eux y laissera la vie. Des difficultés naissent aussi avec la population de Saint-Junien, au point que le maire, Martial Pascaud, doive un certain temps interdire les bals. Mais les relations entre Russes et Français ont pu prendre un tour plus amical, comme en atteste un match de football organisé le 27 mai 1945 entre le FC Saint-Brice et une « sélection militaire russe ». La photographie que nous publions ici en est une autre preuve. Enfin, Délivrance, le journal hebdomadaire qui a succédé à L’Abeille de Saint-Junien, annonce deux mariages entre officiers russes et jeunes saint-juniaudes en avril et juillet 1945.F. B.◆ 1945, soldats russes et jeunes filles de Saint-Junien en costumes folkloriques russes pour un spectacle de danse. (Collection particulière).Une tombe peu ordinaire vient de disparaître, en quelques coups de mini-pelle. Ah, me direz-vous, depuis des années elle était réputée à l’abandon. Toutes les démarches administratives avaient été engagées : la loi, c’est la loi ! De plus elle n’était pas dans le vieux cimetière, donc vulnérable et donc vouée à l’extermination perpétuelle.Pourtant, en mars 2009, Le Chercheur d’Or consacrait un article à cette tombe : tombe curieuse par sa conception et sa forme pyramidale, sculptée dans la pierre volcanique (dite pierre de Volvic), surmontée d’une urne particulièrement belle et originale. Cette tombe était celle de Pierre Taravant, décédé chez nous en 1876. Auvergnat d’origine, entrepreneur de travaux publics, il était l’un des constructeurs de la voie de chemin de fer entre Limoges et Angoulême. Cet homme, mort loin de chez lui, avait encore il y a quelques jours une place dans l’histoire de notre ville. Dommage !Le néant pour lui, une grande frustration pour nous ! Ainsi soit-il.J.-R. P.Pierres sans importance : peut-être pas !1944 :

N°50Page 3Si les cartes postales apparaissent en Allemagne dès 1869, en France il faut attendre la loi du 20 décembre 1872, et une mise en service le 15 janvier 1873, qui autorise ce genre de correspondance. Ces cartes, non illustrées et surtout à usage commercial, connaissent le succès. Quelques modifications interviennent par la suite. De cette règlementation relèvent les deux cartes présentées ici, munies de timbres du type Sage, émis dès 1876, le commerce et la paix s’unissant et régnant sur le monde. La première des cartes est partie de Dunkerque le mercredi 24 octobre 1877, à la 4e levée, selon le cachet à date.« Monsieur S. Déserces, à Saint-Junien. Faites-moi l’amitié de m’envoyer, de manière à ce que je le reçoive ici à Dunkerque samedi sans faute, 1 paire 3 boutons, paille, 7. Tout à vous. Rivoiron ». On aura traduit la commande d’une paire de gants à 3 boutons, de couleur paille, de la pointure 7.Le cachet d’arrivée à Saint-Junien, avec le numéro du département, alors 81, indique la 1re distribution du vendredi 26 octobre. L’affranchissement est de 15 centimes, « de bureau à bureau ». Il n’est pas certain que l’envoi soit parvenu à Dunkerque le lendemain. Petite correspondance commercialeGrâce à notre ami Jacques Déserces, l’identification du gantier saint-juniaud est facile. Il s’agit de Simon Philippe Déserces (27 août 1835 – 20 avril 1922), époux le 17 novembre 1857 d’Elisabeth Sainte-Croix Ripet (1838 – 1904).En 1877, Simon Déserces est fabricant de gants, rue Saler (Jean-Jacques Rousseau). Le ménage, avec quatre enfants, a recueilli le beau-père Jean-Baptiste Ripet (1814 – 1887), gantier lui aussi. Une servante, Jeanne Sansonnet, s’occupe de la maisonnée, voisine de celle du docteur Séverin Teilliet, dont un fils, Jean Cyprien (1870 – 1931) fera parler de lui.La seconde carte émane d’un courtier en marchandises de Limoges, Edmond Denjoy. Oblitérée à la 7e levée de la gare, le 11 juin 1878, elle est de la 1re distribution le jour suivant à Saint-Junien. Le timbre de 10 centimes correspond à « la circonscription du même bureau ».« Monsieur Granet, négociant à Saint-Junien. Je viens vous donner le cours des pétroles à livrer : pétrole raffiné, 52 ; pétrole rectifié : 54, pris à Bordeaux, livré d’ici mai 1879. Traitez, je vous y engage. A vous lire avec votre ordre. Traitez la bougie à 83, 89 et 96, droits en sus, selon qualité, franco à votre gare, livrable d’ici mars 1879. Votre dévoué Ed. Denjoy ».Pétrole et bougies constituent à cette époque une bonne part de l’éclairage des Saint-Juniauds, et notre épicier doit approvisionner au meilleur compte son magasin. Le tenancier est Jean Granet, né le 3 janvier 1828 à Rochechouart, décédé le 2 mars 1915, à Saint-Junien. Après son mariage avec Léonarde Andérodias (1838-1912), il s’établit dans la rue de la Voie-du-Pont, quartier bouleversé plus tard par l’ouverture de la place Julienne-Petit. Leur fils, Pierre Vital Granet (1858 – 1926), les aide, avant de se révéler historien et grand serviteur de Saint-Junien. Il avait épousé Jeanne Anne Marie Déserces (1860- 1918), fille du Simon Déserces évoqué ci-dessus. Cela rend ce courrier bien familial pour Vital Granet : une carte pour son beau-père, une carte pour son père.Ces cartes ne sont pas encore illustrées. Il faudra attendre le tout début du XXe siècle pour que la situation évolue, du moins à Saint-Junien. Mais c’est une autre histoire.P. E.

Publication de la Société des Vieilles PierresPour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienSociété des Vieilles PierresRédaction :18, Paul Eluard – 87200 SAINT JUNIENFrank BErNArd – david ChAPUT – Pierre EBErhArTJean-Claude Frolich – Thierry GrANET – Jean-rené PASCAUd.• Imprimerie LAPREL – LIMOGES.Le Chercheur d’OrLe Chercheur d’Orest consultable en ligne à l’adresse : http://gantier.jimdo.com/La version papier est disponible aux archives municipales et à la médiathèque de Saint-Junien N° ISSN 2117-8879Pour tout renseignement : Tél. 05 55 02 30 69 – Courriel : socvp@orange.frDramatique déraillement d’un train de militairespendant la débâcle de juin 1940 6 et 7 juin 1940 : la ligne de défense française sur la Somme et sur l’Aisne a été enfoncée. Le 107e RI d’Angoulême, composante de la 23e division d’infanterie bat en retraite. Dans ce régiment figurent bon nombre de Saint-Juniauds, entre autres l’écrivain Georges Gaudy, l’auteur de « La Ville rouge », alors capitaine de la 7e compagnie du 1er bataillon. Il décrira d’ailleurs cette retraite dans son ouvrage « Combats sans gloire ».Au cours de cette retraite qui prend souvent l’allure d’une débâcle, le régiment est dissocié. Le 3e bataillon est intégré au 41e RI en vue d’une contre-attaque sur Boran-sur-Oise puis se replie sur Villiers-sur-Marne avant de se diriger sur Ballancourt (sud de l’Essonne) où il va être embarqué par voie ferrée, direction Orléans et Vierzon. C’est au cours de ce transport que survient le déraillement meurtrier .Cela se passe le 15 juin. A 22 h 45, à 3 km au sud de La-Ferté-Saint-Aubin, le train tamponne un train chargé de munitions qui le précède et dont une partie prend feu. Pendant toute la nuit les hommes du bataillon dégagent les victimes (13 morts et 79 blessés) et récupèrent une partie du matériel.On distingue bien, sur la photo jointe, les plateformes sur lesquelles étaient allongés les soldats et qui se sont enchevêtrées les unes par-dessus les autres lors du tamponnement. Deux Saint-Juniauds alors âgés de 26 ans ont vécu ces événements tragiques et les ont racontés à leurs proches :- le soldat de 1re classe Pierre Gouteron(1914-1999), fabricant de meubles, qui figure sur cette photo (2e en partant de la gauche). Il s’en est tiré sans une égratignure et s’est toujours considéré comme un miraculé car son plus proche voisin de plateforme a été décapité. La photo de cet accident est restée durant toute son existence à proximité de sa vue, dans son bureau pendant sa vie professionnelle puis dans son salon après sa retraite.- le soldat sylvain Delavie (1914-1994), marchand de tissus, qui a déclaré en 1982 : « Notre train composé de wagons plateaux sur lesquels nous étions allongés, déraillait, et un grand nombre de nos camarades périrent broyés, hachés dans l’amas de ferraille. J’étais certainement sur le même wagon que Jean Barbier, puisque j’ai vu, moi aussi, l’ancien cycliste Decroix mourir coupé en deux. ».Tous deux se sont toujours étonnés du peu d’écho suscité par cette affaire, mais la discrétion habituelle au sein de l’armée en temps de guerre, alliée à cette période de débâcle, explique que les témoins n’avaient d’autres informations que ce qu’ils avaient vu et vécu eux-mêmes. Quant à la presse locale, elle a essentiellement porté son attention sur les violents bombardements de la ville de La-Ferté-Saint-Aubin et de la nationale 20 qui ont fait près de 150 morts ces deux mêmes jours parmi les habitants et les colonnes de réfugiés