N° 63septembre 2016Le Chercheur d’OrSupplément à « La Nouvelle Abeille de Saint-Junien »n° 12?? du vendredi ??? 2016. Ne peut être vendu séparément.Une sainte des ostensions, Jeanne d’ArcInutile de voir le reflet d’un culte local dans la présence de Jeanne d’Arc au cortège des ostensions septennales de Saint-Junien.Les épisodes ainsi rappelés de la courte vie de l’héroïne nationale (1412 – 1431) ne visent qu’à l’évoquer parmi les saints et saintes de France.Déclarant Jeanne vénérable en 1894, le pape Léon XIII ouvre la voie à la béatification (1909) et à la canonisation (1920). Conséquence probable de la première décision, au cortège du 13 juin 1897, Jeanne Blanchard, 14 ans, incarne Jeanne à pied.En 1904, Jeanne est connue bergère et guerrière, toujours à pied. Même double représentation en 1911, mais la bergère est accompagnée de ses voix, sainte Catherine, sainte Marguerite et saint Michel. Et la guerrière marche avec ses pages et un porte-étendard. De 1918 à 1960, toujours cette dualité, avec parfois l’adjonction d’un véritable mouton. En 1967, bergère et mouton sont encore là, mais la guerrière monte un cheval, escortée par des hommes d’armes. S’y ajoute une charrette menant Jeanne au bûcher.Un changement intervient en 2009. La bergère disparaît, et la guerrière se transforme en Jeanne d’Arc à cheval avec ses compagnons allant à la rencontre du roi à Chinon. C’est ce qui a été maintenu le 26 juin 2016, constituant un ensemble important dans le cortège. Quelques précisions s’imposent. Jeanne d’Arc n’a jamais été bergère. Tout au plus a-t-elle, à l’occasion, gardé le troupeau de son père. Quand elle se rend de Vaucouleurs à Chinon, avant la fin de février 1429, elle ne porte encore ni armure ni étendard, et son escorte se réduit à deux hommes d’armes, un messager et des serviteurs.S’il est admis que Jeanne était brune, sur la fin de son procès, on lui avait rasé la tête. C’est bien abusivement que les fagots voisinent avec elle dans la charrette qui la conduit au bûcher. Parmi les nombreux soldats anglais qui entourent le convoi, un seul religieux français, frère Martin Ladvenu, qui assistera Jeanne dans les derniers instants.Ces détails comptent peu face à la fidélité manifestée par Saint-Junien envers Jeanne d’Arc, laquelle ne doit figurer dans aucun autre cortège des ostensions de la région.On a voulu, semble-t-il, rattacher à notre ville le dominicain Séguin de Séguin, doyen de la faculté de théologie à l’université de Poitiers. Dans cette ville, en mars 1429, il appartient au petit groupe, chargé par le roi Charles VII, de questionner Jeanne. A cet examen, qui se révèle favorable, participe aussi Pierre de Versailles, qui, abbé de Saint-Martial de Limoges, à la fin de cette année 1429, mourra évêque de Meaux en 1446.Le frère Séguin dépose en mai 1456 au procès qui vise à prononcer la nullité de la condamnation de Jeanne d’Arc. Agé alors de 70 ans, il rapporte ses souvenirs de l’examen de Poitiers. Il rappelle avoir interrogé la jeune fille sur le langage que parlaient ses voix. On a retenu la réponse, teintée d’ironie : C’était un langage meilleur que le vôtre ! Pauvre frère Séguin, qui devait utiliser le dialecte limousin, ou s’exprimer avec un certain accent !Est-ce suffisant pour attribuer une origine saint-juniaude à Séguin de Séguin ? Même s’il existe sur la commune un lieu-dit Les Séguines, soit propriété d’une famille Séguin ? Le doute est permis, le rêve aussi.Pierre EberhartJeanne d’Arc guerrière, 1967, photo P. Eberhart.Vers le bûcher, 1974, photo D. Morand.

Le Chercheur d’Or2 Le chercheur d’Or • N° 63 Iseptembre 2016Plaques commémoratives de la collégiale de Saint-JunienQui sont-ils, que sait-on d’eux ? 11. Edmond Descubes, capitaine au 63e RI Ils sont deux Descubes à figurer sur les plaques de la collégiale : Jean Descubes, caporal au 107e RI, né le 8 février 1891 à Saint-Junien, tué à Beaumont–en-Argonne dans les Ardennes le 28 août 1914 et Pierre Descubes, soldat au 338e RI, né à Saint-Martin-de-Jussac et tué le même jour, 28 août 1914, au Transloy. MAis nous avons choisi cette fois d’évoquer la mémoire d’un troisième Descubes, Edmond, capitaine au 63e RI, dont le nom ne figure pas sur les plaques, mais dont la tombe est bien visible dans le vieux cimetière de Saint-Junien. Promis à un bel avenir, sa carrière s’est malheureusement arrêtée à 29 ans.Descubes Edmond Jean François Clément naît le 13 octobre 1887 à Saint-Junien. Ses parents Jean Descubes et Marie Clémentine Duprat sont tous deux instituteurs, le père aux Allois commune de La Geneytouse et la mère à Eyjeaux, commune limitrophe. Comme il est de coutume, Marie Duprat vient accoucher chez sa mère demeurant faubourg Notre-Dame à Saint-Junien.Ce garçon intelligent, fils et petit fils d’instituteurs, fait de très bonnes études à Limoges. Il est encore étudiant lorsqu’il est appelé au service militaire. Sa fiche matricule le mentionne niveau d’instruction 5, c’est-à-dire le plus haut pour l’armée. Ce grand gaillard d’un mètre soixante douze réside à Eyjeaux lorsqu’il est appelé au service à la fin de son sursis à 23 ans. Il est alors incorporé au 126e RI à Brive-la-Gaillarde, où il est nommé caporal en mai 1911. En mars 1912, il est affecté comme sous-lieutenant de réserve au 63e RI de Limoges, régiment avec lequel il participe aux grandes manœuvres en Haute-Vienne et Creuse, du 6 au 15 septembre 1912.Son retour à la vie civile, dont il profite pour se marier, sera de courte durée. « Le jeune et brillant professeur d’Université » est rappelé en activité dans son régiment à la déclaration de guerre. En août 1914, il Le cimetière de Cappy avant le transfert des corps.est affecté à la 7e compagnie du 2e bataillon, commandant la 4e section. On va retrouver plusieurs fois son nom dans le JMO (Journal de Marches et Opérations) du 63e RI. D’abord le 4 septembre 1914, pendant la retraite où il conduit près de Saint-Jean-sur-Moivre une reconnaissance d’officiers, accueillie à coups de fusils et obligée de se replier, mais qui permettra au bataillon de bloquer l’avance de l’ennemi. Ensuite en avril 1915 à Régniéville où le 63e va livrer un de ses plus sanglants combats. Le JMO indique pour la journée du 5 avril 1915 : à 19 h 10, la 7e compagnie conduite par le sous-lieutenant Descubes franchit les barbelés et s’empare de la tranchée, faisant 24 prisonniers n’ayant pas eu le temps de s’enfuir… Puis un peu plus loin « sur le glacis de 300 m qui sépare la ligne française des tranchées allemandes s’échelonnent des morts, des blessés et quelques vivants dont les sous-lieutenants Meynieux, Salmon et Descubes, Cdt les 5e, 6e ,7e Cies… ». A l’issue de ces combats, le sous-lieutenant Descubes reste le seul officier de sa compagnie. Il est cité à l’ordre de la 23e Division, n°9 du 23 avril 1915 : « A fait preuve en maintes circonstances de courage et de décision, le 5 avril restant seul officier de sa compagnie, l’a entraînée à l’assaut des tranchées allemandes avec une rare intrépidité ». Il est nommé lieutenant en mai 1915, puis capitaine le 11 octobre. Le 3 septembre 1916, dans le secteur de Troyon-Vendresse où le 63e tient les premières lignes de tranchées, il est légèrement blessé pendant la relève par des éclats de petites bombes. Cependant le 20 décembre 1916 à Biaches dans la Somme, il aura moins de chance. Il est écrit dans le JMO : « Au début de l’après-midi pendant un bombardement de la tranchée d’Iglan, le capitaine Descubes Cdt de la 7e compagnie est tué par un éclat d’obus ». Il est alors enterré dans le petit cimetière de l’ambulance de Cappy. Ce n’est que le 10 janvier 1922 que le corps d’Edmond Jean Descubes, chevalier de la Légion d’honneur et titulaire de la Croix de guerre, reviendra en Limousin. L’Abeille du 14 janvier 1922 consacre un grand article à ce retour à Saint-Junien, où sa famille et ses amis l’attendent. « …La réunion eut lieu à l’arrêt du tramway, à Chantemerle, à huit heures et demie. Les parents puis un cortège attentif marchaient à la suite du char tenu par M. Limousin, M. Camille Ménieux, M. Léon Raynaud, M. Vergnaud instituteur… ». Son inhumation au cimetière fait l’objet d’un discours élogieux du lieutenant-colonel Dewatre, ancien commandant du 2e bataillon du 63e RI. Il est inhumé dans la tombe de ses grands-parents où sa mère le rejoindra un mois plus tard.Jean-Claude Frölich Edmond Descubes.

N°63Le chercheur d’Or • N° 63 I septembre 2016 3Les frères Laurent,menuisiers et inventeursDans la famille Laurent, trois générations de menuisiers se sont succédé : François 1795-1867 (sacristain et menuisier), Joseph 1823-1905 et Anatole 1857-1895.QuAnd ce dernier meurt, les maigres revenus de couturière ne suffisent pas à sa veuve, Julie Chaume, pour élever ses quatre enfants : Emile 13 ans, Léon 12 ans, Gabrielle 6 ans et André 3 ans. Alors il n’est pas question pour les plus âgés de rester sur les bancs de l’école. Emile et Léon qui ont déjà mis « la main à la pâte » dans l’atelier paternel situé faubourg Notre-Dame, succèdent à leur père, avec l’aide de leur grand-père Joseph. Ce sera la 4e génération de menuisiers.Très entreprenants, ils se spécialisent dans le tournage sur bois pour la fabrication de moyeux de charrettes, de balustres et de pilastres. Léon a la tête pleine d’idées pour améliorer et faciliter le travail. Il imagine un appareil pour avoyer les lames de scie (pour que le trait de la scie soit plus large que le corps de la lame). En 1910 il dépose un brevet pour une machine qu’il décrit ainsi : « L’appareil a pour objet de permettre l’arrondissage régulier, sans fatigue et sans danger, des pièces de bois à la scie mécanique ». Il dépose plusieurs brevets à l’étranger et entretient une correspondance avec un cabinet d’ingénieurs. Mais la Grande Guerre éclate et toutes les activités de l’entreprise sont mises entre parenthèses.Dès 1919, Emile et Léon se remettent à l’ouvrage, avec l’aide d’André qui est venu rejoindre ses frères. Un nouvel atelier est construit chemin du Goth. Les affaires prospèrent puisque les revenus de 9.254 F en 1919 passent à 13.540 F en 1920, puis 29.860 F en 1925 et 53.902 F en 1927… Léon, toujours créatif, travaille sur une machine à affûter les scies. Un premier modèle est mis au point, dont il dépose le brevet en 1929. Après plusieurs améliorations, un second brevet est demandé en 1930 : « la présente invention a pour objet l’affûtage des scies à la meule artificielle. Elle se caractérise par l’emploi de cames au gabarit reproducteur du dessus de la dent à reproduire. » Cette nouvelle machine a l’avantage d’affûter toutes formes de dentures, il suffit de changer de came.Il veut maintenant commercialiser son invention. Il persuade alors son cousin Henri Dumont, mécanicien aux Ets Dordet, de s’installer à son compte. Les affûteuses KYVA seront donc construites dans l’atelier de mécanique rue Laveyssière ! Pour la faire connaître il publie des articles dans plusieurs revues professionnelles, la présente à la foire exposition de Limoges, puis de Tulle, et la laisse en démonstration dans les scieries. Sa meilleure publicité est la simplicité de fonctionnement et la fiabilité de l’affûteuse : « garantie de reprise dans le délai d’un mois si la machine ne donne pas satisfaction ». Un représentant en assure la commercialisation et un certain nombre d’exemplaires est vendu dans la région au prix de 3 200 F.Les demandes de renseignements sont maintenant nombreuses, mais proviennent de régions de plus en plus éloignées, il est donc plus difficile de présenter le matériel et d’en faire la démonstration. Léon Laurent cherche donc à vendre son brevet. Il adresse plusieurs courriers en ce sens à MM. Guérin-frères à Paris, M. Bettinger en Angleterre ou M. Speller à Chamalieres à qui il écrit : « …je n’ai pas l’intention d’exploiter mon brevet d’une façon générale. Je me contenterai de quelques départements limitrophes. J’attends d’avoir, à l’appui du brevet français, les brevets allemand et américain pour essayer de le négocier. Si cette affaire était de nature à vous intéresser… je suis à votre disposition pour envisager le mode de cession d’une licence… ».En 1937 Léon Laurent participe au concours Lépine, et si MM. Henry et Compain en sont les lauréats pour la présentation d’un cœur artificiel et d’un poumon d’acier, son invention est très remarquée et reçoit un bon accueil. Il meurt en 1941 et laisse le souvenir d’un autodidacte ingénieux et dynamique. Emile et André continueront à faire du tournage sur bois avec un apprenti, M. Boyer, qui plus tard leur succédera. Près d’un siècle s’est écoulé et plusieurs affûteuses KYVA fonctionnent encore. Il en est une en particulier, conservée précieusement à Saint-Junien par M. Dussouchaud, restaurateur de meubles, dont il est très fier.Jean Mazaud Maquette d’affûteuse de scies, inventée par Léon Laurent, concours Lépine 1937.L’atelier de menuiserie, chemin du Goth.Léon Laurent

Le supplément « Le Chercheur d’Or » est consultable en ligne à l’adresse : http://gantier.jimdo.com/La version papier est disponible gratuitement aux archives municipales, à la médiathèque de Saint-Junien et à l’office du tourisme.Pour tout renseignement : 05 55 02 30 69 – Courriel : socvp@orange.frEDITIONS L’ABEILLE B.I.P. SASdépôt légal à parution • ISSN 3441-4101 K • ArrONdISSeMeNT de rOchechOuArT. Autorisé pour l’arrondissement judiciaire à publier les annonces judiciaires et légales en matière de procédure civile et de commerce, ainsi que les actes des sociétés. No cPPAP 0615 I 87943 Tirage : 4.000 ex. Abonnement 2016 : 45  • Prix du No 1,20 Directeur de Publication : François BuSSAc • Rédactrice en chef : Anne chATeNeT • Rédactrice : LouisecArPeNTIer • Rédaction « Le Chercheur d’Or » : Franck Bernard et Société des Vieilles Pierres.Conception graphique : Studio four cat’S : Sébastien cATILLON. Impression :rOTO centre • 45770 SArAN/Graphicolor • 87000 LIMOGeS.Comment adresser ses vœux !60 pages, illustrations en couleurs En vente à la Maison de la presse, rue Lucien-DumasLuCien MiCheLAud, porcelainier à La Fabrique, créa cet élégant encrier « japonais » réalisé en son usine et l’adressa à madame Granet-Nadaud, dame employée des Postes et Télégraphes, après la guerre de 1914.Quelle charmante façon de souhaiter une bonne année ! Françoise Romain.JoAChiM MurAt, onzième fils d’un aubergiste du Quercy devenu maréchal d’Empire, en est le plus bel exemple.Saint-Junien a vu naître en 1771 un de ces soldats de l’épopée napoléonienne, promis aux honneurs sinon à la gloire. Jacques Philippe Vigier, enrôlé dès 1791, parcourt l’Europe durant plus de vingt ans sous les drapeaux de la République puis de l’Empire. Il se distingue par sa bravoure en Hollande (1793), en Poméranie (siège de Stralsund en 1807), en Espagne (1810) et il est plusieurs fois blessé sur les champs de bataille. Il sera décoré de la Légion d’honneur en 1810, mais son penchant pour la bouteille gêne son avancement et il ne dépassera pas le grade de chef de bataillon, obtenu en 1801. On imagine donc un de ces baroudeurs dévoués corps et âme à l’empereur, plus porté à l’aventure militaire qu’à la littérature. Cependant, un document conservé à la BFM de Limoges nous révèle que Jacques Philippe Vigier était un homme cultivé maniant la plume avec aisance. Il nous a laissé en effet un ouvrage qui relate avec talent la campagne menée en 1807 en Poméranie par le Maréchal Brune (voir illustration). Curieusement, le livre est signé : « par le chevalier Vigier, de Saint-Junien ». C’est probablement à son titre de chevalier de la Légion d’honneur que Vigier a voulu ainsi faire référence.Frank Bernard