N° 66août 2017Le Chercheur d’OrSUPPLÉMENT À« La Nouvelle Abeille de Saint-Junien »n° 1325 du jeudi 24 août 2017. Ne peut être vendu séparément.Roger Faré,le gant de Saint-Junien aux Etats-Unis Saint-Junien dans les colonnes du New-York Times ! Le 30 octobre 1966, le célèbre quotidien new-yorkais publie en pleine page une publicité de Saks, un des plus grands magasins de luxe de la Cinquième avenue, qui met à l’honneur Le Gant Roger Faré. The New York Times, 30 octobre 1966, p.31 .Dallas, 8 septembre 1952, diplôme de l’oscar de la mode, remis à Roger Faré par les dirigeants de la Maison Neiman-Marcus. (collection particulière). ORles gants Roger Faré sont fabriqués à Saint-Junien, ce que ne manque pas de signaler la publicité du Times : « Roger Faré’s, unique place in the art of glovemaking began at Saint. Junien, near Limoges… ». Roger Faré (1908-1969) n’est pas Saint-Juniaud, mais c’est dans notre cité qu’il se lance dans la ganterie, à partir de 1938. Très lié au monde du luxe et de la haute couture parisienne, il dessine des modèles d’exception qui lui vaudront de devenir le fournisseur exclusif de la Maison Hermès de 1945 à 1970. Mais c’est aux Etats-Unis, pays qu’il connaît bien, qu’il trouve le principal marché pour ses gants de luxe. Chaque année, une tournée commerciale le conduit, de New-York à Chicago ou Dallas, dans les grandes enseignes telles que Saks ou Neiman-Marcus. Il y remporte plusieurs récompenses et la presse ne tarit pas d’éloge sur lui : « the incomparable Roger Faré », « our exclusive gantier extraordinaire », « the master of french glove-making ». Grâce à Roger Faré, mais aussi à Lionel Le Grand (Maison Codet & Teilliet), les années 1950 et 1960 sont la période la plus brillante de la ganterie de Saint-Junien. Elle fabrique des gants magnifiques, fournit le Vatican et les têtes couronnées, exporte aux Etats-Unis. La crise du dollar mettra brutalement fin à cette prospérité, à partir de 1970. Frank Bernard

Le Chercheur d’Or2 LE CHERCHEUR D’OR • N° 66 Iseptembre 2017Glane, village immuableLE tableau que nous présentons ici est une aquarelle de Jean Teilliet, datée du 8 janvier 1890 et signée en bas à droite. Conservée dans une collection privée, elle est intéressante car elle constitue un document historique. Cette petite œuvre (30 x 21 cm) est parfaitement exécutée ; Teilliet n’a pas vingt ans lorsqu’il la réalise et il s’affirme comme un paysagiste sûr, maitrisant parfaitement la technique. On remarque immédiatement que rien ou presque n’a changé à cet endroit, on reconnaît au premier coup d’oeil le village de Glane et on situe parfaitement l’endroit où Teilliet a posé son chevalet. Le village de Glane, si pittoresque, est toujours un « îlot » préservé des grandes transformations urbaines. C’est tant mieux et il nous faut souhaiter qu’une telle vue puisse être réalisée pareillement dans cent ans, même si elle doit être exécutée sans le talent de Jean Teilliet. Thierry GranetGlane, 8 janvier 1890,aquarelle sur carton signée Jean Teilliet. Trésors gâchés La conférence organisée par La Société des Vieilles le 26 juin dernier a révélé la diversité des éléments du Moyen Âge conservés sur les façades des maisons de Saint-Junien.ARCATURES simples ou multiples, baies à colonnettes et chapiteaux, corniches et modillons permettent de restituer un décor urbain médiéval de grande qualité. Pierre Eberhart en a dressé le répertoire et Pierre Garrigou Grandchamp en a fait l’étude, pour la période XIIe-XVe siècles, dans le numéro 9 de nos Dossiers du Chercheur d’Or (voir annonce ci-dessous). Par malheur, certains de ces décors sont encore négligés, par méconnaissance ou désintérêt. La photo ci-contre en montre un triste exemple avec cette façade encombrée d’un écheveau anarchique de câbles, qui défigure une belle corniche à modillons. Frank Bernard Détail d’une façade, place Deffuas Saint-Junien (© photo JM)Par Pierre Garrigou Grandchamp et Pierre Eberhart 64 pages, 80 illustrations En vente à La maison de la Presse, rue Lucien-Dumas, 12 € « Les Dossiers du Chercheur d’Or » n° 9, juin 2017Architecture civile à Saint-Junien XIIe-XVIIIesiècles

N°66LE CHERCHEUR D’OR • N° 66 I septembre 2017 3Un notaire,maire de Saint-Junien, Joseph Thomassin (1809-1887)UNprécédent article a permis d’évoquer Léonard Thomassin (1779-1855), notaire à Saint-Junien (1806 à 1840), époux de Marie-Anne Labarre (1781-1822).Des trois enfants du couple, l’aîné nous intéresse aujourd’hui, Joseph Léonard Marie, né le 17 avril 1809, rue du Pont-Levis. Encore bien jeune, mais ce n’est pas exceptionnel, il est admis chez les pénitents bleus, le 26 mars 1820. Cette adhésion n’a pas dû générer beaucoup d’activités, d’ailleurs la confrérie cesse d’exister en 1850. Le 14 février 1840, une ordonnance du roi Louis-Philippe nomme Joseph Thomassin notaire à Saint-Junien. Il succède tout naturellement à son père qui a démissionné en sa faveur. Rappelons que l’étude occupait une partie de l’actuelle Maison Bleue, 13, rue Lucien-Dumas. L’année 1840 voit aussi le « profane » Joseph Thomassin solliciter son initiation à la loge de Limoges Les Artistes Réunis. Cette appartenance maçonnique précède ou oriente un engagement politique lors de la révolution de 1848, qui instaure la Seconde République. Les troubles aux élections d’avril pour l’Assemblée nationale constituante provoquent « l’affaire de Limoges ». Pour en connaître les résultats, Joseph Thomassin se rend sur place quelques jours plus tard. C’est pourquoi il témoigne au procès qui s’ouvre en 1849 devant la Cour d’assises de la Vienne. Alors que ses dépositions sont mises en doute, un accusé le défend : « Cet homme-là… c’est l’honneur même ! ». A Saint-Junien, Joseph Thomassin se manifeste en 1851 à l’anniversaire du 24 février 1848. Son arrestation, annoncée par la presse locale, ne semble avoir été qu’une rumeur. Le coup d’état du 2 décembre 1851 ne le laisse pas indifférent. Cette fois, son arrestation est bien réelle, suivie d’un internement à Coutances. Gracié le 18 décembre 1852, il paraît réserver son action pour Saint-Junien, où il entre au conseil municipal en juillet 1855. Jusqu’au 14 août 1870, Joseph Thomassin est régulièrement réélu. Le 5 septembre de cette année, alors que le second Empire vient de s’effondrer, il ne rejoint pas ceux qui, « réunis et acclamés par le peuple de Saint-Junien, rassemblés en comice », obligent Junien Rigaud à céder sa place de maire à Louis Codet. De nouveau élu conseiller municipal en 1874, Joseph Thomassin est nommé maire provisoire par un arrêté du préfet de la Haute-Vienne, le 14 mars 1876. Son poste est rendu définitif le 14 mai, par un décret du maréchal de Mac-Mahon, président de la République. C’est pourtant envers celui-ci que Joseph Thomassin tient des « propos outrageants », si bien qu’il est révoqué le 15 août 1877. L’affaire ne doit pas être très grave car il est remis en selle par Mac-Mahon, le 30 décembre. Décidément sans rancune, le maréchal le confirme encore dans sa place de maire le 15 février 1878. Une dernière nomination par le pouvoir central a lieu le 30 janvier 1881. Ensuite, maires et adjoints sont élus par les conseillers, selon la procédure actuelle. C’est ce qui se produit le 3 mai 1882. Deux ans plus tard, Joseph Thomassin ne se représente pas. Le 18 mai 1884, son adjoint Lucien Dumas le remplace. Déjà, en 1878, le notaire avait cédé son étude à Albert Chazaud des Granges. Pour peu de temps, car elle est supprimée par un décret présidentiel du 7 octobre 1882. L’action de Joseph Thomassin, pendant ses huit années de mandat, loin d’être négligeable, touche de nombreux domaines :enseignement, halle aux grains, usine à gaz, cimetière, voirie, sapeurs-pompiers … Et plusieurs de ses projets aboutiront après son départ. Joseph Thomassin avait épousé Marie Ezilda de Saint-Garreau, née en 1822 à Brigueuil, décédée le 26 mars 1878 à Saint-Junien. Le couple a eu deux enfants : Léonard Marie Joseph Léo (17 août 1843), plus tard avocat à la Cour d’appel de Paris, et Marie Joséphine Florence Elmonde (11 mars 1848), unie le 18 septembre 1871 à Marie Jean-Paul Emile Brolly, propriétaire à Ruffec, où le ménage s’établit. Les dernières années de Joseph Thomassin se passent dans la solitude. Il est veuf et ses enfants l’ont quitté. Il s’éteint rue du Pont-Levis le 7 août 1887. Aux obsèques, le 10 août, le maire Lucien Dumas rappelle les idées libérales de son prédécesseur et son action après le coup d’état de 1851. Concession perpétuelle n°433, la sépulture de Joseph Thomassin et de son épouse existe toujours au cimetière, mais dans un bien triste état. Et le sinistre piquet qui la jouxte annonce une disparition prochaine, celle de la tombe du premier maire vraiment républicain de Saint-Junien.Pierre Eberhart Sépulture de la famille Thomassin, cimetière de Saint-Junien, 2017, photo F. B.

LE CHERCHEUR D’ORPublication de la Société des Vieilles PierresPour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienSociété des Vieilles Pierres : 18, rue Paul-Elluard • 87200 SAINT JUNIENLe supplément « Le Chercheur d’Or » est consultable en ligne à l’adresse : www.gantier.jimdo.comLa version papier est disponible gratuitement aux archives municipales, à la médiathèque de Saint-Junien et à l’office du tourisme.N°ISSN 2117-8879 Pour tout renseignement : 05 55 02 30 69 – Courriel : socvp@orange.frEDITIONS L’ABEILLE B.I.P. SASDépôt légal à parution • ISSN 3441-4101 K • ARRONDISSEMENT DE ROCHECHOUART. Autorisé pour l’arrondissement judiciaire à publier les annonces judiciaires et légales en matière de procédure civile et de commerce, ainsi que les actes des sociétés. No CPPAP 0615 I 87943 • Tirage : 4.000 ex. Abonnement 2017 : 45 € • Prix du No 1,20 €Directeur de Publication :François BUSSAC • Rédactrice en chef : Louise CARPENTIER • Rédaction « Le Chercheur d’Or » : Franck Bernard et Société des Vieilles Pierres.Conception graphique : Studio four cat’S : Sébastien CATILLON. Impression : SAXOPRINT.DES SAINT-JUNIAUDS MÉCONNUSLouis Rorice Rigaud est né le 21 octobre 1887 à Saint-Junien, fils de Junien Rorice Rigaud, fabricant de gants, et de Catherine Fornel de Lalaurencie, sans profession, domiciliés faubourg Saler.ILest le petit-fils de Junien Rigaud qui a relancé la ganterie saint-juniaude, avec ses frères Rorice et Amand, en fondant des magasins de gants en France. D’ailleurs ses parents quittent Saint-Junien en 1893, pour Béziers où ils ouvrent un magasin qu’ils tiennent jusqu’en 1898. Ils vivent ensuite à Paris à partir de 1902. En ce qui concerne Louis Rorice, le métier de gantier ne semble guère l’attirer : il fait des études et devient ingénieur. Il embarque à Barcelone (Espagne), sur le « Reina-Victoria-Eugénia » pour arriver à Buenos-Aires (Argentine) le 21 janvier 1926 ; il est célibataire. En 1936, deux industriels de Buenos-Aires, Arturo Ballester, et Eugénio Molina, co-directeurs de l’entreprise Hispano-Suiza qui fabrique des moteurs et des pièces de rechange automobiles, mais aussi des camions et des tracteurs, souhaitent étendre leur production. Ils souhaitent un débouché dans le domaine de l’armement ; une demande de l’armée pour la fabrication d’un pistolet leur permet de trouver ce marché. Carlos Ballester et Rorice Rigaud, les deux ingénieurs maison mettent au point un pistolet calibre 45 :le « Ballester-Rigaud ».Cette arme sera produite sous cette signature en petite quantité de 1938 à 1940. En 1940, après de nombreuses modifications pour en diminuer le coût de production, le pistolet est rebaptisé « Ballester-Molina ». Rigaud semble avoir été évincé pour la réalisation définitive de l’arme. Mais peut-être ne travaillait-il plus dans cette usine. L’Europe est en guerre et la pénurie d’acier pose un problème pour sa fabrication, d’autant plus que les Etats-Unis ne sont pas décidés à vendre leur acier, essentiel pour leur économie. C’est la conclusion d’un marché avec les Anglais qui va débloquer la situation et mettre en production cette arme. En effet, la société argentine s’engage à fournir son arme dans la proportion de deux pistolets pour les Anglais contre un pour l’armée argentine. Le gouvernement britannique en a acheté environ 10 000. Une grande partie a alimenté la Résistance en France pendant la deuxième guerre mondiale. Ces armes ont été en dotation en Argentine, dans l’armée, les douanes, la police et la gendarmerie. La production de cette arme s’est terminée en 1953. Elle a progressivement été retirée et remplacée dans les années 60. Ironie du sort, les derniers pistolets modèle « Ballester-Molina » ont servi dans les années 80, pendant la guerre des Falklands opposant l’Angleterre et l’Argentine. Le reste des stocks a été vendu comme surplus sur le marché américain. Jean-René PascaudPISTOLA AUTOMATICA BALLESTER-RIGAUD CAL.45 FABRICADA POR H.A.F.D.A.S.A. BUENOS AIRES INDUSTRIA ARG