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N° 69mars 2018Le Chercheur d’OrSUPPLÉMENT À« La Nouvelle Abeille de Saint-Junien »n°1355 du jeudi 29 mars 2018. Ne peut être vendu séparément.Une fête agricoleau XIXe siècle à Saint-JunienA l’orée du siècle nouveau quand la Belle Époque pointait, Saint-Junien organisait le dernier comice agricole du siècle, le 8 septembre 1899.Publication de la Société des Vieilles Pierres pour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienLES comices agricoles se sont développés partout en France à partir de 1830, à l’époque où fleurirent dans quasiment chaque département les Sociétés Agricoles. Le mouvement s’accéléra dans la seconde moitié du siècle. Il s’agissait de célébrer les savoir-faire de nos campagnes et l’excellence de la production aidée par la mécanisation naissante des débuts de la révolution industrielle. C’est toujours avec une grande fierté que les paysans prirent l’habitude de conduire veaux, vaches et cochons au chef-lieu de canton où les citadins les accueillaient en pavoisant les rues. Ces rendez-vous avec la terre préfiguraient l’actuel salon de l’Agriculture de Paris qui installe, chaque année, la plus grande ferme de France, pour le plus grand bonheur des habitants de la métropole. Le 8 septembre 1899, à Saint-Junien, les choses avaient été organisées de manière grandiose. Tous les habitants avaient été invités à pavoiser les façades de leur maison. Deux concours étaient organisés simultanément : • Sur le champ de foire pour les bovins, ovins, porcins et matériel aratoire, • Place Lacôte pour les animaux de basse-cour et les produits agricoles et horticoles. La journée débuta à 10 h, par l’exposition des animaux et des matériels et la visite du jury. A 14 h 30, un grand cortège emmené par les ritournelles de l’harmonie « Les enfants de Saint-Junien », composé de la société de gymnastique « L’Avenir », du Conseil Municipal, du jury, de la commission des fêtes et des sapeurs pompiers, partit de la mairie pour se rendre sur les lieux d’exposition et procéder à la remise des prix. Une exhibition gymnique et un grand concert concluaient cette cérémonie haute en couleur. La grande fête organisée en soirée clôtura le comice. La météo fut peu clémente ce jour-là, cependant, les pluies intermittentes n’empêchèrent pas le bon déroulement des spectacles qui se tinrent devant un public venu nombreux. La plaque de prix que nous présentons ici est un témoin de ces festivités grandioses. Elle fut décernée à monsieur Morand, de Précoin, accompagnée d’une somme de 20 francs. Des comices comme celui-là furent organisés régulièrement jusque dans les années 1960. À compter de cette époque, ils tombèrent peu à peu en désuétude pour disparaître tout à fait, jusqu’à ce que notre ami Eric Boutaud, artisan boucher en notre ville, prenne l’initiative, en 2015, de ressusciter ce type de rendez-vous, pour le plus grand bonheur du public et des professionnels de la filière bovine limousine. Thierry GRANET L’association IMPACT prépare une étude sur l’Etoile Bleue de Saint-Junien et son histoire. Les auteurs sont à la recherche de tous documents (photos, lettres, objets…) qui pourraient illustrer la publication, ainsi que des témoignages de ceux et celles qui ont participé à la vie de l’Etoile Bleue. Contact : impact.sj@gmail.com
Le Chercheur d’Or2 LE CHERCHEUR D’OR • N° 69 Imars 2018A Saint-Junien,les petites mains de la ganterieLa perforation-broderie sur gants de peau était un secteur d’activité à part entière de la ganterie. Elle se pratiquait soit à l’atelier soit à domicile, dans de petites entreprises artisanales indépendantes travaillant avec peu de matériel et de main d’œuvre. Elles étaient au nombre de sept au début des années soixante. A raison de deux collec-tions de mode par an, le (ou la) perforateur présentait aux fabricants de gants, sur échantillons, des modèles (motifs) de broderie de sa création, tenant compte des exi-gences de la mode, de la saison (printemps, hiver), de la nature des peaux, de la forme et de l’usage de la paire de gants…Tous les fabricants voulaient des modèles originaux, beaux et « pas chers ». Main d’œuvre, matières premières, charges sociales : le coût du travail était calculé par paire et le prix, au plus juste. La commande passée, les modèles retenus étaient reproduits sur une maquette en carton compact, dur et résistant, que le perforateur appliquait ensuite directe-ment sur les gants, fendus au préalable à l’atelier, travaillant sur le dos de la main, par paires ou gants démariés (main droite, main gauche). Le travail s’effectuait au domicile familial, à l’aide d’un petit outillage : billot, maillet de bois et « frappes » (emporte-pièces) de petit calibre et à l’embout de différentes formes : rond, carré, losange, triangle… La broderie à la main se faisait avec de fines lanières de cuir, du coton mercerisé (de la marque DMC la plus utilisée) qu’il fallait assortir à la couleur des gants, des perles, des paillettes… Le perforateur utilisait un massicot pour découper les peaux en lanières. Il recrutait des brodeuses, ouvrières à domicile, qui travaillaient avec des passe-lacets et de fines aiguilles. Il fournissait le coton, le fil, les lanières de cuir, l’élastique… Perforateurs et brodeuses étaient payés aux pièces et travaillaient pour plusieurs maisons. Pour cette main d’œuvre féminine, le salaire constituait un revenu d’appoint car pour les uns comme pour les autres, l’activité de ce secteur était des plus fluctuantes. Elle n’en exigeait pas moins un travail minutieux et soigné, ajoutant en cela à la qualité et à la beauté du gant renommé de Saint-Junien. Une petiteentreprise :Couturière en gants (piqué Brosser), Catherine Bigaud rachète en février 1954 une petite entreprise de perforation-broderie dont les propriétaires quit-taient Saint-Junien. Elle travaille à domicile, aux côtés de son mari, lui-même coupeur, pour plusieurs fabricants de la ville (une vingtaine), tout en élar-gissant sa clientèle aux Etablissements Rousseau de Saint-Liguaire (Niort) et Dondey de Grenoble. Pour créer ses modèles, elle puise son inspiration dans les magazines de travaux d’aiguille, comme Le Petit Echo de la Mode ou Modes et Travaux, retravaillant les modèles anciens ou inventant sans cesse de nouveaux motifs. Sa fille Lucienne reproduit ses modèles avec le nom de ses clients, dans un cahier- répertoire mentionnant les caractéristiques de la perforation et de la bro-derie ainsi que le prix par paire de gants. Elle emploie une ouvrière permanente et quatre ou cinq autres tempo-raires selon la conjonc-ture. La concurrence est rude, et l’activité de la ganterie décline. Elle abandonne ce métier le 31 décembre 1969 et termine sa vie active comme employée de commerce dans une mercerie bien connue de la ville. Annette Bigaud> Extrait du cahier-répertoire de Catherine Bigaud, modèles pour la maison Rousseau à Saint-Liguaire (79), collection particulière.> Catherine Bigaud, 8 septembre 1958, collection particulière.
N°69LE CHERCHEUR D’OR • N° 69 I mars 2018 3Arrêt sur imageLES heureux possesseurs du Chercheur d’Or n°26, de décembre 2007, déjà un tantinet ancien, peuvent se reporter au document présenté par David Chaput. Publicité pour le chocolat de l’abbaye d’Aiguebelle (Drôme), ce dessin montre saint Junien construisant une hutte. Hélas ! La légende imprimée au verso précise qu’il s’agit du Junien, mort en 587, fondateur du monastère de Mairé (Deux-Sèvres), dont le souvenir survit aujourd’hui à Nouaillé (Vienne). D’ailleurs, on sait que dans l’antique Comodoliac, notre Junien se souciait peu d’une hutte. Sa chère aubépine lui suffisait. Porté sur les ailes de l’amitié, un autre exemplaire de cette image nous est parvenu. Il est identique, mais toute allusion à Aiguebelle a disparu. Un encadrement délicat en dentelle de papier l’a transformé en une image pieuse de la fin du XIXe siècle. Pierre EberhartUn compagnondu tour de FranceL’objet que nous présentons ici nous permet de faire une incursion chez nos voisins de Charente limousine, désormais lecteurs de La Nouvelle Abeille et donc du Chercheur d’Or. Il s’agit en effet de la canne d’un compagnon du tour de France, qui a vécu son enfance à Bussiéreix, commune de Brigueuil.RAPPELONS qu’au XIXe siècle, les compagnons sont des hommes de métier, ayant acquis une haute qualification par l’apprentissage et la pra-tique du tour de France, et liés par une morale fondée sur le travail, l’honneur, la fidélité et l’entraide. La canne de parade est pour eux un objet précieux et symbolique, reçu lors de la « réception », cérémonie qui fait accéder le jeune ouvrier au rang de compagnon. Longue d’environ 1,40 m, notre canne se compose d’un jonc en bois exotique, prolongé par une férule en métal et surmonté d’un pommeau en corne noire, à huit pans. Sur le pommeau, qui peut se dévisser, est fixée une pastille en métal argenté, qui nous donne des informations sur le compa-gnon : • Sur le pourtour : son nom, O. DEGUERCY ; son surnom, ANGOUMOIS LA BELLE PRESTANCE ; le lieu et la date de sa « réception », TOURS SAINT-ELOI-D’HIVER 1911 (1er décembre 1911). • Au centre : le « blason » des maréchaux-ferrants, avec ses outils caractéristiques le marteau, la tenaille et, peut-être, le rifloir (sorte de lime). Ovide Deguercy est né le 28 juillet 1892, à La Péruse (Charente), fils de François, maré-chal-ferrant. Devenu compa-gnon maréchal-ferrant à l’âge de 19 ans, il s’installe en 1912 à Dauzé (Loir-et-Cher). Durant la Première guerre mondiale, il est réformé en 1917 pour des problèmes cardiaques. Il se marie à la fin de la guerre mais sa santé reste fragile et en septembre 1928 il décède à Brigueuil, âgé de 36 ans. Sa canne de compagnon est conservée à Saint-Junien, dans sa famille. Frank Bernard• Autour du « blason », des lettres ponctuées de trois points à la manière maçon-nique : M et F pour Maréchal Ferrant, HAC pour Honneur Aux Compagnons. La significa-tion des autres lettres nous est inconnue.> Pommeau de la canne du compagnon maréchal-ferrant Ovide Deguercy, collection particulière.
LE CHERCHEUR D’ORPublication de la Société des Vieilles PierresPour la promotion du patrimoine du pays de Saint-JunienSociété des Vieilles Pierres : 18, rue Paul-Elluard • 87200 SAINT JUNIENLe supplément « Le Chercheur d’Or » est consultable en ligne à l’adresse : www.gantier.jimdo.comLa version papier est disponible gratuitement aux archives municipales, à la médiathèque de Saint-Junien et à l’office du tourisme.N°ISSN 2117-8879 Pour tout renseignement : 05 55 02 30 69 – Courriel : socvp@orange.frEDITIONS L’ABEILLE B.I.P. SASDépôt légal à parution • ISSN 3441-4101 K • ARRONDISSEMENT DE ROCHECHOUART. Autorisé pour l’arrondissement judiciaire à publier les annonces judiciaires et légales en matière de procédure civile et de commerce, ainsi que les actes des sociétés. No CPPAP 0615 I 87943 • Tirage : 4.000 ex. Abonnement 2018 : 45 € • Prix du No 1,20 €Directeur de Publication :François BUSSAC • Rédactrice en chef : Louise CARPENTIER • Rédaction « Le Chercheur d’Or » : Franck Bernard et Société des Vieilles Pierres.Conception graphique : Studio four cat’S : Sébastien CATILLON. Impression : SAXOPRINT.DES SAINT-JUNIAUDS MÉCONNUSLouis Antoine Dussoubz, des bords de Vienne aux océans lointains4FÉLIX Rorice Dussoubz se marie à Saint-Junien avec Marie Noémie Dupuy le 25 mars 1856. Avec ses économies, et l’argent dont peut disposer sa grand-mère, il crée une fabrique de gants, rue des Mandarines, qui prospère suffisam-ment pour permettre à son épouse de fermer son école (1) et donner une bonne instruction à leurs enfants. Edmond, Maximilien et Emmanuel, les fils aînés, apprennent le métier de gantier. Louis, né le 17 janvier 1866, choisit une toute autre voie. Brillant élève, peut être influencé par le récit des aventures dans la « Grande Armée » napoléonienne de son grand-père maternel, Léonard Dupuy, il choisit la carrière militaire. Un peu surprenant pour un habitué des eaux douces de la Vienne, il se présente au concours de l’École Navale où il est admis en 1884. Nommé aspirant de deuxième classe en 1886, il doit embarquer sur le bâtiment-école à Brest. Il a juste vingt ans. En 1889 il est nommé au grade d’enseigne de vaisseau. Autorisé à contracter mariage par permission de M. le Ministre de la Marine, il s’unit en septembre 1896 à Saint-Junien, à Jeanne Barthélémy, 21 ans, native d’Aurillac et dont la sœur, Marguerite, est déjà l’épouse de Maximilien Dussoubz, son frère. Le mois suivant il est promu au grade de lieutenant de vaisseau. Donnons-lui la parole : « Entré à l’Ecole Navale en 1884, j’ai surtout navigué hors de France avant mon mariage qui a eu lieu le 7 septembre 1896… En résumé : voyage aux Antilles, campagne dans l’Atlantique sud (Afrique, guerre du Dahomey, Amérique), dans le Levant, dans les > Portrait de Louis Dussoubz, archives communales de Saint-Junien, fonds de la famille Dussoubz, don de madame T. Guillou, nièce de Joseph et Louis Dussoubz.mers de Chine, à Djibouti, embar-quement en Corse et en Crête…»(2). Ainsi il servira sur le croiseur « Troude » au Levant, à bord de l’aviso « L’inconstant » en Extrême-Orient… Le couple s’établit à Rochefort, mais les absences de Louis étant très fréquentes, Jeanne vient à Saint-Junien chez sa sœur terminer sa grossesse. Elle accouche de Marie-Louise en juin 1897. Louis est présent, c’est lui qui déclare la naissance de sa fille, il vient d’être nommé second sur le croiseur « Davout »en réserve à Rochefort. Un deuxième enfant, Henri, naît en 1900 toujours à Saint-Junien. C’est encore Louis qui fait la déclaration de naissance. En 1903 il reçoit le grade de chevalier de la Légion d’Honneur. Comme il le dit dans ses notes, « j’ai taché de m’éloigner le moins possible du foyer… ». Il occupe alors l’emploi de sous-directeur des mouvements du port de Rochefort, puis il est nommé au commandement d’un torpilleur de défense mobile à Dunkerque. De retour à Rochefort, on peut lire dans « l’Écho Rochelais » du 3 février 1904 :Le ministre de la marine a adressé ses félicitations au Lieutenant de vaisseau Dussoubz, commandant le remorqueur « Taillebourg », ainsi qu’à tout l’équipage de ce bâtiment, pour avoir porté secours au steamer « Forest », qui se trouvait en détresse … ». Cependant, en novembre 1909, nommé au commandement de la canonnière cuirassée « Achéron », il doit revenir à Saïgon où il passera de longs mois. C’est en 1913 que le Lieutenant de vaisseau Dussoubz est promu au grade de capitaine de frégate. Pendant la Grande guerre, il commande durant un an les batteries des côtes du Havre puis il est versé dans le cadre de réserve le 17 juillet 1915. De 1920 à 1922, il exerce les fonctions de commissaire du gouvernement au conseil de guerre de Rochefort. Il est également membre de la Société de Géographie de Rochefort et il reçoit le grade d’officier de la Légion d’Honneur en 1926. Il décède à Rochefort le 2 octobre 1950 à l’âge de 84 ans et sera inhumé dans le caveau familial à Saint-Junien.Jean Mazaud