Souvenirs… il y a 60 ans déjà Après le vote favorable à l’auto-détermination en Algérie, de nombreux colons refusent ce choix. Le putsch des généraux, puis la création de l’OAS, les attentats qui se multiplient en Algérie et qui s’étendent dans la métropole créent en ce début 1961 un climat hostile et plein d’incertitudes. Mais si les Saint-Juniauds suivent ces événements de très près, le sujet de conversation reste LA FINALE ! Finale 2e division de rugby : Saint-Junien – Lannemezan, le 14 mai 1961, à Bergerac. Le jour venu, la ville s’est vidée, seules quelques mamies sont restées garder les bébés. Laissons parler Déclic (Délivrance du 20 mai) : Ce dimanche 14 mai s’éveillait dans une féerie de lumière. Dès le matin l’immense armada motorisée prenait la route, plus nombreuse, plus solidement armée semblait-il que pour le déplacement de Périgueux. Aux portières, sur le capot des voitures, claquaient et palpitaient fanions et flots de rubans. Les dames arboraient e coquets chapeaux et les hommes des cravates aux couleurs du club. Dans les cars d’immenses bannières étaient étenues en réserve et les groupes de choc de l’armée des supporters, sous l’impulsion de son chef d’état-major, Couscous, assisté de son aide de camp Hubert, s’étaient largement munis d’instruments sonores variés rivalisant de puissance… Nous étions trois à effectuer notre service militaire Jean Roger Pagnoux, Lucien Jaffre et moi- même. Fiers de participer à ce match. Mais notre présence a bien failli être compromise. Je faisais mes classes au centre. L’instruction du service de santé de Vincennes. L’intervention du député-maire de Vincennes auprès de l’autorité militaire m’avait permis de jouer les quarts de finale (Condom à Périgueux) puis la demi-finale (Albi à Marmande). Restait la cerise sur le gâteau : la finale. Le vendredi après midi, au rapport de la compagnie, j’attendais donc l’appel de mon nom pour la remise de cette nouvelle permission. Ce jour-là une seule a été remise : un copain venait de perdre un parent proche. A « rompez les rangs ! » toute la compagnie s’est dispersée. Je suis resté seul, « planté » là, complètement désemparé. C’est à ce moment que le capitaine a relevé la tête et posé le regard sur moi. Il s’est tourné vers le fourrier, a échangé deux mots, m’a fait le signe d’approcher et, là, dans la cour de la caserne, m’a remis ma délivrance. Merci mon capitaine. Demitour réglementaire et, les jambes à mon cou, j’ai rejoint Austerlitz au plus vite. Dans la nuit suivante des attentats ont eu lieu, les permissions étaient supprimées, les casernes consignées. Jean Roger Pagnoux, sergent à la base aérienne de Romanet, n’échappait pas à la règle mais l’appel de la finale était trop fort, il s’est passé de permission et nous a rejoints. Pour Lulu Jaffre la situation était particulière. Militaire lui aussi à Romanet, il était détaché au cercle des officiers à Limoges où son chef l’avait pris sous son aile. Présent aux entraînements et le dimanche aux matchs, je crois qu’il s’est toujours passé des autorisations pourtant nécessaires. Je ne vais pas vous raconter le match, ni vous apprendre que Saint-Junien a été champion de France. Quelle allégresse ! Quelle fête ! C’est à Saint-Junien à la fin du repas du soir, dans les rires et les chansons que les gendarmes se sont « empressés » de me remettre l’ordre de réintégrer la caserne au plus vite. Ordre qu’ils avaient gardé sous le coude près de deux jours. L’absence à la caserne de Jean Roger Pagnoux serait peut être passée inaperçue, mais dans la presse son nom était en bonne place puisque qu’il avait eu l’honneur de marquer l’essai de la victoire. Il a donc « écopé » de quelques jours d’arrêts de rigueur. Lulu Jaffre a bénéfi cié de la « publicité » de son camarade. La sanction est tombée : 8 jours de prison ! Romanet en était dépourvu, le cercle des officiers, évidemment, n’en possédait pas davantage. Il a donc purgé sa peine parmi les siens dans le Béarn. Je laisse à Déclic le soin de conclure : Champions de France ! C’est bien souvent pendant le voyage du retour que je me suis répété ce titre à mi-voix, pour mieux me convaincre de la réalité de ce rêve et chaque fois le sourire remontait de mon coeur à mes lèvres… Je dédie ces quelques souvenirs à tous mes camarades et dirigeants dont beaucoup nous ont quittés trop tôt. Jean Mazaud La carte topographique indique bien son nom et son emplacement non loin du village des Séguines, mais il n’est guère facile de la repérer tant elle est cachée par la végétation. Pourtant elle est bien là, plantée sur un petit amas rocheux : un fût de granit de section rectangulaire, cintré sur sa hauteur (96 cm), surmonté d’un élégant crucifix en fer forgé haut de 180 cm. La pierre porte une inscription gravée sur cinq lignes, que le temps a rendu difficile à déchiffrer : À LA MÉMOIRE D’ANDRÉ PALANT 1861-1905 La croix a donc été érigée au début du XXe siècle, quelque temps après le décès d’André Palant, dernier à porter le nom de cette ancienne famille de notre région. Né à Rochechouart en 1861, André Palant est issu d’une lignée de marchands, mais lui-même semble avoir surtout vécu de la rente de ses propriétés autour de Saint-Junien. En 1889, il a épousé Marie Charlotte Péconnet du Châtenet, fille d’un riche négociant de Limoges, et le couple s’est installé dans la demeure familiale de la rue Defaye ; c’est là qu’André Palant décède le 16 juillet 1905, à l’âge de 44 ans. Par testament, il lègue 500 francs au bureau de bienfaisance de la ville. Il est inhumé dans le caveau familial au cimetière de Saint-Junien, en présence du maire et de nombreuses personnalités de la ville. Quelque temps plus tard, sa veuve fait élever la croix des Séguines, signe peut-être de l’attachement particulier qu’il portait à ce domaine. Veuve et sans enfant, Madame Palant va s’engager au service des autres. A la veille de la Grande Guerre, elle suit une formation d’infirmière à la Croix-Rouge, et dès le début du conflit elle sert à l’hôpital militaire annexe de Saint-Junien. Elle est promue infimière-major et son dévouement lui vaudra une médaille d’honneur du ministère de la guerre en juillet 1918. Une rare photographie de 1915 la montre en compagnie des autres infi rmières, du médecin de l’établissement et de membres du personnel ; la haute silhouette derrière elle, au centre de l’image, est celle de Jean Teilliet portant le brassard de la Croix-Rouge. Frank Bernard André PALANT Hôpital militaire annexe de Saint-Junien, 1915. Assise au centre, Mme Palant, infirmière-major. Coll. privée. La tombe gallo-romaine du Masférat Autour de Saint-Junien, les communes de Saint-Brice, Javerdat et Oradour-sur-Glane ont livré de nombreuses traces archéologiques d’occupation gallo-romaine. Une des plus intéressantes est la découverte d’une sépulture à incinération sur la propriété du Masférat à Oradour-sur-Glane. La Caisse d’Epargne de Saint-Junien L’immeuble fait partie de notre paysage familier, au point qu’on ne lui prête plus guère attention ; c’est pourtant un très bel édifice, imposant par sa taille et bien visible par son emplacement sur le boulevard Victor-Hugo. Il abrite aujourd’hui la banque Tarneaud mais il fut construit pour la Caisse d’épargne de Saint-Junien ; durant 80 ans il fut au coeur de l’activité de cette belle institution. La tombe reconstituée, exposition Société des Vieilles Pierres, Maison des consuls, 2009.EN octobre 1965, Monsieur Emile Pérot, agriculteur au Masférat, entreprend de labourer le pré des Gabios, à 400 mètres au nord des bâtiments de la propriété. Quand la charrue accroche un bloc de granit, l’agriculteur descend de son tracteur et remarque que la pierre INAUGURÉ le 22 novembre 1903, l’hôtel de la Caisse d’épargne de Saint-Junien est l’oeuvre de Jean Joseph Gouteroux, architecte communal auquel on doit aussi l’école de Glane. Sa tour d’angle en pignon, sa toiture d’ardoise et ses balcons en ferronnerie lui donnent l’air de respectabilité qui convient à un édifice abritant une institution au service de la population. Le bâtiment témoigne aussi de la prospérité acquise par la Caisse d’épargne au cours de ses 35 premières années. Pourtant les débuts furent des plus hésitants. Les caisses d’épargne ont été créées au début du XIXe siècle pour collecter l’épargne des populations modestes et leur servir un intérêt : elles visent à faire disparaître la pauvreté par « le bon usage de l’argent ». Un rôle philanthropique mais aussi éducatif, le livret habituant aux premières notions de l’économie. Cependant les caisses d’épargne présente une forme rectangulaire très régulière. Intrigué, il la dégage partiellement et constate qu’elle est posée sur un autre bloc tout aussi bien taillé. La pierre du dessus soulevée avec précaution, il découvre un vase en verre de forme sphérique, posé dans une cavité creusée dans le bloc inférieur. Comprenant qu’il s’agit là d’une découverte archéologique, il en informe maître Raymond Couraud, un savant archéologue de Limoges qui possède une maison de campagne non loin du Masférat. Celui-ci publiera la découverte dans le bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin en 1969. Il s’agit d’une tombe à incinération composée d’une urne en verre contenant une partie des ossements calcinés, protégée par un coffre en pierre et son couvercle. Le vase, de 18 cm de hauteur pour 16 de diamètre, possède deux anses striées. Le coffre rectangulaire, 69 x 64 cm pour 24 cm de hauteur, est creusé d’une cavité cylindrique de 30 cm de diamètre pour 18 de profondeur. Une feuillure permet l’adaptation parfaite du couvercle, de même forme que la base (68 x 51 x 25 cm). Les sépultures sous coffre ne sont pas rares en Limousin, particulièrement au nord et à l’est de la région ; la Creuse en a livré plus d’un millier ! Les coffres sont de forme rectangulaire, circulaire ou irrégulière, les urnes sont en terre cuite ou en verre. Parfois les cendres sont déposées directement dans la cavité du coffre. De ces découvertes, la plupart fortuites, il ne subsiste en général que la base du coffre, rapportée dans un village ou une ferme et remployée comme pot de fleurs ou abreuvoir. D’autres tombes sous coffres ont-elles été découvertes près de Saint-Junien, sans être signalées ? Certainement, car des blocs de granite taillés et creusés d’une cavité circulaire sont conservés dans certains villages, à l’exemple de celui que nous avons photographié au Monteil, commune de Saint-Junien. Peut-être en connaissez-vous d’autres ? Si c’est le cas, merci de nous les indiquer, cela permettra d’enrichir l’étude sur les coffres funéraires gallo-romains dans la région de Saint-Junien, que nous publierons dans le prochain numéro de notre revue annuelle, Les Dossiers du Chercheur d’Or. Frank Bernard, Michel Moreau, Jean-René Pascaud Le Monteil, commune de Saint-Junien : base de coffre funéraire gallo-romain ? ne sont alors autorisées à faire ni prêt ni crédit. En 1835, 159 caisses indépendantes sont en activité, dans la plupart des villes importantes. Celle de Limoges ouvre une succursale à Saint-Junien en 1843, mais elle doit la supprimer dix ans plus tard devant le peu d’enthousiasme de la population. En 1861, le conseil municipal se prononce pour la création d’une caisse d’épargne de Saint-Junien, mais il faut attendre 1867 pour qu’elle voie le jour, et 1868 pour qu’elle entre en activité. La commune vote une subvention de 500 F, apporte sa garantie et prête gracieusement une salle de l’hôtel de ville. C’est là que chaque dimanche sont reçus les clients, entre 13 h et 14 h pour les versements, entre 14 h et 15 h pour les remboursements ; ces opérations sont réalisées par le caissier assisté d’un des directeurs, tous agissant gratuitement. Bel exemple de ce dévouement, Gabriel Ménieux, négociant, exercera la fonction de receveur-caissier durant 50 ans. Après la guerre de 1870, la Caisse d’épargne de Saint-Junien connaît un essor rapide malgré la création en 1881 de la Caisse Nationale d’Epargne à la poste. Le nombre de livrets passe de 162 en 1873, à 2504 en 1898 et à près de 5000 en 1912 ; le premier million de dépôt est atteint en 1894. Enfin, une première succursale est créée à Rochechouart en 1904. Au XXe siècle, la Caisse d’épargne de Saint-Junien poursuit son développement ; elle fête son centenaire en 1968, dans l’immeuble du boulevard Victor-Hugo, modernisé en 1963 ; elle le quittera en 1980 pour ses locaux actuels de l’avenue Gagarine. Frank Bernard Gabriel Ménieux, 1865-1951