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Pittoresque pont Sainte-Elisabeth
Il a failli disparaître en 1900, pour laisser la place à un moderne pont de béton ou de métal (voir Le Chercheur d’Or n°61, mars 2016). Mais il a survécu, dans la rustique simplicité qui fait son charme et qui a attiré le regard des artistes. Voici trois représentations peu connues de notre pont Sainte-Elisabeth ! La rue Lucien-Dumas vue par Déclic en 1951 Durant près de trois décennies, il a régalé les lecteurs de Délivrance de sa chronique rugbystique dédiée à l’équipe de Saint-Junien.
Des dizaines d’articles savoureux, écrits avec talent, pétris de passion sportive et piqués de pointes d’esprit, voire de chauvinisme local.
Mais Louis Picaud – alias Déclic – n’a pas réservé son talent au seul rugby ; il s’est fait aussi observateur de la vie saint-juniaude, comme en
atteste cet étonnant article du 7 avril 1951, consacré à la rue Lucien-Dumas.
François Baron, huile sur toile. Coll. privée.
Sainte-Elisabeth, Louis Parrens, hst, 1930.
LA plus récente est une oeuvre du peintre
auvergnat François Baron (1879-1963)
qui sa vie durant a fi xé sur la toile les
paysages de sa région natale, mais aussi
quelques sites du Limousin. En Creuse,
il a suivi les pas des peintres de l’école de
Crozant, à Saint-Junien ceux de Corot sur
les rives de la Glane. Il a saisi le vieux pont
vu de l’aval, cerné d’un dense cadre végétal
qui fait oublier qu’on est aux portes de la
ville.
A l’inverse, le peintre basque Louis Parrens
(1904-1993) a choisi un angle de vue qui
inscrit le pont dans un décor urbain : guidé
par une silhouette sombre qui franchit la
rivière, le regard se porte vers les premières
maisons du faubourg Saler. Pour éclairer la
scène, le peintre a remplacé les pentes qui
montent vers Saint-Amand par un ciel clair,
brossé à larges touches. Notons enfi n que
le point de vue met en évidence le curieux
coude que fait le pont, conséquence sans
doute d’un allongement contraint par
l’affouillement de la rive droite.
Deux images bien différentes du pont,
mais toutes les deux authentiques. Deux
styles de peinture aussi, le premier plus
académique, le second plus graphique
et faisant penser à l’oeuvre de Gaston
Balande, autre artiste venu à Saint-Junien.
Parrens quant à lui y a séjourné au moins
deux fois, en 1929 et 1930, exposant même
quelques oeuvres peintes sur place comme
Les bords de la Glane au Châtelard ou
L’église collégiale vue du boulevard Louis-
Blanc.
Quant à la troisième représentation du
pont Sainte-Elisabeth, c’est un dessin en
noir et blanc reproduit en carte postale.
Saisi du côté amont, il montre les deux plus
grandes arches, séparées par un avant-bec
triangulaire. Son auteur, Eugène Cochefert
(1885-?), ancien avocat parisien, s’est retiré
dans la région de Montmorillon après son
mariage en 1921. Il a dessiné avec talent de
nombreux sites de la région, de Châlus à
Lathus (86) en passant par Rochechouart,
édités en carte postale par Les Artistes
Régionalistes Français.
Pittoresque, le pont Sainte-Elisabeth est
aussi, ne l’oublions pas, un véritable site
historique : point de passage pour une
grande route est-ouest de l’Antiquité au
XIXe siècle, il a fi xé au moyen-âge une
chapelle (dédiée à Saint-Jean-Baptiste puis
à Sainte-Elisabeth) et un hôpital qui lui a
donné son ancien nom, le pont des malades.
Frank Bernard
FACETTES DE LA VIE : LA RUE L.-DUMAS
Le magasin Ayral-Picaud, 30 rue Lucien-Dumas, en 1958, coll. privée. Habitant au-dessus du
magasin, Louis Picaud était aux premières loges pour observer la vie de la rue. (Coll. privée)
TOUTES les villes de France, grandes
ou petites, ont leur artère fameuse où
semble battre le coeur même de la
cité. Pour nous ce n’est ni la rue de la Paix,
ni la Canebière, ni la rue Sainte-Catherine,
ni la rue du Clocher… C’est la rue Lucien-
Dumas.
– Selon un rite immuable et sans doute
immémorial, ça commence vers les 6 h.
et s’achève entre 7 h. et 7 h.½ du soir.
– C’est le défi lé, en allées et venues, de
toute la jeunesse de notre petite ville.
– Le circuit a des limites bien déterminées
que l’on ne saurait dépasser et qui vont
de la place Guy-Mocquet au square
Curie.
– Si les garçons y sont admis sans limite
d’âge, il semble que pour les jeunes
fi lles il faille qu’une poitrine naissante
commence à gonfl er la fi ne toile du
corsage.
– Chacun y extériorise son tempérament.
Il y a les bruyants qui chahutent
à grands renforts de bourrades et
d’éclats de voix ; les posés qui discutent
calmement ; les sportifs qui forment à
haute voix l’équipe du Dimanche ; les
rêveurs qui, les mains derrière le dos,
poursuivant leur chimère intérieure,
passent sans rien voir… Les amoureux
aussi…
– Les vieux messieurs ne dédaignent
point non plus d’y venir discuter
« affaires » et, peut-être inconsciemment,
y retrouver le parfum de leur jeunesse
enfuie.
– On y va rarement seul et c’est un
charme de plus que d’y croiser de frais
bouquets de jeunes fi lles en fl eur.
– Il y a ceux et celles pour qui vingt tours
sont un minimum ; d’autres à qui
2 tours suffi sent. Les pressés qui, un
peu rouges et essouffl és, ont peur d’être
grondés au retour à la maison ; ceux qui,
par contre, veulent être les derniers à
faire le dernier tour.
– Nous imaginons qu’aucune toilette
nouvelle ne peut recevoir sa
consécration qu’après avoir passé, en
première vision, dans la fameuse rue.
– Cette cérémonie est en général réservée
à une séance supplémentaire (car il y
en a une) le Dimanche matin, après la
grand’Messe.
– Et surtout… qu’un automobiliste
impudent ne vienne pas demander le
passage.
– Par tous les temps, hiver comme été,
par une pluie diluvienne et glaciale, ou
par un vent de noroît prenant la rue
d’enfi lade et vous sciant la fi gure, Déclic
en a vu qui n’ont pu, même pour un soir,
renoncer à ce rituel éternel.
– Et cela est bien ainsi… Que d’amourettes
qui sont devenues de grandes amours ;
que d’amitiés solides se sont forgées
au cours de l’innocente parade
quotidienne.
– Et mon Dieu… les soirs d’été, quand le
soleil agonise et saupoudre de paillettes
d’or les toits médiévaux de la vieille
cité ; quand, parmi la palette chatoyante
des jardins du square Curie les tulipes
referment leur corolle pour la nuit, c’est
un charme de plus pour Saint-Junien
que d’avoir sous les yeux toute la belle
jeunesse de notre petite ville.
Déclic
Instantanés… Instantanés… Instantanés…
Julien Ente, pionnier de l’éducation physique
à Saint-Junien
Les jeunes Saint-juniauds ont pu pratiquer le sport à partir des années 1890 : la bicyclette et la course à pied, mais aussi le tir,
l’escrime et la gymnastique, proposés par la société L’Avenir dans un but de préparation militaire. En revanche, il faut attendre
l’entre-deux-guerres pour qu’apparaisse dans les écoles l’éducation physique ; elle est alors confiée à Julien Ente.
Saint-Junien et la Commune
de Paris : pauvre Louise !
NATIF de Nieppe dans le département
du Nord*, Julien Ente arrive à
Saint-Junien au lendemain de la
Grande Guerre au cours de laquelle son
comportement héroïque lui a valu quatre
citations. Par la suite, il sera récompensé
de la médaille militaire (1921) et de la
Légion d’Honneur (1937). Mais la guerre
lui a laissé aussi de graves séquelles
physiques : blessé grièvement à la face
en avril 1917, il a été hospitalisé près de
huit mois, avant d’être affecté au dépôt
de son régiment à Bellac. Toute sa vie il
souffrira de sa mâchoire fracturée par un
éclat d’obus.
Après son mariage en 1918, il s’installe à
Bellac où il s’engage au 138e régiment
d’infanterie. En 1920, il est détaché à
l’instruction publique (actuelle éducation nationale)
pour assurer l’éducation physique dans les écoles de
Saint-Junien. Un adjudant-chef d’infanterie chargé de
la gymnastique à l’école ! Rien d’étonnant à l’époque,
car depuis la fin du XIXe siècle les militaires jouent un
rôle important dans l’éducation physique, considérée
comme un moyen de préparer les jeunes garçons à
devenir des soldats. C’est donc la discipline militaire qui
est enseignée, autant que le développement du corps,
avec des exercices répétitifs que les enfants exécutent
bien alignés dans la cour d’école ; mouvements des
bras et du tronc synchronisés, bien loin d’une pratique
sportive de détente ou de dépassement de soi.
Mais Julien Ente enseigne aussi une gymnastique plus
sportive au sein de L’Avenir dont il devient le moniteur.
Sous sa direction pointilleuse, les adolescents et jeunes
hommes pratiquent la gymnastique au sol, les barres
parallèles, la barre fixe, le saut de cheval et la pyramide
humaine. Ils s’exercent aussi aux « sports athlétiques »,
au défilé en cadence et participent à des concours,
comme le 14 juin 1925, où la société de gymnastique
L’Avenir se classe 3e sur 22 au challenge du 12e corps
d’armée, à Bergerac.
EN 1903 et 1904, soit plus de trente ans après la
Commune, la légendaire Louise Michel, alors âgée de
74 ans, fait des tournées de propagande pour porter
la bonne parole dans toute la France. Saint-Junien est
sujette à cette époque à une violente agitation sociale,
aussi est-elle souvent choisie par les ténors parisiens de
l’anarchie pour haranguer les ouvriers. Louise Michel fut
reçue par les militants du groupe Germinal dont Jean
Bourgoin était le leader. Celui-ci rapporte ainsi le souvenir
de cette rencontre :
Louise Michel, petite vieille aux cheveux gris coupés
roides, au profil chevalin, avec des yeux candides, nous
fit sa visite accompagnée de l’anarchiste professionnel
Ernest Girault, qui lui servait de manager.
Dans les milieux anarchistes, où la médisance, la
calomnie et la jalousie faisaient bon ménage à trois,
Girault était accusé d’exploiter pour des fins intéressées la
candeur et la célébrité de celle qui avait gagné pendant
la Commune le surnom de « Pétroleuse »…
Louise Michel, symbole vivant de la révolte, de la révolution
sociale, sur laquelle nous comptions pour cracher du feu
et des flammes, nous déçut profondément. La vieille
institutrice que les anarchistes avaient quelque peu
déifiée de son vivant nous débita une longue suite de
banalités révolutionnaires avec l’élan d’un petit grelot
fêlé.
Bourgoin reprend ensuite les mots du journaliste libertaire
Jean Grave : Pauvre Louise ! Ce qu’elle fut pressurée et
exploitée sous prétexte de propagande, par les aigrefins
de l’anarchie . Janvion et Ernest Girault l’ayant entraînée
dans une tournée de conférences à travers la France,
la surmenèrent à un tel point qu’elle tomba malade en
cours de route. Ils l’abandonnèrent sans un sou dans une
ville de province, tellement malade qu’elle en mourut.
Ainsi finit à Marseille Louise Michel, « la Vierge Rouge », le
9 janvier 1905.
Jean-René Pascaud
Soirée Jean-Teilliet
MARDI 30 NOVEMBRE 2021
À 20 H 30, AU CINÉ-BOURSE
POUR LE 90e ANNIVERSAIRE DE LA DISPARITION DE L’ARTISTE
Jean Teilliet, un homme au grand coeur
Un film de Guy Ribette
ENTRÉE LIBRE
L’adjudant Ente au milieu des candidats à la préparation
militaire, 1930. Cliché Lafontan.
Les gymnastes de L’Avenir au champ de foire.
Portrait de Louise Michel à la fin de sa vie.
Spectacle des écoles au champ de foire.
Enfin, bien évidemment, « le père Ente » assure
les cours de préparation au service militaire qui
aboutissent à un brevet obtenu après examen. En
mars 1927, à la caserne de Bellac, L’Avenir présente
10 candidats, tous reçus ; ces brillants résultats font le
plus grand honneur à l’adjudant Ente, le sympathique
et dévoué moniteur (L’Abeille de Saint-Junien).
Les grandes fêtes scolaires et de gymnastique des
années 1930 sont la consécration de son travail.
Organisées sur le champ de foire ou au stade du Chalet,
elles donnent lieu à de splendides spectacles où se
mêlent enfants des écoles et gymnastes de L’Avenir.
Julien Ente en sera récompensé par la médaille
d’argent de l’éducation physique, puis la médaille d’or
décernée en 1938, à la veille de sa retraite militaire.
Durant près de quarante ans, Julien Ente a initié à
l’éducation physique des générations de jeunes Saint-
Juniauds ; soldat courageux, animateur infatigable et
homme de devoir, il méritait bien que son souvenir soit
évoqué.
Frank Bernard
* Il était le cousin de Line Renaud, la célèbre chanteuse de Mademoiselle
from Armentières, née Jacqueline Ente.