Le Chercheur d’Or
Le pont Sainte-Elisabeth par Jean Teilliet
LE peintre limousin, Jean Teilliet
(1870-1931) a immortalisé les
paysages limousins dans toutes leurs
spécifi cités au cours du premier tiers du
XXe siècle. Né à Saint-Junien, il suit des
études d’art et s’installe à Paris pendant
plusieurs années avant de revenir
au pays au moment de la guerre. Il
s’implique dès lors, dans la vie culturelle,
en collectant des chants et danses
traditionnels, avant de créer plusieurs
groupes folkloriques et le musée de
Saint-Junien.
Cependant s’il est un homme de
patrimoine, il reste avant tout un peintre
qui a su magnifi er les paysages du
Limousin et tout particulièrement ceux
à proximité de Saint-Junien. C’est en
particulier le long de la Glane, à la suite
du peintre Corot, qu’il trouve ses sujets
d’inspiration. Jean Teilliet a peint de
nombreux paysages, sous-bois, vallons
et rivières peuplés parfois d’un ou deux
petits personnages, créant ainsi un
paysage habité. Ainsi, sur Le pont Sainte-
Elisabeth, fi gure une femme coiffée qui
se penche, le bras droit tendu vers la
rivière comme si elle voulait rattraper
quelque chose. Les éléments naturels,
les arbres, l’eau et le ciel font une
large place aux constructions Jean Teilliet, Le pont Sainte-Elisabeth, 1918. (Huile sur toile, 51 x 63 cm, Collection privée) tions humaines
fi gurées par les maisons et le pont.
L’architecture de ce dernier, représentée
par ses deux arches principales, attire
le regard jusque sur la croix presque
en son centre. Sa touche est enlevée
et marquée d’un certain relief dans le
feuillage des arbres, tandis que le pilier
à l’extrême droite de la composition
est laissé dans un simple lavis qui laisse
apparaître les traits au crayon du dessin
sous-jacent.
Sa touche picturale et la gamme
chromatique de sa palette sont dans
l’esprit de son temps et il ne cherche
pas tant à faire oeuvre qu’à saisir une
part de cette particularité limousine si
revendiquée. Et c’est aujourd’hui encore,
ce que les Limousins lui reconnaissent.
On regarde une peinture de Jean Teilliet
avec une émotion nostalgique suscitée
par la représentation d’une certaine
forme d’identité limousine.
En choisissant de peindre le pont
Sainte-Elisabeth, en 1918 – qui sera
classé Monument historique en 1990
– Jean Teilliet immortalise un paysage
historique et symbolique du Limousin.
Virginie Kollmann-Caillet
Atelier de généalogie
Une vingtaine de personnes ont répondu à notre invitation, le vendredi 3 décembre, pour notre premier atelier de généalogie. Des
débutants et des chercheurs confi rmés, tous désireux de faire avancer leur enquête familiale, de se perfectionner, de pratiquer l’entraide,
l’échange d’informations et de techniques.
Le second atelier est fi xé au vendredi 14 janvier 2022, de 18 h 30 à 20 h, au Centre administratif Martial-Pascaud. Rejoignez-nous!
Les murs parlent…
Les travaux dans les maisons anciennes sont parfois à l’origine d’étonnantes découvertes (voir Le Chercheur d’Or n°78, p. 3). C’est ce qui
s’est encore produit récemment, dans un immeuble de la place Lasvergnas où sont réapparues deux affi ches centenaires sur les murs
du grenier.
les noms des représentants ouvriers et
patronaux. Parmi les patrons, apparaît
Aristide Lambert dont la fabrique de gants
est justement installée depuis 1884 dans
la maison de la place Lasvergnas, alors
appelée place de la Bascule. La découverte
des affi ches suggère que l’atelier des
coupeurs était aménagé dans le grenier
de l’immeuble.
Aristide Lambert (1854-1929) est une
personnalité de Saint-Junien en 1910 :
industriel, adjoint au maire, il a été président
de la société mutuelle l’Union des artistes
en ganterie. C’est aussi un musicien averti,
directeur durant de nombreuses années de
la société musicale l’Avenir. En 1919, âgé de
soixante cinq ans et sans enfant, il vend son
affaire à la société coopérative que vient
de fonder Joseph Lasvergnas, la Ganterie
Coopérative Ouvrière. Celle-ci achète le
fonds de commerce (clientèle et matériel)
et loue à Aristide Lambert l’immeuble où
elle restera jusqu’à son déménagement
rue Louis-Codet en 1931.
Jean Teilliet, un homme au grand coeur
Projeté au Ciné-Bourse le mardi 30 novembre, l’excellent fi lm documentaire de Guy Ribette a été apprécié par une cinquantaine de
spectateurs. Pour ceux qui n’ont pu être présents, une seconde projection sera proposée au printemps 2022.
COLLÉES directement sur le plâtre,
ce qui rend leur dépose impossible,
en partie déchirées, elles n’en sont
pas moins un précieux témoignage
historique car elles nous parlent de Saint-
Junien au début du siècle dernier, et plus
précisément de ganterie.
La plus ancienne est un tarif pour la
coupe des gants, issu d’un accord entre
les fabricants et les ouvriers de Saint-
Junien conclu en janvier 1910. Les grands
confl its sociaux qui ont agité la ville entre
1902 et 1906 sont alors apaisés, mais la
question des salaires reste au coeur d’âpres
négociations. L’Abeille de Saint-Junien qui
en rend compte dans ses colonnes donne
La seconde affi che est datée des années
1920, sans plus de précision. Elle émane
de l’union locale des syndicats ouvriers
de Saint-Junien et s’adresse au personnel
de la ganterie coopérative. On sait que le
syndicat CGT, la ganterie coopérative et la
mairie sont alors très liés, Joseph Lasvergnas
en étant le personnage central. L’affi che
annonce que les employés de la ganterie
coopérative devront obligatoirement être
syndiqués et que la carte syndicale sera
demandée pour toute nouvelle embauche;
une décision prise en assemblée générale
de la société coopérative, dans un contexte
de fortes tensions politiques et de confl its
sociaux à Saint-Junien.
Frank Bernard
Place Lasvergnas, années trente : au centre la bascule, à l’arrière les bâtiments de la ganterie
Lambert (1884-1919) puis de la ganterie coopérative (1919-1931), carte postale, collection
privée.
Le Moulin Gady des années 50…
C’est au Moulin Gady, au-delà du pont qui enjambe la Vienne, sur la route menant à Rochechouart et Chaillac, que j’ai passé mon
enfance. Au carrefour des routes de Saint-Martin et du Maluchat, dominé par les fermes de Monjovis et de Jarafi , ce quartier doit
son nom au dernier meunier dont le moulin installé sur cette rive est aujourd’hui disparu. On y comptait seize foyers après la guerre.
Et si la scierie Gaudy vivait ses derniers instants, l’atelier de charronnage de Maurice et Henri Puygrenier faisait encore résonner son
enclume.
Enigmes de la chapelle des pénitents
Implantée au coeur du cimetière ancien, longtemps fermée au public, la chapelle des pénitents suscite toujours la curiosité des
visiteurs. Curiosité puis étonnement, quand ils apprennent l’existence d’une chapelle basse, appelée caveau de saint Guignefort, à
laquelle furent longtemps associées de curieuses dévotions. Mais d’autres détails, parfois énigmatiques, ajoutent au mystère qui
entoure l’édifi ce.
La fontaine en fonte du Moulin-Gady, dessin de JL.
Joseph et Louis Boulesteix sur leur barque, au pied du pont Notre-Dame, Collection privée.
Le devant
d’autel
du retable
et une des
charnières qui le
rendent mobile.
Inscription gravée sur une dalle au pied de
l’autel. (Photo MM)
Spectacle des écoles au champ de foire.
TROIS auberges, chez Boulesteix,
Puygrenier et Pasquet, attendaient
les nombreux ouvriers (mégissiers,
teinturiers, papetiers) qui à pied ou à vélo
ne manquaient pas de s’arrêter chez l’un
ou chez l’autre; chez plusieurs les jours de
paye! A ces activités s’ajoutait le samedi
le passage de « la Catherine », avec sa
carriole tirée par un âne. Elle livrait du lait
dans quelque épicerie et en laissait au
passage à de fi dèles clientes. Le vingt de
chaque mois, jour de foire, des paysans
menaient à pied, vaches et veaux au
champ de foire. Les voitures étaient rares
et tellement bruyantes qu’il y avait peu de
risques d’accident.
Une corvée n’échappait à personne : celle
de l’eau. Les maisons n’avaient point l’eau
courante. Armé de seaux et de brocs, on
se rendait à la fontaine située près du café
Puygrenier. Cette fontaine en fonte était
alimentée par les sources de Fontbonne.
Un levier que l’on abaissait laissait jaillir
l’eau. Évidemment c’était un lieu privilégié
pour échanger les dernières nouvelles.
Alors, dans les années 50, quand l’eau fut
amenée sur l’évier de chaque maison à la
place du seau et de la couade, ce fut une
petite révolution. Et si tout ne s’est pas fait
immédiatement, des idées ont commencé
à germer… Chez moi, une des premières
réalisations a été d’installer, dans le soussol,
un bac à laver fabriqué par mon grandpère
cimentier. Quel soulagement pour ma
mère qui n’avait plus à transporter le linge
et la planche à laver jusque sur les bords de
Vienne en toutes saisons! On rêvait aussi
d’un cabinet de toilette, et un peu plus tard
d’une salle de bain. Et pourquoi pas de vrais
WC dans la maison et non plus une cabane
au fond du jardin?
Le restaurant Boulesteix tenait une place
à part dans la vie du quartier. Situé juste
après le pont, le bâtiment, bien que rénové,
a peu changé. Il se poursuit à l’arrière par
une cour où subsiste l’ancienne mégisserie
de peaux de morues, suivie de jardins et de
prés qui longent la rivière. Sept personnes
habitaient sous le même toit : Françoise,
veuve de Martial Boulesteix, son fi ls
André avec sa femme Suzanne et sa fi lle
Adèle, Joseph frère d’André, célibataire, et
Léontine leur soeur qui vivait avec son mari
à l’arrière de la maison.
André exerçait offi ciellement la profession
de taxi et il était, comme il le disait lui même
en toute modestie, l’animateur
des amusements, celui qui donne
de l’entrain dans le quartier.
Surnommé Piquette, il a laissé
de nombreuses annonces dans
« L’Abeille » et certaines prêtent
à sourire. Super grand bal avec
Landaud et son ensemble musette,
l’orchestre qui fait courir tout le
monde. Tous chez Boulesteix ! Les
fêtes qu’il organisait donnaient
lieu à des programmes divers et
quelquefois curieux : le 30 avril
1950, c’est le Couronnement du
Roi, de la Reine et des Demoiselles
d’Honneur, et le dimanche 27
mai 1951: Frairie et fête annuelle…
Tirs, loteries, confi series, glaces.
Course aux canards… Concours
de grimaces, Concours des buveurs à la
tétine où chaque concurrent doit téter au
moins un demi litre de vin rouge… Ces jours
de fêtes, la sono était en marche depuis la
veille et Le jupon de Lison n’en fi nissait pas
de voler sur le gazon. Tous les ans il fêtait
carnaval, une tradition qui avant la Grande
Guerre était partagée entre les trois
auberges. Le jour des Cendres « Sa majesté
Carnaval » était jugé puis pendu au gibet
dressé devant le restaurant. L’après-midi
un cortège le menait, en chanson, au
milieu du pont où il était brûlé puis jeté
dans la rivière.
L’été, des vacanciers, pêcheurs, profi taient
de l’emplacement exceptionnel de
l’auberge en bordure de Vienne pour
poser leur tente à l’ombre des peupliers.
Une autre facette d’André Boulesteix se
retrouve dans une lettre de félicitations que
Roger Frey, alors ministre de l’intérieur, lui
adresse pour son dévouement et ses actes
de courage après avoir sauvé plusieurs
personnes de la noyade. Le quartier n’a
plus été tout à fait le même après le décès
de Piquette, le 6 septembre 1963.
Jean Mazaud
LÉON Rigaud, fut le premier à remarquer
que le devant d’autel du retable des
pénitents est monté sur des charnières,
ce qui permet de le faire basculer vers
l’avant. Il y voyait l’entrée de la
chapelle souterraine, hypothèse
tout à fait improbable car on
ne voit pas comment on aurait
pu aménager à cet endroit une
entrée dans la voûte de la chapelle
basse, d’autant que les fouilles
de 1967 ont révélé une porte en
plein cintre dans son mur ouest
(invisible sous le perron actuel).
En fait, le basculement du
panneau de bois laisse apparaître
un autel en granit qui fut masqué
par l’installation du retable en
1689. Cet autel « attribuable aux
origines de la chapelle, XIIe ou
XIIIe siècle » fut non seulement
préservé par les pénitents bleus
mais le parement amovible
permettait d’en conserver
une utilisation ponctuelle. Lors de la
restauration du retable, il a été décidé de le
laisser au même endroit, désormais rendu
à l’obscurité mais facilement accessible.
Un second détail est plus énigmatique.
Au pied du retable, une pierre du dallage
porte une inscription dans un cartouche
festonné. Léon Rigaud, encore lui, y lisant
la date 1263 et les lettres GGI, l’a interprétée
comme la pierre tombale de Gérald
Godard, reconstructeur de la chapelle au
XIIIe siècle selon le Pouillé de Nadaud. Là
encore, l’érudit saint-juniaud a
fait fausse route: en effet, c’est
la date 1765 et les lettres O et T
qu’il faut lire, dans un style qui
n’a rien à voir avec le XIIIe siècle.
Alors à quoi peut correspondre
cette inscription ? Une
hypothèse nous est permise
grâce à une information
relevée par Vital Granet et Alain
Mingaud dans un registre des
pénitents bleus : le 3 mars
1765, l’assemblée décide de
confi er aux frères Jean et
Léonard Delagarde, maçons
à Saint-Junien, la réfection du
pavement de l’église avec des
pierres de taille bien de niveau.
C’est à l’occasion de ces
travaux que l’on aurait gravé la date. Quant
à la signifi cation des lettres, elle demeure
mystérieuse.
Enfi n, parmi les autres énigmes, signalons
les deux ouvertures dans la voûte de la
chapelle basse, dont on ignore la fonction,
ou encore la toile représentant saint
Jérôme, peinte au XIXe siècle sur une oeuvre
plus ancienne qui reste à identifi er.
Frank Bernard et Michel Moreau
Le numéro 13 des Dossiers du Chercheur d’Or est paru
Saint-Junien, archéologie et histoire 4
80 pages, nombreuses illustrations, 15 €
En vente à La Maison de la Presse, 1 rue Lucien-Dumas